La Pilsner Urquell n’est-elle plus ce qu’elle était ?

La plus célèbre des bières tchèques est-elle bien la bière que la brasserie qui la produit prétend qu’elle est ou que ses consommateurs pensent qu’elle est ? Une question qui, aujourd’hui encore, n’a même pas lieu d’être posée pour une majorité de Tchèques. Pourtant, la qualité et les caractéristiques de la Pilsner Urquell, brassée depuis plus d’un siècle à Plzeň, en Bohême de l’Ouest, ont été remises en cause par un groupe d’amateurs de bière regroupés au sein de l’association baptisée « Pour une bonne bière de Plzeň de 12 ° » (« Za poctivou plzeňskou dvanáctku »). Cette association a même déposé une plainte contre la brasserie Prazdroj auprès du tribunal régional de Plzeň pour « tromperie du consommateur ».

L’association reproche concrètement à Prazdroj de vendre son produit comme une bière de 12 °, alors que sa teneur en moût est en réalité légèrement inférieure. Elle entend donc à ce qu’une décision de justice soit rendue afin que la Pilsner Urquell ne soit plus présentée comme une bière de 12 ° mais de 11 °.

Sur l’étiquette des bouteilles de 33 et 50 centilitres vendues dans le commerce, aucune mention n’est cependant faite par la brasserie des 12 °, seul le degré d’alcool, qui s’élève à 4,4 %, étant précisé. En revanche, sur son site Internet, Prazdroj présente bien la Pilsner Urquell comme une bière de 12 °. Et c’est précisément ce qui gène Jiří Žák, le président de l’association « Pour une bonne bière de Plzeň de 12 ° » :

« Le problème est que la Pilsner Urquell est une bière d’élite depuis très longtemps déjà et qu’elle jouit d’une position privilégiée en République tchèque. Depuis un siècle, elle est considérée comme un standard de la véritable bière de 12 °. C’est du moins comme cela qu’elle est considérée par le public et une immense majorité des consommateurs. Partout dans les brasseries et restaurants, la Pilsner Urquell est présentée comme une bière de 12 °. Mais nous avons constaté, sur la base notamment de tests en laboratoire, que le degré mentionné ne correspondait pas à la teneur réelle et que celle-ci avait même tendance à diminuer ces dix dernières années. C’est pourquoi nous affirmons qu’il ne s’agit pas d’une bière de 12 ° et que Plzeňský Prazdroj ne devrait pas ajouter le chiffre 12 à côté du nom de sa bière ou utiliser cette appellation de 12 °. La brasserie devrait respecter la teneur originelle. »

En République tchèque, le degré des bières n’indique pas leur degré d’alcool, mais en quelque sorte leur degré de fermentation. La mention de 12 ° ne signifie donc pas que la bière possède une teneur en alcool de 12 %, mais que la teneur de l’extrait sec du moût, substance issue du mélange du malt et du houblon, principaux ingrédients avec l’eau pour la production de la bière, est de 12 %. Ainsi, pour obtenir une bière de 12 °, les brasseurs tchèques mélangent 12 % de moût avec 88 % d’eau.

Selon la législation tchèque, les brasseries ne sont pas tenues d’indiquer la teneur en moût sur les étiquettes des bouteilles. Mais selon le malteur de la brasserie Prazdroj, Václav Berka, là n’est pas l’essentiel :

« Qui a brassé de la bière sait que la bière est un produit naturel. Les mesures varient. Nous produisons toujours notre bière selon les recettes traditionnelles qui ont été conservées depuis le premier malteur. Nous utilisons les meilleurs ingrédients, du malt, du houblon et de l’eau, rien d’autre. Bien sûr, nous disposons aujourd’hui des équipements les plus modernes et cela nous permet de rendre la production de notre bière la plus précise possible. Mais nous ne produisons pas du matériel pour autant. La production de bière est un travail avec une matière vivante et les levures en font également ce qu’elles veulent. »

Mercredi, la juge du tribunal de la région de Plzeň n’a rendu aucune décision sur la plainte déposée et a préféré ajourné le débat en demandant à l’association de compléter quel verdict elle réclame précisément. En attendant, si l’affaire intéresse les médias tchèques, c’est moins le cas des consommateurs de la Pilsner Urquell, comme ceux-ci interrogés dans une brasserie de Prague :

« La bière, c’est de la bière. Je bois de la bière de Plzeň depuis plus de 35 ans, et je pense qu’elle est toujours aussi bonne qu’avant. »

Plzeňský Prazdroj,  photo : Radio Prague
« Pour nous, c’est une très bonne bière à boire. C’est l’essentiel. Le reste, les litiges et les procès, ne nous intéresse pas. »

Un avis également partagé par ce gérant d’une brasserie pragoise dans laquelle est traditionnellement servie de la Pilsner Urquell :

« Les gens sont satisfaits et s’ils ne l’étaient pas, ils le feraient savoir eux-mêmes. Et s’ils sont satisfaits de ce qu’ils boivent, je pense que l’affaire est réglée et qu’il n’y a pas de problème. »

Quelle que soit l’issue de la plainte, la Pilsner Urquell restera donc, à n’en pas douter, la bière de fierté de tous les Tchèques. 12 ° ou pas…