La villa pragoise de l’inventeur du mot « robot » bientôt restaurée pour une ouverture au public
La villa des frères Karel et Josef Čapek, située dans le quartier de Vinohrady à Prague, doit enfin subir d’importants travaux de restauration afin de lui redonner son lustre d’antan. Avec pour objectif une ouverture au public au tournant de 2026/2027.
Cent ans après la fin de sa construction par les frères Čapek, leur villa pourraient donc enfin accueillir plus régulièrement un public de curieux qui, jusqu’à présent, ne pouvait en découvrir l’intérieur qu’à la faveur d’ouvertures exceptionnelles – notamment dans le cadre d’Open House qui ouvre des espaces d’ordinaire fermés aux visiteurs.
Cette double villa où ont vécu l’écrivain et journaliste Karel Čapek et son frère Josef, peintre cubiste et également auteur, a été bâtie entre 1924 et 1926 dans ce quartier bourgeois et élégant qui venait tout juste de devenir partie intégrante de la ville de Prague en 1922, Vinohrady étant alors rattaché à la capitale comme arrondissement. En 2013, la moitié droite de la villa ayant appartenu à Karel Čapek a été rachetée par la mairie du Xe arrondissement qui depuis a élaboré un projet de restauration, comme le note le maire-adjoint Tomáš Pek :
« Il est frappant de constater à quel point la maison a conservé sa valeur historique d’origine, bien qu'elle ait été habitée continuellement depuis l'époque de Karel Čapek. Grâce aux plans de construction et aux recherches que nous avons faites, nous avons pu documenter toutes les phases de son développement, que ce soit quand Čapek vivait avec son père, puis avec sa femme Olga Scheinpflugová qui a vécu là jusqu’à sa mort. »
Dans leur projet d’habitation, les frères Čapek se sont un peu inspiré des cottages à l’anglaise pour certains éléments, mais la villa s’inscrit toutefois parfaitement dans le style fonctionnel de la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres, régi par la simplicité, la sobriété sans faire pour autant l’économie d’une certaine sophistication de style, comme le relève l’architecte Jan Vašek.
« Le premier projet de la maison remonte à 1922. L’architecte principal était Ladislav Machoň. La construction a commencé en 1924 au même moment où se développait la colonie d’habitation locale appelée Stromky. Le bâtiment présente des éléments de rondo-cubisme, tels que les garde-corps, qui sont bien conservés. Sinon, en termes de style, il s’agit d’un bâtiment très sobre, qui n’essaie pas d’expérimenter beaucoup. »
Ce n’est certes pas entre ces murs qu’a été inventé le célèbre mot « robot », imaginé par Josef pour son frère Karel qui écrivit en 1920 sa fameuse pièce de science-fiction R. U. R. Mais c’est là qu’il a créé d’autres œuvres et en ces lieux que se retrouvait régulièrement en fin de semaine une partie du gratin de l’intelligentsia – masculine – de la Première République tchécoslovaque : au dernier étage situé sous le toit mansardé de la villa se réunissaient les amis de l’écrivain, tous les vendredis, d’où leur surnom de « Pátečníci – Les Invités du Vendredi ». L’historien de la littérature Jiří Holý rappelle quelques noms des membres de ce brillant cénacle :
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« La majorité des invités étaient les auteurs que nous situons aujourd’hui dans le groupe appelé ‘le cercle du journal Lidové noviny’. C’étaient des intellectuels d’orientation libérale et démocrate comme le journaliste Ferdinand Peroutka, le dramaturge František Langer, les romanciers Karel Poláček, František Kubka et autres. Seul l’écrivain de gauche Vladislav Vančura faisait exception. Karel Čapek l’estimait beaucoup mais ne partageait pas ces opinions politiques. Il cherchait à attirer dans sa maison aussi des écrivains catholiques comme Jakub Deml, qu’il admirait beaucoup, et Jaroslav Durych, mais je pense que ni l’un ni l’autre ne sont jamais venus. »
Un des objectifs de la rénovation est précisément d’essayer de réinsuffler à la villa un peu de l’atmosphère de cette époque et de ces rencontres intellectuelles, le projet étant en cela grandement aidé par le peu de remaniements effectués à certains niveaux de la bâtisse, comme s’en félicite Tomáš Pek :
« L’ensemble a été préservé et le bâtiment respecté. Les habitants de la maison qui ont suivi ont également maintenu le grenier dans son état d’origine, sans aucune intervention. »
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Il faudra désormais attendre deux ans au moins pour avoir la chance de découvrir les espaces intérieurs de cette villa, ainsi que, espérons-le, son jardin dont la conception a été largement influencée par Karel Čapek lui-même : peu convaincu par les projets d’un paysagiste, l’écrivain s’était impliqué directement, à l’aide d’un jardinier qui deviendra un proche de la famille, dans l’aménagement de cet espace extérieur, une expérience qui allait lui servir d’inspiration directe pour son charmant petit opus intitulé : L’Année du jardinier.