La police tchèque condamne trois anciens agents des services de sécurité communistes

Le dissident Petr Placák, photo: CT24

22 ans. C’est le temps que l’historien et ancien dissident Petr Placák aura dû attendre pour que justice soit faite. Trois anciens agents de la police politique sous le régime communiste viennent d’être condamnés à des peines de prison pour l’avoir enlevé et battu en 1989.

Le dissident Petr Placák,  photo: CT24
Il faut remonter au 21 juin 1989 pour comprendre l’histoire de la procédure judiciaire qui a opposé pendant plus de vingt ans, le dissident Petr Placák à trois anciens membres de la StB, les services communistes de sécurité. En ce jour de solstice d’été, on manifeste dans le parc de Stromovka à Prague. Une manifestation interdite par le régime bien sûr, dont l’initiative revient aux České Děti (Les enfants tchèques), une organisation civique anarcho-monarchiste menée par le jeune étudiant Petr Placák.

C’est là, au cours de la manifestation, que quatre agents de la StB embarquent violemment le jeune homme dans leur voiture, pour un trajet qui n’a rien d’une promenade de santé. Direction Beroun, près de Prague, dans la forêt de Křivoklát. Petr Placák se souvient :

Petr Placák,  photo: Post Bellum
« Pendant le trajet, ils ont menacé de me liquider, ils ont dit qu’ils en avaient ras le bol, que je n’allais plus les emmerder. Ils m’ont fait comprendre que c’était le terminus. Ils m’ont emmené dans un bois, sur un sentier où ils ont commencé à me frapper, dans le ventre, le plexus solaire et le thorax. C’est Prchal et Springer qui s’en sont chargés, des agents qui avaient pour mission de surveiller les České děti. »

Après l’avoir frappé et molesté, les agents laisseront Petr Placák sur place, embarquant son sac. Ce n’est que grâce à des retraités qu’il hélera sur la route que Petr Placák pourra rentrer à Prague. Dès cette époque, il porte plainte :

« En tout, j’ai porté plainte contre eux trois fois. A l’époque, avant 1989, plus par obligation. Après 1989, je me suis dit que cela pourrait peut-être aboutir. J’ai déposé une plainte. C’est le procureur d’un tribunal militaire qui était chargé de l’instruction. Mais à l’époque, ça grouillait encore d’anciens agents. Enfin, j’ai porté plainte une nouvelle fois en 2007, alors que je venais d’écrire un livre sur cette histoire. »

Les trois anciens agents de la Stb,  photo: CT24
Mardi, le tribunal d’arrondissement de Prague VII a rendu son verdict, en faveur de Petr Placák. Si les trois accusés présents (le quatrième agent étant décédé depuis) ont toujours nié les faits, Antonín Prchal arguant qu’il était à l’étranger à l’époque, le juge les a reconnus coupables des violences commises à l’encontre de Petr Placák. Deux des anciens agents ont été condamnés à une peine d’un an et demi de prison ferme, le troisième qui leur servait de chauffeur à deux ans avec sursis.

Une victoire plus que symbolique pour Petr Placák, mais aussi pour toute l’ancienne communauté d’opposants au régime communiste, dont certains étaient venus assister au verdict. Comme l’activiste politique John Bok :

John Bok
« Bien entendu, nous savions qui étaient ces agents. Bien entendu, nous pouvions prouver ce qu’ils avaient fait. Nos vies sont d’ailleurs des preuves suffisantes. »

Petr Placák, quant à lui, est satisfait du verdict, qu’il considère juste. Il souligne son importance :

« Je ne mène pas une guerre personnelle. Mais je prends cela comme quelque chose qui fait partie intégrante de notre processus de gestion de notre passé. »

Le cas de Petr Placák est sans doute l’un des derniers procès de ce genre, en lien avec la période de la normalisation. Il est d’ailleurs l’un des rares à avoir réuni assez de preuves et de témoignages pour voir cette affaire aboutir.