Le premier terroriste tchèque est un retraité de 71 ans

Jaromír Balda, ČTK/Kateřina Šulová

Effrayé par les réfugiés et les musulmans, Jaromír Balda avait monté un coup tordu pour faire monter la haine parmi la population tchèque envers les migrants : réaliser des attentats et leur faire porter le chapeau. Pour avoir provoqué les accidents de deux trains à l’été 2017, sans faire de victime, le retraité de 71 ans a été reconnu lundi coupable de terrorisme et condamné à quatre années d’emprisonnement.

Jaromír Balda,  ČTK/Kateřina Šulová
C’est une histoire qui en dit beaucoup sur l’hystérie collective qui s’est emparée en partie de la République tchèque avec la crise migratoire en 2015, alors même que le pays n’a accueilli quasiment aucun réfugié. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles Jaromír Balda, qui risquait entre cinq et quinze années de prison ferme, a écopé d’une peine aussi faible pour un acte de terrorisme.

Le procureur et le juge ont en effet estimé que le vieillard avait été victime de l’atmosphère de racisme et de haine qui prédominait dans certains franges de la société tchèque à l’époque des faits. Pour cela, le tribunal régional de Bohême centrale a aussi condamné le retraité à suivre un traitement psychiatrique, sans que cela ne remette en cause sa responsabilité. A l’issue du procès, le procureur Martin Bílý était d’ailleurs satisfait du verdict :

« Comme le tribunal l’a indiqué, il a pris en compte le grand âge de l’accusé et ensuite le fait qu’il a été montré qu’il n’avait pas toute sa lucidité. Au regard de cette situation, la peine de quatre années de prison dont il a écopé me paraît adéquate. »

Il n’empêche que le retraité était bien radicalisé. Sympathisant du parti d’extrême-droite SPD, qu’il a aidé, notamment financièrement, lors de la campagne des législatives de 2017, Jaromír Balda parlait, dans un enregistrement téléphonique avec une adhérente de cette formation de la ville de Mladá Boleslav, de lancer des cocktails Molotov sur les personnes portant le « voile arabe ».

Le mouvement dirigé par Tomio Okamura, et proche du parti de Marine le Pen a l’échelle européenne, a pris ses distances avec le retraité et ses actes, en affirmant qu’il n’avait jamais été l’un de ses membres. Radim Šimáně, le maire de la commune de Bakov nad Jizerou, où vivait l’individu, raconte cependant :

« M. Balda circulait dans le village avec une voiture portant des autocollants SPD. Il y avait des affiches électorales du SPD sur sa maison. Il y avait même des autocollants de ce parti sur différentes usines de la ville. Personnellement, je le considérais donc comme un grand sympathisant du SPD. »

A l’été 2017, Jaromír Balda passe en tout cas à l’acte pour servir la cause de ses idées islamophobes. Le premier incident survient en juin, quand un train régional circulant entre Mladá Boleslav et Bakov nad Jizerou percute un arbre abattu par le retraité. Celui-ci a recours au même modus operandi quelques semaines plus tard sur une autre liaison ferroviaire du coin, provoquant un nouvel accident, toujours sans causer la moindre victime. Face au tribunal, Jaromír Balda, qui a affirmé n’avoir voulu blesser personne, a reconnu sa culpabilité ainsi que la préméditation de ses actes :

« Je ne portais pas de mouchoir, ni de portable sur moi. Je n’ai rien pris avec moi. J’ai bien regardé autour de moi et, après avoir abattu l’arbre, j’ai recouvert mes bottes d’huile et d’essence, pour ne pas qu’un chien puisse renifler ma trace. Quand je suis rentré chez moi, j’ai jeté au feu mes deux bottes. »

Sur les lieux de ses crimes, Jaromír Balda a laissé des tracts avec l’inscription « Allahu akbar », pour faire penser à un attentat islamiste et faire monter la crainte à l’égard des migrants et des musulmans parmi la population tchèque. L’audacieux stratagème du retraité d’extrême-droite, le « premier terroriste tchèque », comme l’ont surnommé certains médias, n’a pas trompé les enquêteurs. Son avocat se réserve encore le droit de faire appel du verdict du tribunal.