« La psychiatrie biologique tchèque est à un bon niveau européen »

Jusqu’au 2 juin se déroule à Prague un grand congrès de psychiatrie biologique qui regroupe des spécialistes venus d’au moins une soixantaine de pays. Florence Thibaut est responsable de l’unité psychiatrique et professeure au CHU de Rouen. Elle est également présidente de ce congrès. Elle a précisé à Radio Prague ce qu’était exactement la psychiatrie biologique :

Florence Thibaut
« La psychiatrie biologique a plusieurs objectifs. Le premier c’est d’essayer de comprendre la cause des maladies mentales. On s’aide des outils les plus récents en particulier l’imagerie fonctionnelle, c’est-à-dire tenter de comprendre comment les zones du cerveau s’activent en fonction des comportements et des tâches qu’on réalise. Le deuxième, c’est d’essayer de trouver comment les facteurs de l’environnement, le stress, la prise de substances toxiques, interagissent avec des facteurs plus innés comme certains gènes qui pourraient peut-être participer à la détermination de certains de nos comportements. »

C’est une discipline qui existe depuis le début de la psychiatrie ou qui s’est développée plus récemment ?

« C’est une discipline qui s’est développée plus tard et qui s’est développée en coordination étroite avec l’apparition de nouveaux traitements. Evidemment on essaye de comprendre comment les maladies mentales peuvent arriver et comment on peut agir avec des traitements, comme ceux-ci peuvent être mieux prescrits, comment on peut diminuer les effets secondaires induits par les traitements et de plus en plus, essayer de trouver des traitements adaptés aux individus en termes d’efficacité et de meilleure tolérance. Cela peut être aidé par des facteurs génétiques en particulier parce qu’en fonction de certains gènes on va avoir une meilleure réponse ou une meilleure tolérance aux médicaments. »

Il y a parfois des critiques qui sont émises sur la prescription automatique de médicaments. D’autant plus que certains ont des effets secondaires assez désagréables, prenons l’exemple d’une personne maniaco-dépressive qui prend du poids à cause de ses médicaments. La recherche vise donc aussi à améliorer la qualité de vie des patients…

« Tout à fait, notamment en terme d’efficacité parce qu’il y a des personnes qui présentent des résistances, en particulier dans les troubles bipolaires. Le lithium reste un traitement très efficace, mais effectivement, il y a des problèmes de prise de poids. On est donc en train d’essayer de comprendre avec les données récentes comment les prises de poids peuvent survenir et comment les empêcher à l’avenir. »

La prise de médicaments est-elle obligatoire ou existe-t-il des méthodes alternatives ?

Photo illustrative: Štěpánka Budková
« C’est très difficile de répondre à cette question de manière générale parce qu’il y a des maladies comme la schizophrénie, où il y a des symptômes délirants, des troubles de l’affectivité, ou les dépressions sévères, où il est extrêmement important de prendre des médicaments de façon à pouvoir guérir l’épisode aigu et de prévenir les récidives. Dans d’autres cas de figure, on peut avoir recours à d’autres techniques, comme les psychothérapies ou les thérapies cognitives ou comportementales. Et même dans les psychothérapies ou les thérapies cognitives ou comportementales, il y a tout un champ de recherche actuellement pour essayer de comprendre comment les choses se passent au niveau du cerveau, comment on peut modifier l’activation de certaines zones, en fonction des types de thérapies. »

Ladislav Hosák est également psychiatre, il est co-président du congrès et il précise l’état de la psychiatrie biologique en République tchèque :

Ladislav Hosák
« La psychiatrie biologique tchèque est à un bon niveau européen. Sachant que par rapport à l’Europe occidentale, nous sommes très peu subventionnés, je peux dire que nos résultats sont au-dessus de la moyenne. Et cela grâce à des laboratoires de recherche de pointe à Prague, Brno et Hradec Králové notamment. L’ouverture des frontières après la révolution de velours a eu une influence très positive sur le développement de la psychiatrie biologique tchèque : les médecins peuvent voyager librement et se rendre à des conférences internationales, les médecins étrangers peuvent venir chez nous. Il n’y a pas de problème pour se procurer des ouvrages étrangers. C’est allé très vite. »