La Tchéquie hostile au vote par correspondance ?

Photo: ČTK/AP/Steve Mellon

Faut-il donner la possibilité aux électeurs de voter par correspondance ? Après l’élection présidentielle américaine, la question semble préoccuper les dirigeants tchèques plus que jamais. Plus de détails dans cette nouvelle revue de presse. Les différentes facettes de la présence de l’écrivain Milan Kundera dans le paysage culturel de son pays d’origine sera un autre sujet traité. Il y sera également question d’une manifestation dont l’organisation est prévue en ligne. Quelques mots enfin au sujet de l’essor que le football tchèque a paradoxalement connu sous le protectorat de Bohême-Moravie.  

« En Tchéquie, nous ne voulons pas de vote par correspondance ! Nos populistes craignent de finir comme le président américain sortant Donald Trump » : tel est le titre d’un commentaire publié au lendemain de l’élection présidentielle américaine dans le quotidien économique Hospodářské noviny. Son auteur a écrit  à ce propos :

« On pourrait croire qu’il n’y a même pas à avoir de débat sur la question. La démocratie étant le règne du peuple, la volonté de voir le plus grand nombre de gens participer aux décisions politiques devrait alors donc être une évidence. Dans un système parlementaire, il s’agit  de garantir cette participation à toute personne jouissant du droit de vote. Hélas, en Tchéquie, plusieurs partis voient les choses autrement. Ce sont notamment le mouvement ANO d’Andrej Babiš, les partis d’extrême droite SPD de Tomio Okamura et Trikolóra de Václav Klaus junior pour lequel il s’agirait d’un ‘cauchemar de la démocratie’ ou encore l’ODS, autant de partis qui bloquent l’adoption du vote par correspondance. Cette approche rend difficile la mise en œuvre du droit de vote à des centaines de milliers de Tchèques qui vivent à l’étranger, qui se trouvent loin de leur domicile au moment des élections ou qui sont malades. »

Pour justifier leur refus du vote par correspondance, les partis mentionnés émettent toute une série de justifications fallacieuses. Mais, comme l’indique le commentaire de Hospodářské noviny, « après l’élection présidentielle américaine, la naissance d’une ‘coalition informelle contre le vote par correspondance’ semble être motivée par la peur de ses membres de mal finir comme Donald Trump. » Il constate également :

« Il s’avère qu’à l’échelle mondiale, ce sont les formations et les candidats libéraux qui bénéficient davantage de la possibilité d’un vote accessible au plus grand nombre. Le vote par correspondance sous différentes formes existe dans 22 pays, y compris l’ensemble des pays voisins de la Tchéquie, la Pologne, l’Autriche et, depuis l’année dernière, la Slovaquie. »

La conclusion, toujours selon Hospodářské noviny, est peu réjouissante. « En raison des intérêts égoïstes de certains partis politiques, notre démocratie, hélas, est à la traîne derrière les démocraties développées ».

2020, l’année Kundera

Milan Kundera | Photo: Elisa Cabot,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 2.0

Si l’on voulait distinguer une personne ayant défrayé la chronique littéraire ou culturelle tchèque de cette année, ce serait incontestablement l’écrivain Milan Kundera. C’est du moins ce qu’estime l’auteur d’un texte publié dans une des récentes éditions du quotidien Lidové noviny :

« En 2020, à l’instar des années précédentes, Kundera n’a pas remporté le très convoité Prix Nobel de la littérature. Agé de 91 ans, il peut tout de même se targuer d’une récolte annuelle favorable et diverse. Il a à son compte l’édition d’une bibliographie de l’ensemble des traductions de ses oeuvres. A noter également le transfert des archives et de la bibliothèque de l’écrivain vers sa ville natale de Brno, qui donnera lieu à l’ouverture, dès l’année prochaine, de la Bibliothèque Milan Kundera. La traduction en tchèque du dernier livre du romancier La fête de l’insignifiance et l’attribution du prestigieux Prix Franz Kafka viennent compléter ce bilan positif. »

La réalisation d’un documentaire sur Kundera, la parution d’un ouvrage de près de 900 pages de la plume de Jan Novák qui porte sur lui un regard très critique, la parution en version tchèque de la monographie de Jean-Dominique Brierre ‘Milan Kundera, une vie d’écrivain’: autant d’autres preuves, selon Lidové noviny, de la forte présence du romancier dans l’espace public de son pays d’origine. Son commentateur indique en conclusion :

« Bref, Kundera est en train de revenir dans son pays natal, à travers son œuvre, ses romans, ses essais ou des réflexions s’y rapportant. »

Une manifestation en ligne ?

