Presse : deux hommes qui s’embrassent dans un conte de fées, ça dérange ?

L’adaptation norvégienne du conte de Cendrillon

Cette nouvelle revue de la presse aborde un litige lié à la sortie prochaine en Tchéquie d’une nouvelle adaptation filmée du conte de Cendrillon. Un autre sujet traité : l’abus de symboles de l’holocauste et la contestation des génocides pendant la pandémie. Elle se penche ensuite sur la tension qui accompagne la formation du nouveau cabinet. Un bref regard également sur la situation le long de la frontière entre la Russie et l’Ukraine. Evidemment, la situation pandémique sera également évoquée.

Qui peut s’embrasser dans le conte de Cendrillon ? Telle est la question soulevée dans l’intitulé d’un texte publié dans la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt en rapport avec la prochaine sortie sur les écrans tchèques d’une nouvelle adaptation filmée du conte de fées éponyme. Créé par des cinéastes norvégiens, il représente un remake de la célèbre et très populaire adaptation tchèque, Trois noisettes pour Cendrillon (Tři oříšky pro Popelku), réalisé au début des années 1970 qui s’est inscrit depuis parmi les classiques. Le chroniqueur du magazine se penche sur la controverse peu commune liée à cette nouvelle version de l’histoire de Cendrillon:

« D’après une information publiée fin novembre sur le site iDnes, le film devait être présenté dans les salles tchèques sans la scène qui voit s’embrasser deux hommes et qui devait être précédemment coupée. Accusée de ‘censure’, la société de distribution Bonton s’est défendue prétendant que la version qu’elle comptait présenter était celle internationale proposée par la partie norvégienne. Par la suite, elle a demandé de pouvoir présenter la version originale et ‘non censurée’. On aura alors l’occasion de voir si le spectateur tchèque sera à même de digérer un bisou gay dans un conte de fées. »

Le chroniqueur de Respekt estime que même si tant la partie tchèque que la partie norvégienne avaient finalement admis qu’il s’agissait d’un malentendu et que seule une version ‘non censurée’ existait, on n’a pas affaire à un cas devant faire l’objet d’une enquête, aussi médiatisé soit-il. D’autant plus que pour des raisons économiques et pragmatiques, l’existence de différentes versions d’un film pour des marchés différents est une pratique assez courante. Il ajoute cependant :

« Peu importe finalement quelle est la version valable. Il convient néanmoins de réfléchir sur les réactions que cette ‘affaire’ a provoquées chez nous et pour quelle raison la Tchéquie peut être vue de l’extérieur comme un pays dans lequel une intimité entre deux hommes risque de constituer un problème. De toute façon, dans une société post-socialiste, ce n’est qu’avec beaucoup de précaution que le mot ‘censure’ devrait être utilisé. »

La relativisation des génocides aux temps de la pandémie

La date du 9 décembre qui marque la Journée internationale de commémoration des victimes du crime de génocide, d’affirmation de leur dignité et de prévention de ce crime, a offert à un éditorialiste du quotidien Mladá fronta Dnes l’occasion de se pencher sur la relativisation de certains événements historiques tragiques dont nous sommes aujourd’hui les témoins. Soulignant qu’ « aucune société ne peut se sentir immunisée contre les politiques menant à un génocide, car tout groupe ethnique et religieux peut faire l’objet de discriminations, de stigmatisations, de ségrégations et d’éliminations », il a indiqué :

Photo illustrative: Daniel Ullrich,  Threedots,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

« On assiste à la contestation des génocides qui met en doute leur existence même. Ce qui s’avère plus dangereux encore, c’est la forme ‘hybride’ de la minimalisation et de la relativisation des souffrances des victimes, hommes, femmes et enfants. L’abus de symboles de l’holocauste comme l’étoile jaune et le recours à des analogies déplacées qui sont affichées lors des manifestations de protestations contre les mesures anti-Covid en sont les signes les plus marquants. »

Le discours utilisé par les ‘antivax’ n’est pas nouveau. Toutefois, comme le remarque le journaliste de Mladá fronta Dnes, l’étendue globale des protestations soulève des craintes justifiées au vu de la mésinterprétation d’événements historiques. Pour lui, c’est notamment l’absence du respect à l’égard des victimes de l’holocauste qui est choquante. Et d’ajouter une petite note en conclusion :

« L’affirmation de la dignité des victimes des génocides est affaiblie également par la hiérarchisation de ces derniers. Ce constat se rapporte en premier lieu aux victimes roms de l’holocauste. Pendant de longues décennies, leur sort a effectivement figuré en marge de l’intérêt de la science historique occidentale et de la culture de commémoration. »

