La situation en Ukraine reste en une des journaux
Dans cette revue de presse, nous reviendrons sur quelques extraits de commentaires qui ont été consacrés ces derniers jours en République tchèque à la situation en Ukraine, qui continue d’occuper le devant de l’actualité. Le premier discours prononcé par le président de la République devant les députés du Parlement européen, dans lequel Miloš Zeman a d’abord cherché à confirmer que les Tchèques n’étaient plus des fauteurs de troubles, a également trouvé un large écho dans la presse. Dernière survivante de l’holocauste, originaire de Prague morte à Londres à l’âge de 110 ans, Alice Herz-Sommer peut nous donner une leçon d’optimisme. C’est ce qu’a constaté un des articles consacrés au décès en fin de semaine dernière de cette femme hors du commun.
« Le courage et la décision des Ukrainiens sont époustouflants. Le fait que des gens soient prêts à sacrifier leur vie pour pouvoir vivre dans l’Union européenne, est incompréhensible pour plus d’un Tchèque, dont le pays est porté par une vague eurosceptique. La révolte de la société ukrainienne est digne d’une admiration plus grande encore lorsqu’on réalise ce à quoi elle est confrontée. Effectivement, il ne s’agit pas seulement d’un conflit avec le gouvernement national, mais aussi d’un conflit avec la Russie qui considère l’Ukraine comme un espace lui appartenant. Les Ukrainiens montrent et rappellent que chacun a le droit de choisir sa propre voie... Moscou possédait peut-être le passé de l’Ukraine, mais l’enjeu est maintenant de savoir qui possédera son futur ».
Selon le politologue Jiří Pehe, l’évolution en Ukraine confirme l’importance des technologies modernes de communication dans de telles situations. Dans un texte publié dans le quotidien Právo, il constate que ces technologies modifient le caractère de la politique, car elles sont à même de fournir des informations autres que celles qui sont présentées officiellement, de provoquer des émotions fortes et de mobiliser une foule plus importante. Jiří Pehe précise :
« Lors des conflits comme celui qui se déroule en Ukraine, ou lors des révolutions arabes, nous assistons à un affrontement entre les hiérarchies rigides soutenues par les forces armées et la ‘force douce’ qui fonctionne par le biais de réseaux qui communiquent et coopèrent, tout en ayant parfois des objectifs différents... Il est presque incroyable que cette force soit finalement capable de renverser un régime armé jusqu’aux dents, soutenu de plus par la puissante Russie. Cela se rapporte également au caractère des technologies modernes de communication ».
L’auteur de l’article constate que les régimes autoritaires ne peuvent plus faire réprimer les révoltes par la violence comme ils le faisaient dans le passé. Dans un monde mettant en valeur les moyens modernes de communication, les structures de puissance se sentent incertaines. Il s’est avéré que la « force douce » émanant avec une intensité inouïe du Maïdan à Kiev a désagrégé l’unité des forces armées et des autres appuis du régime. Et Jiří Pehe de conclure :
« Il est certain que l’évolution dont nous avons été les témoins ces derniers jours au Maïdan va se reproduire, dans des formes différentes, ailleurs aussi. Mais les représentants des régimes autoritaires ne sont plus les seuls à redouter une telle éventualité. Les démocraties libérales occidentales non plus ne sont pas à l’abri. Les mouvements de contestation, ‘Les Indignés’ en Espagne et ‘Occupons Wall Street’ à New York, avaient en effet certains traits identiques avec ce que l’on a pu voir au Maïdan ».
