La République tchèque à la hausse

Photo: Commission européenne

L'heure est aux augmentations en République tchèque : électricité, gaz mais aussi taux de la couronne et salaires, 2008 pointe à la hausse. Derrière se profile plus ou moins directement l'adoption de l'euro, constamment reculée mais qui résonne comme l'actualité économique de la prochaine décennie. En attendant l'euro, la France et la République tchèque comptent jouer avec les statuts des PME pour obtenir des subventions européennes pour les grandes entreprises.

Photo: Štěpánka Budková
« L'euro ? Mais c'est pour très bientôt ! Vu la vitesse à laquelle la couronne augmente, on sera vite à une couronne pour un euro ». Cette blague entendue dans un café pragois n'est pas sans exagération. Elle traduit pourtant une réalité indéniable : la monnaie tchèque est en augmentation régulière depuis le mois de juillet et l'actualité de l'euro n'est pas étrangère à cette tendance.

La première moitié de l'année 2007 avait vu la couronne diminuer, tombant à un euro pour 29 couronnes fin juin, et confirmant ainsi le verdict de la Banque Centrale tchèque, qui tente de repousser le passage à la zone euro. Mais à partir de juillet, coup de chaud, tout s'inverse : l'euro passe la barre des 28 couronnes en août, des 27 fin octobre pour arriver aujourd'hui à un taux historique d'un euro pour 26, 5 couronnes ! Rappelons que le taux requis théoriquement pour le passage à l'euro est de l'ordre d'un euro pour 25 Kc...

Les Tchèques voyagant à l'étranger en sont les premiers bénéficiaires. Une bonne nouvelle nuancée, à l'intérieur du pays, par des hausses prochaines des prix sur certains biens. Ainsi l'électricité devrait, dès janvier 2008, connaître une hausse de 7 à 14 % tandis que le gaz augmenterait d'environ 10 %. Mêmes prognostics pour l'eau, les soins médicaux, les transports publics et... les taux d'intérêt. Un contre-coup qu'il ne sera pas facile à encaisser après la hausse de la TVA qui avait déjà entraîné une plus grande cherté des produits courants. Hors de Prague, où les salaires sont en moyenne moins élevés, les Tchèques devraient sortir des trésors de débrouillardise pour réorienter leurs épargnes. L'histoire du régime communiste a prouvé le talent du pays pour le système D.

Le choc de ces hausses sera amorti côté revenus. A la hausse récente de la TVA répond une baisse, toute relative certes, des taxes sur les revenus. Mais surtout, à même cause, même effet : l'inflation, responsable de la hausse des prix, devrait entraîner dans son sillage une augmentation des salaires. Le salaire moyen devrait être de 2 000 Kc de plus en 2008, passant à environ 23 400 Kc, soit 880 euros. L'inflation que connaît actuellement la République tchèque est la plus importante depuis une décennie.

Photo: Commission européenne
Bête noire de la monnaie unique, cette inflation vient sans doute redonner du grain à moudre aux opposants de l'adoption de l'euro. En attendant ce passage tant redouté par certains, les entreprises tchèques devraient, tout comme leurs homologues françaises, s'adapter avec génie aux lois de l'Union européenne. Afin de bénéficier des exemptions fiscales prévues pour des compagnies familiales, elles ont tout simplement décidé de modifier les statuts afin d'arriver à une nouvelle définition des PME, les petites et moyennes entreprises. Une refonte de façade qui joue avec les textes législatifs et qui pourrait entrer en vigeur à partir de juillet 2008. Conséquences possibles : les grandes entreprises pourraient non seulement voir leurs taxes réduites mais également recevoir des subventions de l'UE au titre de la recherche. Seule question : les PME correspondant aux critères actuelles seront-elles lésées par le partage du gâteau ?

D'après les critères actuels, une petite entreprise dispose de moins de 50 employés et le chiffre monte à 250 salariés pour une moyenne entreprise.

C'est en octobre dernier que les ministres du Commerce et de l'Industrie des deux pays, Martin Riman et Hervé Novelli, se sont entendus pour cet ingénieux projet. L'argument mis en avant est simple et cohérent : les grandes entreprises européennes sont le garant de la force économique du vieux continent et les institutions européennes ne doivent hésiter pas à donner un coup de pouce. Et de mettre en avant qu'aux Etats-Unis ou en Asie, la définition d'une PME est beaucoup plus large qu'en Europe.

L'Europe libérale, c'est aussi l'Europe-providence pour les acteurs économiques ! Un paradoxe que souligne avec ironie les tenants tchèques de l'école ultra-libérale de Friedmann. Un paradoxe qui n'en est pourtant pas vraiment un si l'on considère les subventions que les Etats-Unis allouent généreusement à leur agriculture afin qu'elle reste compétitive sur le marché international. D'autres experts craignent la mise en place de monopoles européens sous couvert d'aides publiques. On le voit, l'annonce ne laisse pas indifférent. Et pourtant elle ne pourrait bien constituer qu'un feu de paille car la Commission a jusqu'à présent déclaré qu'elle ne comptait pas modifier les statuts des PME.