La Tchéquie, possible pays de transit pour les terroristes

Photo illustrative: ČTK

La République tchèque, « pays sûr » qui attire relativement peu l’attention, serait un des pays de transit utilisés par de potentiels terroristes pour rejoindre les Etats qu’ils ciblent, comme la France. C’est en tout cas ce qu’a déclaré jeudi Bohuslav Sobotka, qui précise se baser sur des indices identifiés par les services de renseignement.

Mohammed Atta
La Tchéquie, comme pays de transit pour de possibles terroristes : l’idée n’est pas nouvelle. Sans revenir à Carlos, ce terroriste se revendiquant d’extrême-gauche passé à plusieurs reprises par la Tchécoslovaquie communiste, dans un autre contexte donc, le nom de Mohammed Atta, impliqué dans les attentats du 11 septembre 2001, avait largement retenu l’attention des médias tchèques, puisque l’Egyptien serait passé par Prague à deux reprises, et notamment fin 2000 pour prendre l’avion à destination des Etats-Unis. A l’époque déjà, le choix de transiter via la capitale tchèque, plutôt que par Hambourg, ne serait pas dû au hasard mais bien motivé par l’idée de ne pas être repéré.

Trois jours après les attaques à Paris, survenues le 13 novembre dernier, le premier ministre Bohuslav Sobotka annonçait qu’un des terroristes aurait traversé le territoire tchèque à deux reprises, il y a cinq et sept ans, sans qu’il soit précisé si ces voyages avaient un quelconque lien avec une entreprise terroriste ou djihadiste. Ce jeudi, le chef du gouvernement a affirmé que la République tchèque devait bel et bien être vue comme un pays de transit :

Bohuslav Sobotka,  photo: ČTK
« Les pays qui sont sûrs peuvent être considérés comme des pays de transit. Dans de tels pays, où tout est calme, vous êtes moins visible que quand vous voyagez dans des pays en proie à des attaques terroristes. Evidemment, c’est pour nous un inconvénient mais il faut également réaliser que cela est lié au fait que la République tchèque est un pays sûr. »

Porte-parole du Service de renseignement et de sécurité (BIS), Jan Šubert s’est refusé à tout commentaire sur les propos du premier ministre. Des sources judiciaires françaises, reprises par la presse hexagonale, vont cependant dans leur sens puisque le djihadiste Reda Hame, interpellé à l’été dernier à son retour de Syrie, avait indiqué aux enquêteurs qu’Abdelhamid Abaaoud, l’organisateur présumé des attentats parisiens, lui avait conseillé de rentrer en France en passant par Prague. Il s’agissait d’« éviter d’être repéré », écrit le journal Le Monde. Politologue spécialiste des questions de sécurité, Oldřich Bureš, interrogé par la Radio tchèque, indique que le rôle de certains pays d’Europe centrale et orientale est bien documenté :

« La littérature académique, pour ce que j’en sais, met en garde depuis un certain temps sur le fait que l’Europe orientale, bien qu’elle ne soit pas forcément un centre de radicalisation ou la cible de potentielles attaques terroristes, est utilisée, précisément car elle fait l’objet de moins d’attention, pour d’autres tâches, y compris en tant que zone de transit vers des pays où les terroristes veulent commettre des attentats. »

Photo illustrative: ČTK
La République tchèque pourrait ainsi également être un pays de transit dans le cadre du trafic d’armes. En témoigne l’arrestation par la police de la région de Zlín, à l’est de la Moravie, de deux ressortissants français roulant dans une voiture transportant des armes, sans qu’un lien avec une organisation terroriste, évoquée par le site lidovky.cz, ne soit établi. Ce qui est établi en revanche, c’est que les armes automatiques utilisées lors de l’attentat de Charlie Hebdo en janvier dernier provenaient de Slovaquie, un Etat où sont légalement vendues des armes désactivées, destinées aux tournages de film ou aux collectionneurs, mais qu’il serait possible de reconvertir en armes opérationnelles.

Face à cette situation, les spécialistes des renseignements appellent à une coopération renforcée des différents services européens. Le Commissaire européen chargé des Affaires intérieures, Dimitris Avramopoulos, appelle d’ailleurs ce vendredi à la création d’une Agence européenne du renseignement, proposition qui avait été refusée par différents Etats européens, dont la France, après les attentats de janvier. Par ailleurs, Bohuslav Sobotka a indiqué qu’il n’envisageait pas de fermer les frontières du pays, une mesure qui irait « contre les intérêts de la République tchèque ». D’autant plus que si l’on en croit le ministre de l’Intérieur Milan Chovanec, artisan d’une politique de fermeté à l’égard des migrants, la Tchéquie ne serait plus un Etat sûr pour d’éventuels djihadistes, le pays ayant d’après lui « introduit de hauts standards de sécurité ».