Zeman à Strasbourg : les Tchèques ne sont plus des fauteurs de troubles
Miloš Zeman a visité, mercredi, le Parlement européen à Strasbourg pour y prononcer un discours, son premier depuis son entrée dans ses fonctions de président de la République en mars 2013. Les réactions dans la presse tchèque à cette première intervention du chef de l’Etat tchèque sur le sol européen ont été plutôt favorables. Dans une courte note publiée dans le quotidien économique Hospodářské noviny, Petr Honzejk a écrit :« Miloš Zeman a prononcé à Strasbourg un discours tout à fait correct. Assurance, compétence, empathie, tels sont les traits qui l’ont caractérisé. Il a évoqué les problèmes de la bureacratie européenne, tout en précisant que pour lui, à la différence des europhobes tchèques, ils ne représentaient pas le fonds de l’intégration. L’Europe, selon Zeman, est avant tout un choix culturel. »
Il est réjouissant, souligne le commentateur, que l’Europe sache que la Tchéquie s’est identifiée à ce choix. En revanche, ce qui soulève certains doutes, c’est la manière dont le président Zeman veut réaliser ce qu’il appelle son « rêve européen », en plaidant par exemple en faveur d’une fiscalité commune. Il ajoute cependant :
« Il est positif qu’après les leçons bilieuses données par l’ancien président Václav Klaus, les députés européens aient compris que la République tchèque était à même de produire des élites dont les horizons ne se limitent pas à la lutte contre les ampoules économiques ou à la protection de certaines spécificités gastronomiques locales ».
« Ceux qui s’attendaient à ce que la première visite de Miloš Zeman au Parlement européen soit source de scandale doivent être déçus. » C’est ce que remarque Miroslav Korecký dans un article publié dans l’hebdomadaire Týden, précisant que « ses jeux de mots ont pour une fois été modérés et que Zeman avait l’air reposé et soigné ». Il apprécie également le fait que le président ait prononcé son discours long d’une quinzaine de minutes en anglais, tout en s’exprimant parfois sur des problèmes assez sophistiqués. Il mérite donc d’être félicité. Miroslav Korecký remarque également :
« Le discours de Miloš Zeman a certainement fait plaisir à tous ceux qui représentent les principaux courants politiques européens, mais on peut supposer qu’il sera plus vite oublié que les discours de ses deux prédécesseurs. Václav Havel se plaisait à présenter des réflexions philosophiques, tandis que Václav Klaus prenait des positions très critiques. Zeman a opté pour un mélange des deux : d’un côté un grand zèle pro-européen, de l’autre un ton légèrement critique. »
Toujours selon l’analyste de Týden, l’importance du discours de Miloš Zeman repose dans le fait qu’il ait montré à Bruxelles que la diplomatie tchèque avait clairement pris ses distances avec l’ère de Václav Klaus... Le temps où les Tchèques étaient perçus comme des fauteurs de troubles est donc désormais révolu.
Alice Herz-Sommer est morte à 110 ans, une leçon d’optimisme
Tous les médias tchèques ou presque ont informé du décès à Londres, à l’âge de 110 ans, d’Alice Herz-Sommer, qui était plus vieille survivante de l’holocauste. Juive originaire de Prague, Alice Herz-Sommer a souvent été présentée comme une amie de Franz Kafka et la dernière personne encore vivante à avoir connu le célèbre écrivain pragois de langue allemand. Déportée pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le camp de concentration à Terezin, Alice Herz-Sommer et son fils sont restés les seuls survivants de la famille. Après la guerre, elle s’est d’abord réfugiée à Jérusalem avant de s’établir à Londres. En situant son destin dans un plus large contexte, l’édition de jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes a consacré un long article à cette femme forte et excellente pianiste qui n’a jamais perdu sa joie de vivre :« La vie d’Alice Herz-Sommer a été très dure. Pourtant, elle possédait un optimisme extraordinaire. Dans le pays qui est le nôtre, c’est une qualité qui est très rare. En effet, à en croire différents sondages, les Tchèques se rangent parmi les peuples les plus pessimistes et sceptiques au monde. Se plaindre, rouspéter ou larmoyer semble être un trait de caractère typique des Tchèques... Et pourtant, comme le confirment les statistiques, notre pays est l’un de ceux dans le monde où le niveau de vie est parmi les plus élevés. »L’auteur de l’article estime que les films documentaires consacrés à Alice Herz-Sommer, dont l’un est en compétition pour l’Oscar du meilleur court-métrage documentaire, ainsi que les entretiens réalisés avec elle de son vivant, devraient servir de leçon de courage et d’optimiste à toute épreuve. Et de rappeler ce qu’Alice Herz-Sommer aimait dire : « La vie est une chose merveilleuse où il n’y a pas de place pour le pessimisme ou la haine ».