La polémique autour de la publication en Tchéquie de « Mein Kampf »
Est-il souhaitable de publier aujourd'hui Mein Kampf ou bien faut-il l'interdir? Beaucoup d'encre a déjà coulé et, certes, continuera encore à couler pour répondre à cette question. Dans le pays, la polémique à ce sujet est animée. Alena Gebertova a lu pour vous certaine presse tchèque.
La polémique existe depuis le mois de mars 2000, date de la publication d'une version tchèque de « Mein Kampf ». Son éditeur, un certain Michal Zitko, l'a fait publier en 100 000 exemplaires. Huit mois plus tard, celui-ci a été traduit en justice avant d'être condamné à trois ans de prison avec sursis de 5 ans et à une amende de 2 millions de couronnes, pour la propagation d'un mouvement réprimant les droits de l'homme.
Il y a quelques jours, le même tribunal a prononcé un deuxième verdict qui rend l'éditeur coupable de la diffamation des peuples, de races et de convictions. Le verdict : deux ans de prison avec sursis de trois ans, une peine donc plus modérée que la première. Le jeune Michal Zitko s'est pourvu en appel. En attendant, la polémique au sujet de la publication de livres controversés et, plus spécialement, de « Mein Kampf », a repris de plus belle.
L'édition de Mein Kampf doit-elle être poursuivie en justice ? L'hebdomadaire litéraire « Literarni noviny » a posé la question à Zdenek Zboril, politologue renommé, et à Milos Pojar, directeur du Centre de culture et de formation juif. L'un est pour, l'autre est contre. Nous vous présenterons quelques-uns de leurs arguments.
Zdenek Zboril : « J'estime que « Mein Kampf » de Hitler devrait être accessible aux lecteurs tchèques en leur langue maternelle, comme c'est le cas dans beaucoup de pays, notamment en Europe. Mon argument majeur, pourtant, est le suivant : la vulnérabilité du droit à la liberté de pensée, de conscience et de confession tout comme le droit d'expression libre ne cessent d'être mis en cause ».
Zdenek Zboril rappelle que « Mein Kampf » n'a encore jamais été publié dans le pays en sa version intégrale. D'où son importance pour tous ceux qui voudront s'en servir en tant que source d'études, historiens, étudiants ou autres. Sur ce point, Milos Pojar a un avis très différent. Il s'interroge :
« A qui les 100 000 exemplaires de « Mein Kampf » sont-ils destinés ?, et de répondre : Point aux historiens, points aux étudiants, point à ceux qui prêtent un intérêt profond à l'histoire. Car, tous ceux qui veulent étudier à fond l'idéologie nazie, l'histoire du nazisme, de la Deuxième Guerre mondiale et du Reich allemand, devraient le faire - s'ils aspirent à travailler sérieusement - à partir de textes en langue allemande. » Milos Pojar estime donc que la publication tchèque de « Mein Kampf » est destinée aux partisans des mouvements néonazi et néofasciste, aux skinheads et racistes qui apparaissent sur la scène tchèque et à l'égard desquels les organes d'Etat seraient beaucoup trop tolérants. Il explique :
« Mein Kampf » est une bible du nazisme, du racisme et de l'antisémitisme, un exemple de ce comment des idées perfides, librement diffusées, peuvent se transformer en des actes entraînant la mort des millions d'êtres humains ». Selon le directeur du Centre de culture et de formation juif, « Mein Kampf » peut servir d'instruction à tous ceux qui veulent arriver au pouvoir, réprimer l'ensemble des institutions démocratique et détruire, finalement, la démocratie.
Pour lui, le problème autour de la publication de « Mein Kampf » ne se situe pas au niveau juridique, mais au niveau moral. Un point soutenu d'ailleurs, sur les pages de « Literarni noviny », également par le politologue Zdenek Zboril, spécialiste des questions et des mouvements extrémistes en Tchéquie, enseignant à l'Université Charles. Mais il ajoute :
« Si la faute de l'éditeur n'est pas d'ordre juridique mais, plutôt, d'ordre moral, il faut en même temps constater qu'il y a lieu de trouver un consensus pour définir ce qui est une insuffisance morale. On a de la difficulté à dire qui en fait serait censé la délimiter ».