La longue traversée du désert du hockey tchèque
Comme toujours, la République tchèque aborde le championnat du monde de hockey sur glace, qu’elle entame ce vendredi à Riga par un affrontement contre la Russie, avec l’ambition de décrocher une médaille. Mais si elle parvenait à ses fins, la performance pourrait être considérée presque comme un exploit. Depuis 2012, en effet, la Reprezentace n’a plus achevé le moindre Mondial sur le podium. Plus globalement, le hockey tchèque traverse, depuis plusieurs années, la plus grave crise de son histoire.
Bien sûr, c’est un hockeyeur qui a été élu Sportif tchèque de l’année 2020. En inscrivant 48 buts, David Pastrňák, l’attaquant des Bruins de Boston, a été le meilleur buteur de l’avant-dernière saison régulière en NHL, la prestigieuse ligue nord-américaine. Mais, justement, cette distinction ne doit pas faire oublier que depuis le légendaire Jaromír Jágr en 2005, cela faisait quinze ans que le prix n’avait plus été attribué à un hockeyeur.
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Bien sûr, aussi, il est probable que les matchs de l’équipe nationale de hockey durant le championnat du monde qui se tiendra durant les deux semaines à venir en Lettonie, réaliseront de meilleures audiences sur la chaîne sportive de la Télévision tchèque que ceux de l’équipe nationale de football lors du championnat d’Europe en juin. En raison de la place particulière qu’occupe le hockey dans l’histoire du pays, d’abord sous le régime communiste puis, plus tard, après la partition de la Tchécoslovaquie, les supporters tchèques restent très attachés à une sélection qui, à l’étranger, a souvent contribué à mieux situer le pays sur la carte du monde.
Mais aussi grande la passion pour le sport d’équipe le plus rapide reste-t-elle, elle n’enlève rien au fait que le hockey tchèque va mal. Et même très mal. Depuis la médaille de bronze décrochée en 2012 - la dernière, donc -, la Reprezentace est ainsi rentrée bredouille de toutes les grandes compétitions internationales. Le titre olympique de Nagano en 1998 et le triplé mondial qui s’en est suivi (1999, 2000, 2001) ne sont désormais plus rien d’autre que trois lignes dorées au palmarès. Jamais encore de toute sa riche histoire, le hockey tchèque (et avant lui tchécoslovaque) n’avait été sevré aussi longtemps d’un succès digne de ce nom.
Où sont les jeunes ?
La faute en revient essentiellement à une relève qualitativement et quantitativement insuffisante, comme en témoignent les tristes résultats sur le long terme des équipes de jeunes sur la scène internationale. Lors du Mondial des moins de 18 ans, qui s’est tenu tout récemment aux Etats-Unis, la République tchèque a ainsi été ridiculisée d’abord par la Russie (11-1) en mactch de groupe, puis par le Canada en quart de finale (10-3). Deux fessées qui sont tout sauf des accidents de parcours. Depuis 2005, les juniors tchèques n’ont plus décroché la moindre médaille au Mondial – pourtant annuel - des moins de 20 ans, une compétition pourtant considérée comme un indicateur régulier de la bonne santé du hockey de ses participants. Selon Vojtěch Ondráček, journaliste à la Radio tchèque, les septièmes places des deux dernières éditions en 2021 et 2020 reflètent fidèlement l’état de délabrement actuel du hockey tchèque :
« Ce classement correspond effectivement assez bien à la réalité et à la répartition des forces sur la scène internationale. Sans même parler des résultats catastrophiques, il suffit de regarder les matchs et le jeu que proposent les équipes pour voir que des pays comme le Canada, les Etats-Unis, la Suède ou la Finlande évoluent sur une autre planète. Le constat est que lorsque les juniors tchèques affrontent ces équipes, ils ne sont plus en mesure de rivaliser. Ils ne jouent plus que pour éviter des raclées. Le débat sur les raisons de cette crise revient chaque année et son contenu est toujours le même. D’ailleurs, cette année, on n’a même pas attendu la fin du championnat pour se lancer dans la critique du système. »
Résultats décevants des équipes nationales dans toutes les catégories d’âge, baisse régulière du nombre de joueurs tchèques (et slovaques) en NHL, la meilleure ligue au monde... Les explications à cette dégringolade sont multiples. Mais la principale est que face à la concurrence d’autres sports, aussi parce que le mode de vie a évolué dans une société davantage de loisirs qu’autrefois, l’intérêt des jeunes Tchèques pour le hockey, sport dont la pratique est onéreuse et très exigeante en termes de temps et d’équipements (déficit de patinoires), n’est plus ce qu’il a été, notamment sous le régime communiste. Le constat n’est d’ailleurs pas propre à la République tchèque, comme nous l’avait confié le journaliste canadien François Gagnon il y a un peu plus d’un an de cela :
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« Ce n’est pas là un phénomène propre au hockey tchèque. Pour parler de ma nation, même le Québec produit de moins en moins de hockeyeurs. Les réponses se trouvent au niveau de la pratique des jeunes. Nous sommes les témoins d’un désintérêt de leur part pour le hockey. L’équation est simple : si vous avez moins de candidats au début, vous avez aussi un choix plus restreint de bons joueurs à la fin qu’il y a de cela 20, 30 ou 50 ans. Que font les jeunes aujourd’hui après l’école ? Jettent-ils encore leur sac dans un coin une fois rentrés chez eux pour enfiler des patins et aller jouer au hockey ? Si la réponse est négative, cela aura des retombées négatives jusque sur l’équipe nationale à long terme. Les jeunes, c’est la base ! »
Ne désespérons néanmoins pas complètement : les Tchèques ont remporté tous leurs matchs de préparation au Mondial et leurs supporters n’en démordent pas : cette année, c’est sûr, sera la bonne !