Jamais autant sollicité, le centre d’appel de crise Linka bezpečí fête ses 30 ans
Pression familiale et scolaire, harcèlement, problèmes de cœur ou simplement mal-être social, voilà les problèmes courants auxquels étaient confrontés les jeunes Tchèques il y a quelques années – et ils le sont toujours. Sauf qu’en 2024, d’autres problèmes sociétaux et même internationaux sont venus se rajouter aux problèmes existentiels de la jeunesse. Trente ans après sa création, le centre d’appel de crise Linka bezpečí est plus que jamais indispensable.
C’est l’existence au Royaume Uni d’une ligne téléphonique d’urgence qui a inspiré la création en 1994, en Tchéquie, de Linka bezpečí, à l’origine un numéro de téléphone créé comme un service confidentiel et anonyme destiné aux enfants et adolescents. Lorsque la ligne a été mise en place, elle n’employait que cinq consultants qui ne pouvaient être contactés que par téléphone et seuls les enfants vivant à Prague bénéficiaient alors de la gratuité.
Aujourd’hui, la ligne d’assistance emploie plus de 80 personnes qui travaillent avec les jeunes dans le besoin sur un large éventail de sujets. Depuis 2008, la ligne d’assistance fonctionne avec le numéro de téléphone 116 111, qui est désormais commun à tous les pays de l’Union européenne. D’ailleurs, Linka bezpečí fait partie d’un programme européen qui vise à renforcer les droits des enfants, en collaboration avec les organismes et institutions nationales s’occupant d’aider et de protéger les enfants.
Fonctionnant 24 heures sur 24, sept jours sur sept, totalement gratuitement, le centre d’appel de crise reçoit environ 100 000 appels par an (plus de 10 millions en trente ans), et ce chiffre ne cesse d’augmenter. Car aux problèmes « classiques » de l’enfance et de l’adolescence sont venus se greffer des angoisses liées à la situation du monde tel qu’il est, comme le note Radek Dudáš, président du conseil d’administration :
« Au début, lorsque la ligne a été créée, les problèmes concernaient surtout les problèmes de cœur, les relations avec les camarades, les situations familiales et l’adolescence, le passage à l’âge adulte. Cependant, au cours des huit dernières années, tout cela a changé de manière spectaculaire, avec une prévalence des problèmes psychologiques, qui représentent désormais plus d’un tiers de tous les sujets pour lesquels nous sommes sollicités. Les mutilations et les pensées suicidaires sont autant de thèmes sous-jacents que sont venus renforcer les craintes liées au Covid-19, l’insécurité économique et la guerre en Ukraine. Je tiens à remercier chaleureusement notre équipe d’experts, qui est naturellement de plus en plus sollicitée en raison de la gravité des sujets, pour avoir si bien géré la situation. »
Les problèmes de harcèlement – tout particulièrement à l’école, ce lieu de sociabilité qui favorise ce type de comportements – sont également au cœur du travail des consultants de Linka bezpečí. Une étude réalisée en 2020 dans 19 pays de l’Union européenne a montré que 59 % des jeunes Tchèques âgés de 11 à 17 ans ont reçu des messages négatifs ou haineux. À titre de comparaison, en Pologne, moins de la moitié des enfants ont été confrontés à de tels commentaires, tandis qu’en France, ils n’étaient qu’un cinquième. Le harcèlement suscite de plus en plus d’inquiétudes, en particulier au début de l’année scolaire, et les incidents auraient tendance à augmenter de 13 % par an. Pour Radek Dudáš, réagir aux problèmes des jeunes est nécessaire, mais les anticiper en amont s’avère plus que nécessaire :
« Nous constatons que ce que nous faisons n’est pas suffisant, c’est pourquoi nous souhaitons aller beaucoup plus loin dans le domaine de la prévention. Cette année, nous menons campagne de sensibilisation. D’une part, pour toucher un nombre bien plus important d’enfants confrontés à ces problèmes et, d’autre part, pour s’attaquer à ces problèmes et toucher ces enfants plus tôt. C’est pourquoi nous avons également lancé il y a quelques années un service de conseil sur notre site web, linkabezpeci.cz qui recueille environ 850 000 visites par an. Et depuis 2011, nous essayons d’informer les enfants directement au sein de la collectivité. Au début, c’était dans les salles de classe, mais depuis peu, les clubs de sport y participent aussi. En 2023, nous avons touché environ 8 000 enfants de cette manière. »
A l’occasion de son 30e anniversaire, l’organisation a en effet lancé une campagne intitulée « Soyons attentifs » qui vise à inciter le grand public globalement, et les parents des enfants plus particulièrement, à ne pas négliger les petites choses qui sont parfois annonciatrices d’un malaise plus profond. Déceler les signes précoces de problèmes graves tels que les troubles alimentaires, les scarifications ou les tendances suicidaires, à partir de changements dans les habitudes alimentaires, de l’apparition de blessures fréquentes aux mains ou de mentions dans les cahiers sur le sens de la vie, permet, rappellent les experts, une prise en charge des enfants et adolescents bien plus efficace quand elle est réalisée à temps.