La présidence tchèque vue de Belgique
Diffusion aujourd’hui, dans le cadre du partenariat Euranet, d’un reportage produit la RTBF sur la présidence tchèque de l’Union européenne, qui a commencé le 1er janvier pour six mois. Un sujet signé Nicolas Willems.
La présidence tchèque de l’UE commence dans un contexte délicat. Le pays n’a pas encore adopté le traité de Lisbonne. Une partie de la classe politique, dont le président Vaclav Klaus, se dit eurosceptique. Pour sa part, le Premier ministre Mirek Topolanek va tenter une attitude pragmatique, avec une coalition gouvernementale affaiblie. Dans les rues de Prague, c’est un sentiment partagé qui domine face à l’Europe.
Parmi les pays européens, certains émettent des doutes sur la présidence tchèque. En France, les Guignols se sont inspirés de ces craintes. L’émission satirique a diffusé des sketchs avec la marionnette du président Klaus.
Jiri Pehe est politologue. Cet ancien conseiller de Vaclav Havel comprend ces inquiétudes :
« Je pense que l’UE a toutes les raisons d’être inquiète à propos de la présidence tchèque, pour plusieurs raisons. La première est que les Tchèques ont commencé à se préparer assez tard. Une présidence du Conseil européen prend normalement trois ans de préparation ; dans notre cas cela a pris un an et demi, c’est peu. Mais ce qui est encore plus préoccupant c’est le fait que la RT représente l’un des pays les plus eurosceptiques de l’UE. Le traité de Lisbonne n’a pas été ratifié et c’est aussi un pays qui connaît de nombreux problèmes politiques sur le plan interne. Le gouvernement est très faible, l’ODS vit de multiples scissions. Le président Klaus et le Premier ministre Topolanek se font la guerre continuellement. Pour moi, un pays pays qui préside l’UE doit mener un leadership politique. Et j’ai peur qu’à ce stade, sans avoir ratifié le traité de Lisbonne, la RT ne pourra pas assurer ce rôle de leadership. »
Quel sera l’impact de Vaclav Klaus pendant la présidence tchèque ? Même si le président dispose de pouvoirs limités, il se présente comme un dissident de l’Europe. Il est connu pour être europhobe, ultralibéral et colérique. Vaclav Klaus a rendu visite en Irlande à Declan Ganley, l’homme d’affaires irlandais qui a soutenu la victoire du non au traité de Lisbonne avec son association Libertas. Petr Drulak est le directeur de l’Institut des Relations internationales à Prague :« C’est quelque chose qui est probablement lié avec l’idéologie néo-libérale du président, parce que pour lui la construction européenne est fondée sur l’intervention des autorités politiques sur les forces du marché, ce qui est vraiment problématique pour les économistes libéraux. M. Klaus tend vers les positions extrêmes du néo-libéralisme et pour lui la construction européenne est un projet socialiste, interventionniste, paternaliste, donc toutes les choses qu’il déteste. D’un autre côté, il a toujours reconnu que l’UE était aussi un marché libre et a apprécié cette dimension, mais il est vraiment sceptique en ce qui concerne toute l’intégration politique. Et l’UE aujourd’hui, c’est beaucoup de politique, et si on parle de l’avenir de l’intégration, ce sont presque exclusivement des domaines politiques. »
Pour faciliter la ratification du traité de Lisbonne, certains membres de la coalition gouvernementale ont proposé un marchangdage : accepter le traité de Lisbonne contre l’accord sur le radar, une installation qui s’inscrit dans le projet de bouclier antimissile américain. Monika Pajerova est présidente d’Ano pro Evropu, l’association en faveur du oui au référendum sur l’adhésion en 2003 :
« Personnellement je suis contre ce radar, parce que je ne veux pas qu’il y ait à nouveau des soldats étrangers sur le territoire tchèque. Je pense aussi que la campagne que le gouvernement fait pour le radar n’a pas respecté l’opinion publique. Ils ont investi beaucoup d’argent dans une campagne pour persuader les citoyens tchèques que le radar était une bonne chose, mais après cette campagne très chère le nombre de personnes contre le radar a encore augmenté. Deux tiers de l’opinion publique au moins est contre, et je pense qu’on ne peut échanger quelque chose d’aussi controversé avec le traité de Lisbonne, qui est très important pour toute l’UE. Je ne pense pas qu’on puisse faire un chantage avec ça. »
En République tchèque, le président Klaus possède un rôle protocolaire. Ce sera donc le Premier ministre Mirek Topolanek qui va présider l’UE. Les priorités se déclinent par les trois « E » : l’économie, l’énergie et les relations extérieures.