La visite à Prague du dalaï-lama menace-t-elle les relations tchéco-chinoises ?
Le respect des droits de l’homme ou la coopération économique avec la Chine ? La visite de trois jours du dalaï-lama à Prague, de lundi à mercredi, a déclenché une nouvelle vague de controverses autour des relations tchéco-chinoises. A l’origine de ce différend, une déclaration officielle dans laquelle le président de la République, le Premier ministre et les présidents des deux chambres du Parlement ont pris leurs distances avec la rencontre entre plusieurs politiciens tchèques et le leader spirituel tibétain. Mais le texte, mis en ligne sur le site du Château de Prague, déplaît à beaucoup de monde, entre autres aux anciens proches de Václav Havel, qui était un ami personnel du dalaï-lama.
Si Daniel Herman avait annoncé avant même la rencontre en question que celle-ci n’avait rien d’officiel et n’avait rien à voir avec la position officielle du gouvernement tchèque, les signataires de la déclaration, préparée par le ministère des Affaires étrangères, ont eux estimé que l’initiative privée du ministre de la Culture pourrait avoir des impacts négatifs sur les relations tchéco-chinoises. La Chine désapprouve le fait que les représentants politiques de ses pays partenaires reçoivent un homme, le dalaï-lama, qu’elle considère comme un séparatiste.
Cette argumentation déplaît néanmoins aux représentants des principaux partis de droite de l’opposition, TOP 09 et ODS, qui jugent la déclaration « inutile, indigne et servile ». Et ce d’autant plus que la publication du document aurait été précédée, selon les informations diffusées par la Radio tchèque, de la visite de l’ambassadrice de la Chine en République tchèque au Château de Prague. C’est la raison pour laquelle une cinquantaine de députés et sénateurs ont décidé de rencontrer le dalaï-lama mercredi, lors de la dernière journée de sa visite à Prague. Chef du parti TOP 09, Miroslav Kalousek a précisé pourquoi :
« Il ne s’agit là que d’une peur inutile qui ne nous assurera pas un plus grand respect de la part des Chinois. »En s’opposant à ces critiques, Bohuslav Sobotka a pour sa part désigné la signature de la déclaration comme un droit, « son droit démocratique » en tant que représentant du cabinet de mettre au clair la position officielle du pays. Quant au président Miloš Zeman, il est allé encore plus loin en estimant que la rencontre de Daniel Herman avec le dalaï-lama pourrait menacer les investissements chinois en République tchèque et que le ministre de la Culture devrait quitter le gouvernement.
Daniel Herman a néanmoins reçu le soutien du mouvement ANO, le troisième parti qui forme avec les sociaux-démocrates et les chrétiens-démocrates la coalition gouvernementale. Son leader, le ministre des Finances Andrej Babiš a notamment affirmé qu’une telle rencontre ne devrait pas influencer des relations avec la Chine que lui ne considère pas comme exceptionnellement bonnes :
« Il me semble inutile de faire une déclaration officielle. Je ne crois pas que le dalaï-lama puisse menacer la ‘grande Chine’. Il est un symbole. Qui veut, peut le rencontrer. »Enfin, les propos des principaux représentants politiques tchèques ont suscité également des protestations de certaines universités. Pour s’opposer au fait que la Tchéquie « place ses intérêts économiques au-dessus de sa fierté », elles ont décidé de hisser, mercredi midi, le drapeau tibétain.