En attendant la nomination d’un nouveau cabinet, la tension monte

Dans la mesure où le tour des entretiens menés par le président de la République Miloš Zeman avec les candidats aux postes ministériels touche à sa fin, la tension monte. C’est ce dont fait part un commentaire publié dans le journal en ligne Forum 24 qui s’interroge :

Jan Lipavský et Miloš Zeman | Photo:  Twitter de Jiří Ovčáček

« Le chef de l’Etat va-t-il nommer l’ensemble des membres du gouvernement proposés par le Premier ministre Petr Fiala ou va-t-il refuser le pirate Jan Lipavský nommé au poste de chef de la diplomatie qui semble lui déplaire? Ou encore, va-t-il s’opposer à cause d’un seul nom à la nomination du cabinet dans son ensemble? Autant de questions qui s’imposent et auxquelles s’ajoute l’éventualité d’une démarche imprévue de la part de Miloš Zeman. Bref, on ne sait pas. La situation actuelle permet au président d’imposer sa propre vision de la composition du nouveau cabinet, contrairement à ce que la Constitution tchèque stipule. »

Le champ d’action du leader de la prochaine coalition gouvernementale, Petr Fiala, est pour l’instant assez limité. Comme le remarque le commentateur, il ne lui reste qu’à attendre la décision finale du président. Ce n’est qu’après qu’il pourra envisager de déposer une plainte constitutionnelle. « Pour l’heure, il doit attendre, persévérer dans sa volonté et accorder au président le sentiment de tenir les rênes du pouvoir », écrit-il.

Russie-Ukraine : un regard tchèque

En ce qui concerne l’agenda international, c’est la tension le long de la frontière entre la Russie et l’Ukraine qui a été cette semaine à la une de la presse tchèque. Le quotidien Deník a proposé un regard prudemment optimiste :

L’oblast de Louhansk,  Ukraine | Photo: Alexei Alexandrov,  ČTK/AP

« C’est une situation qui se répète régulièrement depuis quelques années déjà. La Russie déplace plus de 100 000 soldats vers sa frontière occidentale avec l’Ukraine, une façon de nourrir pendant des semaines et des mois des spéculations sauvages sur la possibilité d’un nouveau conflit initié par le président russe Vladimir Poutine. Par la suite, les troupes russes se retirent. Ce en quoi la situation actuelle diffère, c’est le nombre d’unités que la Russie a rassemblées à la frontière ukrainienne et la quantité de technique lourde. »

Tout en se rendant compte de ce qu’il n’y a pas lieu de sous-estimer la Russie et sa capacité de nuire à l’Occident et ses voisins, l’auteur du texte publié dans Deník prétend qu’une nouvelle fois, « ce nuage ne donnera pas de pluie » :

« Face à la Russie, on voit une armée ukrainienne équipée et préparée, beaucoup plus motivée que celle de l’adversaire, tandis que l’Occident est prêt à intervenir en mettant en valeur notamment des sanctions contre les oligarques russes. Tout indique que plus qu’une guerre, le président russe souhaite  un nouveau tour de négociations. Un grand conflit sanglant n’est pas alors à attendre ».

Covid-19 : une entente difficile

« Les chiffres de cas de Covid 19 dépistés étant en baisse, on a tendance à croire que cette dernière vague de l’épidémie sera surmontée rapidement », observe l’auteur d’un texte publié dans le journal en ligne Deník Referendum. La situation, selon lui, est pourtant loin d’être rassurante :

Photo: Václav Šálek,  ČTK

« Le débat le plus animé est mené autour de la vaccination obligatoire contre le coronavirus qui est d’ailleurs un peu partout un sujet politique épineux. La Tchéquie est dans une situation spécifique, car elle possède deux gouvernements, démissionnaire et futur, dont chacun défend des positions différentes. Ainsi, par exemple, le gouvernement sortant d’Andrej Babiš a imposé une vaccination obligatoire pour des groupes choisis, contrairement à la volonté du prochain chef de gouvernement Petr Fiala. Il est fort probable que cette vague sera surmontée sans que le confinement et d’autres mesures restrictives soient imposés. Cela raffermira et élargira la conviction d’une partie importante de la population qui prend le Covid-19 pour une forme de grippe. Le souvenir de décès et du système sanitaire surchargé n’aura désormais aucun effet. »

Au final, le journaliste constate qu’une entente mutuelle entre les gens qui prennent les mesures de restrictions pour des pratiques totalitaires et ceux qui perdent patience avec eux s’avère impossible. « Pourtant, à l’avenir ils auront à vivre ensemble », conclut-il.