La République tchèque opposée aux quotas de réfugiés souhaités par l’UE

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Alors que les tragédies se sont multipliées depuis le début de l’année en Méditerranée, mettant en lumière les failles de la politique européenne en matière de migration, la Commission européenne présentait mercredi son « Agenda européen sur la migration », avec la volonté de développer la solidarité entre les Etats membres en imposant notamment des quotas de réfugiés. Mais la République tchèque, à l’instar de la plupart des pays d’Europe centrale et de l’Est, est très réticente en la matière.

Jean-Claude Juncker,  photo : ČTK
« On ne peut pas laisser seuls les pays directement concernés : l’Italie, Malte, la Grèce. Il faudra que ceux qui sont réticents, et à tort, s’inspirent de l’action vertueuse de ceux qui sont plus généreux et plus ambitieux. »

Les mots du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker visent directement des pays comme la République tchèque. Fidèle aux positions précédentes du gouvernement tchèque, le Premier ministre Bohuslav Sobotka dénonçait en effet dès mardi, lors d’une rencontre avec son homologue slovaque Robert Fico, un « débat précipité » :

« Nous ne sommes pas d’accord avec l’instauration de quotas. Nous souhaitons que les Etats membres puissent prendre des décisions librement et indépendamment en fonction de ce qu’ils sont en mesure d’accepter, pour étendre la solidarité. Il n’y a aucune règle qui empêcherait ces migrants de rejoindre des pays où ils peuvent avoir des proches ou des coreligionnaires. »

Photo : Commission européenne
Le plan de la Commission européenne prévoit de faire preuve de « plus de sévérité » en faisant en sorte que les réfugiés dont les demandes d’asile sont rejetées quittent le sol européen et en mettant en place un réseau de coordination avec les pays du bassin méditerranéen. Ce n’est pas cela qui pose problème à Prague, mais bien l’instauration de quotas pour l’accueil de ces migrants en cas « d’afflux massif », des quotas calculés sur la base de différents critères comme la population, le PIB ou le taux de chômage.



Frans Timmermans | Photo: Timmermans,  CC BY-SA 2.0
En plus de cela, Bruxelles, dans le cadre d’un programme des Nations unies de réinstallation de personnes persécutées ayant fui leur pays, souhaite répartir 20 000 réfugiés sur deux ans entre les différents Etats membres. Pour la République tchèque, dont le quota s’élèverait à 2,63%, cela correspondrait à un effort de 525 personnes. Selon Frans Timmermans, le vice-président de la Commission, cette répartition permettrait de réduire la fracture qui existe aujourd’hui entre les pays européens :

« En 2014, 72% des demandes d’asile ont été déposées dans cinq des vingt-huit Etats membres. C’est une situation intenable. »

Parmi ces pays, on trouve par exemple l’Allemagne, la Grande-Bretagne ou la France. La République tchèque, qui a récemment laborieusement accepté d’accueillir quinze familles de réfugiés syriens à moyen terme, est plutôt un territoire de transit, et relativement peu de demandes d’asile y sont déposées. Aussi, le ministre de l’Intérieur, le social-démocrate Milan Chovanec, qui précise que les capacités d’accueil du pays peuvent faire face à l’afflux de 500 réfugiés, semble légèrement plus disposé à débattre de la question des quotas :

Milan Chovanec,  photo : Filip Jandourek,  ČRo
« Je dois dire que nous fournissons une aide. L’année dernière, nous avons accepté 700 réfugiés, nous avons dépensé 100 millions de couronnes pour aider les pays d’où proviennent ces réfugiés. Cela veut dire que la République tchèque fournit une aide en accord avec la législation européenne. Nous voulons débattre de la question de savoir s’il y aura des quotas obligatoires. Nous ne donnons pas de chèque en blanc. Nous voulons savoir sur quelle base a été réalisé le calcul des quotas. Comment le quota pour la République tchèque a-t-il été décidé ? Sur quelle base la répartition s’effectuera-t-elle à l’avenir ? 20 000 est-il le chiffre final ou sommes-nous au début d’un long processus ? Sans une stabilisation des pays d’où viennent ces réfugiés, cette vague ne cessera pas. »

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La position du gouvernement, soutenue par exemple par les communistes en la personne de leur président Vojtěch Filip, qui dénonce une décision bureaucratique contraire aux textes fondamentaux de l’UE, suscite cependant de nombreuses critiques. Par exemple de l’ancien ministre des Affaires étrangères social-démocrate Jan Kavan, pour qui refuser d’accueillir ces réfugiés serait « une honte » et qui souligne les bénéfices économiques de l’immigration, particulièrement dans un pays en déclin démographique comme la République tchèque. D’autres, enfin, rappellent que la Tchécoslovaquie fut un temps une terre d’émigration, des émigrés qui étaient bien contents de trouver une terre d’accueil.