La République tchèque, discret intermédiaire entre l’Europe et la Syrie
La République tchèque est le seul pays de l’Union européenne à avoir maintenu sa représentation diplomatique à Damas, depuis l’éclatement de la crise en Syrie. Depuis le tout début du conflit, le pays s’est positionné en partisan d’un dialogue ininterrompu avec le régime de Bachar el-Assad, comme en témoigne la visite, jeudi, du vice-ministre des Affaires étrangères syrien. A Prague, Faysal al-Mikdad est venu discuter coopération économique après une hypothétique résolution de la crise et aide humanitaire.
Prague fait figure de remarquable exception au sein de l’UE et martèle depuis le début la nécessité de ne pas rompre totalement le dialogue avec Damas, a fortiori à la lumière de la migration massive de réfugiés en provenance de Syrie que la République tchèque est réticente à voir s’installer en Europe. Martin Tlapa, vice-ministre des Affaires étrangères tchèque :
« Nous estimons que, par rapport à la crise migratoire dont on débat actuellement en Europe, il faudrait avant tout se concentrer sur les raisons pour lesquelles les gens fuient la Syrie et sur la façon dont la politique européenne et tchèque peut aider à trouver une solution pacifique au conflit. Je pense que c’est pour cette raison aussi que nous avons un mandat particulier : la République tchèque n’a jamais fermé son ambassade à Damas qui représente également plusieurs pays européens et y supplée la diplomatie américaine. »
Diplômé de l’Université Charles à Prague, Faysal al-Mikdad s’est félicité de la présence de l’ambassade tchèque à Damas et du travail de son ambassadeur, Eva Filipi, connue pour sa bonne connaissance du pays et de la région :
« Vous avez une excellente ambassadeur. Elle est restée auprès du peuple syrien, malgré une situation difficile et dangereuse. Les diplomates ne sont pas envoyés en mission à l’étranger uniquement pour des cocktails ou ce genre de choses, ils sont envoyés pour partager les difficultés des peuples des pays dans lesquels ils vivent. Eva Filipi, l’ambassadeur tchèque, a fait cela. Elle assume ses responsabilités non seulement vis-à-vis de la République tchèque, mais aussi pour certains pays européens et pour les Etats-Unis. »Ménageant la chèvre et le chou, la République tchèque se pose en intermédiaire légitime en Europe, ni tout-à-fait du côté des Etats-Unis qui ont officiellement rompu avec Damas, ni tout-à-fait du côté de Moscou qui continue de soutenir le régime baasiste contre vents et marées. Une position d’entre-deux où Prague voit loin, ne voulant pas couper le cordon avec de potentiels partenaires dans une Syrie pacifiée, même si cette vision semble à l’heure actuelle bien utopique. Mais c’est le sens aussi des discussions menées entre le ministre des Finances Andrej Babiš, le ministre du Commerce et de l’Industrie Jan Mládek et Faysal al-Mikdad. Côté tchèque, on martèle donc la nécessité d’une solution politique, comme l’a répété Martin Tlapa :
« Nous avons toujours dit qu'une solution politique devait servir de base pour un règlement du conflit en Syrie. L’actuelle cessation des hostilités est certes fragile mais fonctionne. Nous souhaitons qu’elle s’élargisse à l’ensemble du territoire syrien. Maintenant, il faut continuer les négociations avec l’opposition pour déterminer le visage de la Syrie de demain. »Récemment, l’opposition syrienne s’est retirée des pourparlers de paix menés à Genève sous l’égide de l’ONU, mais à Prague, Faysal al-Mikdad a réaffirmé la volonté de Damas de poursuivre ces négociations et assuré à son homologue tchèque que la cessation des hostilités serait respectée par le régime syrien. Il a également tenu à rappeler la longue histoire des relations communes avec la Tchécoslovaquie d’abord, puis la République tchèque.
A noter que sous le régime communiste, dans les années 1970 et 1980, l’ambassade tchécoslovaque a négocié d’importantes livraisons d’armes à Damas, en tant que « pays frère », proche de Moscou.
Si le régime a changé depuis, Prague a néanmoins poursuivi sa politique de bonnes relations et aujourd’hui s’apprête une fois de plus à fournir une aide humanitaire au pays, comme l’a précisé Martin Tlapa :
« La République tchèque a déjà contribué à des projets humanitaires en Syrie en 2012 et 2014 à hauteur de 100 millions de couronnes. En 2015, à hauteur de 170 millions de couronnes. Ce jeudi, monsieur le ministre des Affaires étrangères a approuvé l’envoi de deux livraisons par l’intermédiaire de la Croix rouge tchèque et du Croissant rouge arabe. On y trouvera des choses dont les gens ont cruellement besoin en Syrie, essentiellement les personnes dont la santé a été affectée par le conflit. Il s’agit d’outils et de matériel médical. »
Les deux livraisons d’aide humanitaire devraient se faire en mai et juin prochains.