La ville de Brno exprime ses regrets à propos de l’expulsion des Allemands des Sudètes

L'expulsion d’Allemands de Brno, photo: Post Bellum

Le conseil municipal de Brno, deuxième ville de République tchèque, a adopté mardi une déclaration exprimant ses regrets quant à l’expulsion massive et violente des populations allemandes à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un geste fort, salué par certains, critiqué par d’autres, alors qu’une récente enquête montre que 70% des Tchèques estimaient « inévitable » cet immense transfert de population.

L'expulsion d’Allemands de Brno,  photo: Post Bellum
Qui aurait cru que 70 ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la question allemande fasse encore autant débat ? Et pourtant, l’expulsion de 3 millions d’Allemands des Sudètes en 1945 avait bien fait irruption dans l’entre-deux-tours de la première élection présidentielle au suffrage direct, en début 2013. Preuve que celle-ci, entérinée par les fameux décrets Beneš, suscite toujours des controverses, tant de temps après.

C’est donc un geste fort de la part du conseil municipal de Brno, dont un cinquième de la population était allemande avant la guerre, que d’avoir adopté une déclaration exprimant ses regrets quant à l’expulsion des Allemands de la ville. A l’origine de cette déclaration, un projet plus large intitulé L’Année de la réconciliation. Petr Kalousek est conseiller municipal d’un arrondissement de Brno, initiateur de ce projet :

Petr Kalousek,  photo: Žít Brno
« La raison de cette déclaration est que pendant 70 ans, personne ne s’est vraiment intéressé à ce sujet. En l’an 2000, un premier pas avait été fait avec un appel dans ce sens de personnalités de la mairie de Brno. Nous avons repris le flambeau, la déclaration s’inspire de cette initiative qui, en 2000, n’a finalement pas abouti car elle n’a pas trouvé de terreau vraiment fertile. Je me suis donc dit que le 70e anniversaire de la fin de la guerre était une occasion de revenir sur cette problématique. »

Pour le maire de la ville de Brno, Petr Vokřál, cette déclaration, si elle exprime des regrets et non des excuses, est un premier pas dans le sens de la réconciliation.

Petr Vokřál,  photo: ČT24
« Je ne pense pas que ce ne soit pas le moment de le faire, au contraire, c’est bel et bien le moment. Néanmoins, trouver un consensus sur la formulation et la forme de cette déclaration n’a pas été facile. Je dois dire que je suis très heureux que la ville de Brno ait eu le courage d’exprimer ses regrets pour la première fois de son histoire, sous forme de cette déclaration. »

34 conseillers municipaux sur 55 ont adopté mardi cette déclaration. Une petite majorité qui montre bien que ces regrets ne font de loin pas l’unanimité, ni à Brno, ni dans la société tchèque. Une enquête récente, menée conjointement par l'agence NMS Market Research et l'organisation Paměť národa (Mémoire de la nation), montre qu’une majorité de Tchèques considère toujours l'expulsion des Allemands des Sudètes en 1945 comme "inévitable" (70% des personnes interrogées) et "juste" (61%). Toutefois, 78% des personnes interrogées reconnaissent que les violences commises contre ces anciens concitoyens d'origine allemande étaient injustes.

Immédiatement après l’adoption de la déclaration, mardi, le gouverneur de Moravie du Sud, Michal Hašek a critiqué la démarche sur son site web, estimant que ce geste aurait dû être précédé par des excuses côté allemand. Une critique que rejette le maire de Brno Petr Vokřál :

L'expulsion d’Allemands de Brno,  photo: Post Bellum
« Je pense que l’Allemagne s’est à maintes fois excusée au niveau mondial, elle a sous diverses formes exprimé ses excuses quant à ce qui s’est passé pendant la Deuxième Guerre mondiale. C’est d’ailleurs ce qu’a fait notre ville partenaire de Stuttgart. Je suis convaincu que c’est au tour de la ville de Brno de faire un geste et je suis heureux que cela se soit fait à l’occasion du 70e anniversaire de la fin de la guerre. »

Le 31 mai 1945 quelque 20 000 personnes d’origine allemande ont été forcées de quitter la ville de Brno, et d’entamer une marche de 50 km jusqu’à la frontière autrichienne. Près de 2 000 personnes seraient mortes d’épuisement sur le trajet. Depuis 2007 est organisée une marche du souvenir entre Brno et Pohořelice où se trouvait un camp de rétention, étape qui fut mortelle pour de nombreux Allemands en raison des conditions d’hygiène. Cette année, elle prendra le chemin inverse, et verra la participation de politiques tchèques, allemands et autrichiens, ainsi que de témoins de l’époque.