« La paix tchèque » : une « comédie-documentaire » sur la saga du radar américain en République tchèque
Cette semaine sort en salles le dernier documentaire des réalisateurs de Český sen, Un rêve tchèque, un film très remarqué à l’étranger, dans lequel Filip Remunda et Vít Klusák avaient documenté du début à la fin une opération marketing montée pour l’ouverture d’un centre commercial fictif. Leur nouveau film, Český mír, Une paix tchèque en français, revient sur les longs mois de tractations sur l’éventuelle installation d’un radar américain à quelques dizaines de kilomètres de Prague.
Une « comédie documentaire de Klusák et Remunda sur le radar américain en Bohême » : c’est ainsi qu’est sous-titré Český mír, un film pour lequel plus de 120 heures ont été tournées pendant près de tois ans, du terrain militaire de Brdy en Bohême jusqu’au bureau ovale de la Maison Blanche. En 2007, l’administration Bush avait officiellement annoncé qu’elle souhaitait, dans le cadre d’un nouveau bouclier antimissile en Europe, installer un radar sur le sol tchèque. Un sujet qui a fait pendant des mois la une de l’actualité à Prague et qui a plu aux deux documentaristes. Vít Klusák : « On cherchait depuis longtemps un thème qui nous permettrait de montrer comment fonctionne aujourd’hui notre jeune démocratie tchèque. On a trouvé que ce débat sur le fait de savoir si nous faisons partie de l’Ouest ou de l’Est était idéal. Vingt ans après s’être débarrassé de l’armée russe, soudain on a envisagé l’arrivée de l’armée américaine... »« Après le départ des Russes, le président Václav Havel, au début des années 90, a déclaré qu’il n’y aurait plus d’armée étrangère dans notre pays et d’un seul coup on voulait revenir sur ce choix. Cela nous a semblé être une situation assez marquante à laquelle il fallait s’intéresser de plus près. » Le film retrace chronologiquement les longs mois de cette saga du radar américain, depuis l’annonce officielle par Washington de ce projet de bouclier antimissile jusqu’au coup de téléphone de Barack Obama au chef du gouvernement tchèque, Jan Fischer, pour lui annoncer que son administration y renonçait. Après Un rêve tchèque, Une paix tchèque : les deux films ont quelque chose en commun explique Filip Remunda :« On est contents que ce soit la personne employée à l’époque par le gouvernement tchèque pour mener la campagne de communication pour le radar qui le dise dans le film. Tomáš Klvaňa explique à quelqu’un sur le ton de la plaisanterie que nous sommes ‘ceux qui ont tourné un documentaire sur un hypermarché fictif, et qu’en l’occurrence il s’agit d’un film sur un radar fictif’. On a gardé cette scène parce que ça ne pouvait pas être un hasard ! Dans une certaine mesure ces deux films ont un point commun : dans l’un on découvre à la fin qu’il s’agit d’un hypermarché fictif, dans l’autre on se rend compte que le potentiel technique de ce radar est également fictif. » L’hypermarché fictif avait valu aux deux jeunes Tchèques un succès bien réel à l’étranger. La semaine dernière encore, c’est Michael Moore qui plaçait Un Rêve tchèque en tête de ses DVD préférés. Pour la star américaine du documentaire, l’humour est une arme dont doivent se servir les documentaristes pour attirer les spectateurs. Une arme qu’ont à nouveau employée Filip Remunda et Vít Klusak dans leur « comédie documentaire », bien aidés en cela par quelques situations cocasses et par des politiciens tchèques qui flirtent avec le ridicule, comme la ministre de la défense qui a fait les choeurs sur une chanson pro-radar.
Et même s’il faut peut-être connaître le contexte tchèque pour comprendre le côté comique de certaines situations, pour Vít Klusák ce film peut également toucher le public étranger :
« Etant donné qu’il y a des bases militaires américaines un peu partout dans le monde, on pense que le film pourrait marcher à l’étranger parce qu’il ne s’agit pas que de l’expérience de la République tchèque, où les Américains voulaient installer une base et scruter ce qui se passe dans le ciel. On vient de finir les sous-titres anglais et on a envoyé le film aux personnes qu’on avait pu rencontrer grâce au succès relatif du Rêve tchèque dans le monde. Donc on attend maintenant de voir comment le monde va réagir. »