La loi de restitution des biens aux Eglises est constitutionnelle
Seize Eglises de République tchèque vont recevoir des compensations financières à hauteur de 134 milliards de couronnes (5,35 milliards d’euros) pour leurs biens expropriés durant la période communiste. La Cour constitutionnelle n’a en effet pas approuvé le recours déposé par 18 sénateurs de l’opposition. La loi sur les restitutions des biens aux Eglises, attendue depuis des années, va donc bien entré en vigueur mais reste loin de faire l’unanimité.
Les différents cultes tchèques se sont évidemment félicités de la décision des « sages » de Brno, une décision toutefois partagée, puisque quatre juges constitutionnels se sont prononcés en faveur du recours, et aussi agitée lorsqu’un avocat s’en est pris au juge Miloslav Výborný, dont le mandat aurait déjà expiré. Les représentants de la majorité de droite ont eux partagé leur satisfaction aux micros et devant les caméras des journalistes tchèques, à commencer par Miroslav Kalousek, le ministre des Finances, qui a grandement contribué à la genèse de cette loi :
« Nous étions certains que cette loi, qui est valable et opérante, n’avait absolument rien d’anticonstitutionnelle. Toutes les objections juridiques sont tombées. Nous sommes enfin le dernier pays de l’ancien bloc communiste à nous défaire de cette honte internationale et à nous entendre avec nos Eglises. »Le cardinal et archevêque de Prague Dominik Duka n’a pas dit autre chose en affirmant qu’il s’agissait d’un « chapitre peu glorieux de l’histoire tchèque qui se refermait ». Après une longue bataille législative, les arguments juridiques mis en avant par les opposants à la loi - par exemple le fait qu’à cause des inondations de 2002, il était impossible de déterminer quelles étaient les propriétés des Eglises en 1947 – n’ont pas suffit. Pour le spécialiste des religions Ivan Štampach, les personnes militantes contre un texte de loi qu’elles estiment être un cadeau inconsidéré à ces cultes n’ont plus beaucoup d’options :
« La dernière possibilité juridique d’intervenir contre cette loi a échoué et ce texte va donc intégralement entrer en vigueur. Les opposants à cette loi disposent désormais d’une unique possibilité, celle d’agir contre elle et ses effets politiques, chose qu’à mon avis ils auraient dû faire dès le début. Ils pourront par exemple faire valoir leur opinion lors des prochaines élections législatives pour tenter d’amender cette loi. »Modifier un texte de cette importance ne sera pas évident, prévient Ivan Štampach, car il entérine un contrat entre seize Eglises et l’Etat tchèque. Il ne devrait donc être possible que de l’amender à la marge. Mais la contestation face à cette loi est réelle. Celle-ci ne fait certainement pas l’unanimité dans la population. En témoignent les dizaines de manifestants réunis devant la Cour constitutionnelle à Brno lundi pour tenter d’influencer la décision des juges. Le parti social-démocrate, principale formation de l’opposition politique, est contrainte de l’accepter. On écoute Milan Štěch, le président du Sénat:
« Bien sûr je prend acte de la décision de la Cour constitutionnelle bien que je ne l’approuve pas. Et je pense qu’à l’heure où nous avons des difficultés d’ordre budgétaire et que la situation empire, cette décision n’est pas heureuse. Je reste persuadé que les compensations financières prévues pour les biens ne pouvant être restitués sont trop importantes. La social-démocratie est surtout préoccupée par ce volet sur les compensations financières. »Le débat sur la loi sur les restitutions des biens aux Eglises n’est sans doute pas clos pour autant, tant la mise en application concrète de ce texte s’annonce complexe.