La Maison municipale de Prague fête 90 ans de son ouverture

Le samedi 5 janvier, la Maison municipale de Prague fête le 90e anniversaire de son ouverture en 1912. En 1994, ce bijou de l'art nouveau a été fermé pour subir une reconstruction de trois ans. Visitons, maintenant, ce bâtiment dont la construction et la décoration mobilisa tout ce que Prague comptait de talents.

La maison municipale a été construite à proximité de la Tour poudrière, un excellent débris du système des fortifications gothiques nous rappelant que c'était par-là que menait un important chemin commercial. Les commerçants l'utilisaient surtout pour aller à Kutna Hora, une des plus grandes sources d'argent et de richesse de la Bohême médiévale. C'était, peut-être, la raison pour laquelle le roi Venceslas IV se fit construire, au XIVe siècle, près des fortifications, son siège appelé la Cour royale. Ladislav II Jagelonsky fut le premier à quitter la Cour pour s'installer au Château de Prague. Sous les Habsbourg, la Cour royale resta dans l'abandon. On fit supprimer, aussi, le petit pont reliant le premier étage de la tour à la résidence des rois pour que l'accès de la tour soit assuré par un escalier en colimaçon. En 1631, le siège royal, abandonné et détruit, fut racheté à Mme Polixena Lobkowitz qui fonda, dans ses murs, le séminaire pour les archevêques. Après l'incendie de 1689, l'ensemble fut reconstruit et complété par l'église Saint-Adalbert. La tour servait, à l'époque, de dépôt de poudre, d'où son nom de Tour poudrière. En 1776, le séminaire fut déplacé au Clementinum et la Cour royale occupée par l'armée. Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, il abrita l'école pour les jeunes officiers.

Le passage, du XIXe siècle au XXe siècle, fut marqué par une forte vague de travaux de reconstruction dont l'objectif était de changer le visage de Prague, pour qu'elle devienne une métropole européenne moderne. Souvent, ces travaux ont eu pour conséquence, qu'à côté de bâtiments de moindre importance, disparurent aussi des bijoux architectoniques. Dans les années 1902-1903, tout l'ensemble fut démoli, y compris l'église Saint-Adalbert et les petits magasins, tout près de la tour poudrière. Le nouveau terrain vague fit naître plusieurs projets qui prévoyaient la construction, sur cet emplacement, d'un théâtre, d'une université ou d'un nouvel hôtel de ville. Finalement, le projet retenu fut celui d'y fonder une maison de la culture tchèque, à la hauteur de la ville royale. Cette idée fut inspirée d'un acte écrit, du cercle des Bourgeois, (Mestanska beseda) qui le présenta au Conseil de la ville en soulignant la nécessité de créer un centre de vie culturelle et nationale.

Les premières esquisses de la Maison municipale furent élaborées par le conseiller de construction Osvald Polivka, en 1903. Le concours se déroula en 1903, mais aucun projet ne fut retenu, ni même au deuxième tour. C'est pourquoi le Conseil finit par confier la construction aux architectes Antonin Balsanek et Osvald Polivka. Leur travail fut rigoureusement contrôlé par un comité spécial. Certaines parties de la Maison furent mises en service, dès les années 1909-10, mais tout l'ensemble ne fut ouvert officiellement, qu'en 1912. A cause des fournitures de travaux particuliers, le coût fut beaucoup plus élevé que prévu, et Prague dut ouvrir un crédit de 30 millions de couronnes pour pouvoir achever ce projet de grande envergure. C'est aussi la raison pour laquelle, notamment des jeunes architectes ne cessaient de critiquer cette construction, la considérant comme vieillie et décadente.

Des sentiments de l'époque passés, aujourd'hui, nous pouvons apprécier cette oeuvre qui marie parfaitement les styles architectoniques de la charnière du XIXe siècle. Les styles néo-baroque et néo-Renaissance se mélangent avec l'art nouveau tchèque. Les styles décoratifs utilisés permettent de mieux apprécier la palette des matériaux et la qualité des travaux décoratifs. La décoration mobilisa, en effet, tout ce que Prague comptait de talents: les peintres Mikolas Ales, Alfons Mucha, Jan Preisler, Josef Wenig, Max Svabinsky et les sculpteurs Josef Maratka, Josef Vaclav Myslbek, Ladislav Saloun ou Bohumil Kafka. La Maison fut équipée, aussi, de la technique la plus sophistiquée, dont le chauffage central, l'air conditionné, le système de distribution de l'eau sanitaire et potable, les dispositifs à dépoussiérer, les élévateurs hydrauliques, la buanderie à vapeur, la pièce de séchage, la salle de nettoyage des bouteilles, la station de transformation électrique, la station d'accumulation d'énergie, le réseau de communication postale et le réseau de téléphones intérieurs. Le coût total fut estimé à plus 6 millions de couronnes, avec une superficie de 4214 mètres carrés.

La mosaïque du fronton central, L'hommage à Prague, fut réalisée par Karel Spillar. De son séjour parisien, il avait rapporté le goût de Puvis de Chavannes pour les scènes tamisées et figées. Perchées sur la marquise métallique, les allégories de Saloun, d'inspiration baroque, représentent le Découragement et la Révolte de la nation.

L'intérieur de la Maison municipale abrite des salons d'apparat, tel celui du maire, des salles d'expositions, un café et un restaurant dont les décorations forment un agréable florilège, et une salle de concerts, la salle Smetana où je voudrais vous inviter maintenant. Il s'agit de l'une des plus grandes salles de concerts pragoises, avec 1500 places. On remarque, de chaque côté de la scène, deux groupes sculptés de Ladislav Saloun, l'un symbolisant Ma vlast, Ma patrie, de Smetana, l'autre les Danses slaves de Dvorak. Les effigies des compositeurs tchèques ornent les écussons des loges. Les peintures des murs et des plafonds sont l'oeuvre de Karel Spillar. Dans les petites salles d'apparat, situées au premier étage, en façade, la musique est à l'honneur sur les fresques de Maximilian Svabinsky, attestant du rôle éminent de l'art musical dans la renaissance nationale. Dans le hall d'entrée, le visiteur remarquera les bustes des chefs d'orchestres, Vaclav Talich et Vaclav Smetacek, qui jouèrent un grand rôle dans la musique tchèque.

Auteur: Astrid Hofmanová
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