La République tchèque n’est pas prête à faire face au vieillissement de sa population

Photo : Radio Prague

En 2025, près de 600 000 personnes âgées de plus de 80 ans pourraient vivre en République tchèque. Tels sont les pronostics des démographes qui depuis des années soulignent le vieillissement de la population, un phénomène mondial, mais particulièrement prégnant en République tchèque où, en outre, en raison du faible taux de naissance, le renouvellement générationnel n’est pas assuré. Face à ce vieillissement inéluctable, les experts dans le domaine de la médecine tirent la sonnette d’alarme, estimant que le pays n’est pas du tout préparé à en gérer les conséquences concrètes.

Photo : Štěpánka Budková
Selon les derniers chiffres de l’Institut tchèque des statistiques, publiés à la fin de l’année 2015, l’espérance de vie des Tchèques ne cesse d’augmenter, celle des hommes étant aujourd’hui de 76 ans et celle des femmes de 82 ans. En quinze ans, en effet, l’espérance de vie des hommes a ainsi augmenté de 4,2 ans, et les femmes de 3,4 ans. Mais la population tchèque tend à vieillir, en raison de cette augmentation de l’espérance de vie et du faible nombre de naissances.

Mardi, des représentants de diverses institutions médicales ont appelé le gouvernement tchèque à réagir face à une situation qui, à l’avenir, va soulever de nombreuses questions en termes de soins mais aussi de participation active de la population des seniors à la société. Comme le rappelle Ivo Bureš, médecin-chef du Centre gériatrique de l’hôpital de Pardubice, les seniors sont un groupe social avec des besoins spécifiques :

Ivo Bureš,  photo : ČRo Pardubice
« C’est un grand groupe très hétérogène, où l’on trouve à la fois des seniors ‘d’élite’, dirons-nous, jusqu’aux plus faibles d’entre eux. Personne d’entre nous n’a envie de faire partie un jour du groupe des personnes dépendantes, mais plutôt de se retrouver dans le haut du panier. Il faut bien se rendre compte qu’il existe différents niveaux de dépendance et de besoins chez les seniors. Ces patients ne sont donc pas égaux. Chaque senior a besoin d’un type particulier de soins. Pour cette raison, il n’y a pas une recette adaptée pour tous. Il faut envisager chaque personne de manière individuelle. »

Alena Šteflová,  photo : ČT24
Or, aujourd’hui, on est loin du compte, estiment les spécialistes, regrettant l’absence de vision de l’Etat pour une population amenée à croître et d’un système de prise en charge des seniors sur le long terme. Alena Šteflová, directeur du bureau local de l’OMS :

« C’est le devoir de chaque Etat de prendre conscience de cet état de fait et de profiter du potentiel de cette population pour qu’elle ait un vrai rôle actif dans la société. C’est dans ce sens que l’on parle aujourd’hui du vieillissement actif, sain et digne des personnes. La République tchèque n’échappera pas à cette question. Nous devons être préparés. Il faut donc adopter de nouvelles réformes et mettre en place un système adapté aux personnes âgées. »

Photo : Filip Jandourek,  ČRo
L’un des problèmes majeurs, d’après les conclusions de ce rapport, est le manque de communication entre les systèmes de santé et sociaux. Comme le rappelle Alena Šteflová, le plan d’action européen de l’OMS dénombre différentes priorités dont la République tchèque devrait s’inspirer : assurer aux seniors le plus longtemps possible des activités locomotrices, prévenir les chutes qui sont souvent la voie royale pour une hospitalisation durable, voire définitive. Autre objectif à long terme : favoriser l’intégration des seniors dans la société.

Le Centre gérontologique de Prague offre la possibilité aux seniors en perte d’autonomie de ne pas se couper du monde en venant participer à diverses activités. Jitka Pokludova en est la responsable :

Photo : Filip Jandourek,  ČRo
« Nous stimulons notamment le corps et l’esprit. Nous nous efforçons de maintenir un régime quotidien, un aspect important pour les personnes âgées, et nous essayons de faire en sorte qu’ils continuent à s’orienter au niveau temporel. »

Si tout le monde est appelé à vieillir, et peut-être à souffrir des maux liés à la vieillesse, il n’en reste pas moins qu’une bonne prévention en amont contribue à minimiser les risques de maladies de dégénérescence, mentale et physique. Le mouvement, une activité régulière, une hygiène de vie adéquate, pour les plus de 50 ans restent des principes de base à respecter pour une meilleure santé, rappelle Hana Matějovská Kubešová, gérontologue, et elle-même préretraitée active :

Hana Matějovská Kubešová  (à droite),  photo : ČT24
« J’essaye de trouver une activité qui corresponde à chaque saison de l’année. Selon moi, la nature est la meilleure des salles de sport. Après 50 ans, il faut privilégier des activités d’endurance, comme la course, la marche rapide, la nage, le ski de fond. »

Les différents experts en gériatrie appellent donc le gouvernement tchèque à réagir et à s’inspirer du modèle allemand qui depuis 1995 a mis en place l'Assurance de soins longue durée. Obligatoire, universelle et unique, elle s’adresse aux personnes âgées dépendantes et personnes handicapées. Mais pour l’heure, la ministre du Travail et des Affaires sociales a opposé une fin de non-recevoir à ces appels et déclare qu’elle présentera sa propre proposition de loi à l’automne prochain.