La République tchèque suspend les ventes d’armements vers l’Egypte

Photo: ČTK

La confusion continue de régner en Egypte, où près de 970 personnes, dont 102 policiers, ont péri depuis le début des affrontements la semaine dernière, entre l’armée et les partisans du président islamiste Mohamed Morsi, destitué et arrêté par cette même armée au début du mois de juillet. Face à cet état d’urgence, le Ministère des affaires étrangères tchèque a émis un avertissement en fin de semaine dernière demandant aux touristes tchèques de ne pas quitter les complexes hôteliers avant leur retour au pays, et au mieux de ne pas se rendre en Egypte. Les agences de voyage ont commencé dès ce week-end à rapatrier des touristes tchèques. Et depuis ce mercredi, les 28 pays de l’Union européenne, dont la République tchèque, ont décidé de suspendre leurs exportations d’armes vers l’Egypte.

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Depuis plus d’une semaine déjà, les militaires et policiers égyptiens répriment dans une violence extrême les manifestants islamistes. Lundi dernier, l’armée égyptienne a arrêté les principaux dirigeants de la confrérie des « Frères musulmans », soutenant Mohamed Morsi, auquel une grande partie des Egyptiens reprochaient d'avoir accaparé les pouvoirs et d'avoir achevé de ruiner la situation économique du pays. L’Egypte étant une des destinations favorites des Tchèques, des mesures de sécurité et de prévention ont dû être prises. Depuis deux semaines, les compagnies de voyages tchèques ont stoppé leurs offres de séjours à destination de l’Egypte. L’accentuation de cet environnement de tensions a même eu pour conséquence le rapatriement de plusieurs centaines de touristes tchèques ; une situation pouvant provoquer la banqueroute des agences de voyages les plus faibles. Michaela Krejčí, une jeune tchèque qui a dû écourter de quatre jours son séjour à Hurgahada, sur la côte Est de l’Egypte, a dévoilé ses impressions :

« J’était dans la ville d’Hurghada. C’était plutôt désagréable. Un jour, on a même vu des tanks défiler. Avant-hier, on a même trouvé pas loin d’un McDonald’s six grands conteneurs remplis d’armes. J’ai été me déclarer à l’ambassade, qui m’a contactée à deux reprises. Je crois que mon agence de voyage m’aurait oublié. Je suis assez en colère, parce que la situation telle qu’elle y est décrite, n’est pas si sauvage qu’elle ne le paraît. »

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Les touristes, qui sont rentrés au pays malgré leur désaccord, ignorent encore s’ils obtiendront une compensation complète ou partielle de leur séjour écourté. Au niveau européen, les 28 ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont décidé depuis ce mercredi de suspendre les exportations d’armes vers l’Egypte, sans préciser s’ils mettaient fin à un tel commerce. L'aide financière accordée à l'Egypte sera réexaminée, mais l'assistance à la société civile va continuer par le biais d’organisations internationales. Ce mercredi, Amnesty International a révélé que des armes pouvaient également provenir de la République tchèque. La société Česká Zbrojovka est un des plus grands fabricants d’armements du pays, avec des recettes avoisinant deux milliards de couronnes (80 millions d’euros) ces dernières années. La Zbrojovka avait gagné un appel d’offres international du ministère de l’Intérieur égyptien pour un total de 50.000 pistolets CZ P-07, et a déjà livrée au mois de mai dernier une partie de ces armes. Pour le président de l’Association de défense et de sécurité de l’industrie, Jiří Hynek, la République tchèque ne possède toutefois qu’un rôle insignifiant dans la fourniture d’armes en Egypte :

« Si je me base sur les statistiques de l’Union européenne, alors nos exportations vers l’Egypte sont inférieures à 1,5% de l’ensemble des exportations de cette zone, sans parler des Etats-Unis et d’autres pays, qui sont beaucoup plus importants. » L’analyste d’Amnesty International, Michal Mochťák, reconnait que la République tchèque ne se range pas parmi les autres pays européens, mais il ne veut pas minimiser la portée de ces exportations tchèques. Michal Mochťák :

« En ce qui concerne le nombre de ces armes, c’est une information dont on doit tenir compte. Je tiens à souligner, qu’Amnesty International ainsi que des analystes indépendants à travers le monde entier ont signalé que la situation en Egypte était critique, que des violations des droits de l’homme pouvaient y avoir eu lieu, et que, de ce fait, les armes ne devaient pas y être exportées. »

Si pour Jiří Hynek, le terme d’armes est souvent confondu avec celui de matériel militaire, les pièces détachées d’un avion par exemple, pour l’analyste Michal Mochťák la critique est justifiée. Michal Mochťák:

« Nous considérons que ces armes ainsi que ce matériel militaire, même s’il ne s’agit pas d’armes proprement dit, peuvent provoquer et contribuer à la violation des droits de l’homme. »

Même si l’Union européenne est considérée à l’heure actuelle comme plus neutre que les Etats-Unis, la majorité des Egyptiens qui soutiennent le nouveau gouvernement en place, considèrent que cette aide extérieure, qui peut être suspendue, symbolise un instrument colonial des pays occidentaux.