« Lorsque l’association Un million de moments pour la démocratie a organisé une manifestation anti-gouvernementale tout en respectant les mesures sanitaires de ce même gouvernement, c’était un peu ridicule, mais compréhensible. Toutefois, avec la décision d'organiser une nouvelle manifestation qui se déroulera en ligne, l’absurdité a atteint son comble. D’autant plus que celle-ci est prévue pour le lundi 16 novembre, donc un an après la tenue d’une grande manifestation sur l’esplanade de Letná, à Prague. » C’est ce que prétend l’auteur d’un article publié dans le journal en ligne Forum24.cz qui explique :

« Organiser une manifestation où les participants ne peuvent pas se voir et s’entendre est par définition dépourvu de sens. Certes, le fait que les militants refusent la politique de dirigeants autoritaires est digne de respect. Toutefois, la manifestation est conçue de façon tellement infantile que les premiers intéressés ne pourront que la tourner en dérision. »

Le commentateur évoque plusieurs autres aspects problématiques liés aux récentes activités du collectif Un million de moments pour la démocratie, dont la décision de l’un de ses leaders de s’engager en politique et de créer un nouveau parti. « Cela risque d’affablir l’opposition qui cherche à trouver des consensus », estime son auteur avant de noter :

« La manifestation en ligne du collectif Un million de moments pour la démocratie, va probablement passer sous les radars. Ce sera une nouvelle preuve de ce que l’élan des manifestations de l’an dernier a été gaspillé. Cet élan est pour autant toujours présent chez une grande partie de la population. Il ne reste qu’à espérer qu’il se manifeste aux prochaines élections. Le monde réel est effectivement dehors, pas sur Internet ».

L’essor du footbal tchèque sous l’occupation nazie

Zdeněk Zikmund,  'Bican contre Hitler',  photo: Prostor

Sous le protectorat de Bohême-Moravie (1939-1945), le footbal tchèque se portait plutôt bien. C’est un constat peu connu sur lequel se penche un article publié dans les pages culturelles de la dernière édition de l’hebdomadaire Respekt. S’appuyant sur un nouvel ouvrage très détaillé de la plume du journaliste et ancien diplomate Zdeněk Zikmund, son auteur raconte :

« Sous l’occupation nazie, le nombre de footballeurs a doublé. De même, de nouvelles compétitions ont été lancées dont la Coupe des champions. Le nombre de spectateurs dans les stades a également considérablement augmenté pendant la guerre.  La plus longue interruption que la ligue de football ait connue et qui n’a pas duré plus de six semaines, est intervenue après  l’attentat contre le Reichsprotektor Reinhard Heydrich. La coupe s’est achevée prématurément à l’automne 1944 à cause des bombardements qui ont empêché les déplacements des clubs entre les différentes villes. »

D’après Respekt, le boom du football tchèque pendant l’Occupation n’a pas d’équivalent dans la plupart des pays européens. Il était dû dans une grande mesure à Reinhard Heydrich lui-même qui voulait donner l’illusion d’une vie ordinaire et calme. Le magazine remarque qu’à la différence des comédiens et des institutions culturelles tchèques, les footballeurs n’étaient pas obligés de manifester publiquement leur soutien au régime nazi. Il rapporte également que pendant six ans, le footbal est pratiquement demeuré entre les mains des Tchèques et qu’en dépit de l’administration allemande, il a sauvegardé son autonomie. « L’association de football a poursuivi ce qu’elle avait commencé en 1936 en refusant de participer au tournoi olympique organisé par les nazis à Berlin », écrit l’auteur de l’article. Et de conclure par une anecdote :

« Ironie du sort, Reinhard Heydrich qui a permis au football de subsister sous le protectorat de Bohême-Moravie, s’est inscrit dans l’histoire du footbal tchèque même un an après sa mort. En octobre 1943, son fils Klaus a été renversé à vélo par un camion qui ramenait les footballeurs du club SK Čechie Panenské Břežany après un match disputé non loin de là. »