La vigne millénaire du Château de Prague renaît de ses cendres
Peu de touristes et même peu de Tchèques ou de Pragois le savent. Pourtant, dans l’un des endroits les plus visités de Prague, au Château, est cultivée une vigne ; une vigne qui, selon la légende, est même l’une des plus anciennes de République tchèque. Longtemps abandonnée, la culture de la vigne de saint Venceslas, du nom de son fondateur, a été récemment relancée. Et cette année, les premières vendanges y ont été réalisées.
« La vigne de saint Venceslas est effectivement la plus vieille vigne existante en Bohême. Mais aujourd’hui, c’est surtout une curiosité. La vigne est très petite, elle a donc avant tout une qualité historique, longue de plus de 1 000 ans. Elle a également une grande valeur esthétique. De par son emplacement, la vigne offre une vue imprenable sur la vieille ville de Prague et ses ponts, tout en permettant de profiter d’une atmosphère de tradition viticole. »
Au cœur de la vigne se trouve également une villa construite dans les années 1830. Transformée en restaurant, la villa Richter, du nom de son propriétaire d’origine et indissociable de la vigne, a elle aussi connu une histoire mouvementée très liée à celle du pays. Jaroslav Hykl :« Après la Deuxième Guerre mondiale, la famille Richter, qui était de nationalité allemande a été expulsée du pays. Le domaine est donc revenu à l’Etat, et c’est d’abord le célèbre réalisateur Otakar Vávra qui a vécu dans la villa dans les années 50. Ensuite il y a eu l’ambassade de Cuba puis des employés du ministère de l’Intérieur et notamment de la StB, la police secrète communiste. Après la révolution en 1989, le domaine a été placé sous l’administration du Château de Prague. Mais en raison des incertitudes liées aux restitutions, le domaine était dans un état désolant lorsque nous avons entrepris sa rénovation en 2005. Néanmoins, notre idée était déjà de lui rendre sa vocation d’origine et de le dédier à la culture du vin. »
Tradition mais aussi situation géographique oblige, deux cépages, un blanc et un rouge, sont cultivés au Château de Prague, comme le précise David Frei, proche collaborateur du propriétaire de la vigne :« On apprécie beaucoup le développement des deux cépages que sont le riesling du Rhin et le pinot noir. Ce sont en quelque sorte les deux symboles qui représentent cette vigne actuellement. »
Jaroslav Hykl précise :
« Le pinot noir est un peu un hommage à l’empereur Charles IV, car c’est lui qui a été le premier à ramener ce cépage de France en Bohême. La mention écrite la plus ancienne confirmant l’existence de la vigne de saint Venceslas remonte d’ailleurs à l’époque de Charles IV, c’est-à-dire au XIVe siècle. Quant au cépage blanc, il s’agit effectivement du riesling, car nous souhaitions cultiver un cépage qui s’adapte bien tant aux conditions géologiques qu’atmosphériques. Le Château de Prague a été construit sur du schiste, et le riesling est un cépage idéal pour des régions septentrionales comme la nôtre. Enfin, le long du chemin panoramique, nous cultivons également un pied de vigne de chacun des trente-cinq cépages dont la culture est autorisée en République tchèque pour la production de vin. »
Pour la première fois depuis le plantage de la nouvelle vigne il y a trois ans, le raisin récolté lors des vendanges cet automne servira à la production de vin. Et les conditions climatiques ayant été favorables, le millésime 2011 s’annonce plutôt prometteur, ce que confirme David Frei :« On attend un vin de très bonne qualité. Les vendanges ont été très bonnes. Nous l’apprécierons à sa juste valeur, car il s’agit d’une grande marque. La renommée de la vigne peut donner une nouvelle impression non seulement à ses visiteurs, mais aussi aux représentants officiels des pays étrangers qui se rendent dans la vigne pour admirer le pittoresque de Prague. »
Si elle est l’une des plus anciennes, la vigne de saint Venceslas, avec ses 2 100 pieds, est aussi l’une des plus petites. Plus que jamais, il faudra donc boire le vin avec modération :
« Pour ce qui est de la quantité, nous avons décidé de nous baser symboliquement sur le calendrier. Nous allons donc produire 2011 bouteilles en référence au millésime. Et l’année prochaine, si les conditions sont aussi bonnes que cette année et nous le permettent, nous en produirons 2 012. »Et malgré sa rareté qui fera sa particularité, c’est promis, le président de la République, qui siège au Château de Prague, ne sera pas le seul consommateur du vin de saint Venceslas. Avis donc aux amateurs de passage à Prague…