L’accès au logement, un casse-tête toujours plus compliqué à résoudre pour les Tchèques
L’acquisition d’un logement est de plus en plus difficile en République tchèque. Il est même un des plus compliqués en Europe, selon la dernière étude menée par la société de conseils Deloitte. En moyenne, un peu plus de onze années de revenus sont nécessaires pour financer l’achat d’un appartement neuf de 70 m2.
Onze ans et deux mois de revenus est donc le temps dont les Tchèques ont besoin pour devenir propriétaires de leur logement. C’est près de trois fois plus qu’en Belgique (4 ans), pays de taille et à la population sensiblement identiques, mais aussi quelque quatre ans de plus qu’en Pologne et en Hongrie, pays avec lesquels la situation économique de la République tchèque peut être comparée.
Cette tendance s’explique, entre autres, par l’inflation régulière des prix du logement neuf. Pour l’ensemble du pays, le taux moyen en 2018 s’est élevé à 16,8 %. A Prague, il a même grimpé à 22 %, soit une des hausses les plus fortes parmi les capitales européennes. Dans un débat diffusé par la Radio tchèque en mai dernier, l’homme d’affaires et ancien conseiller municipal en qualité de représentant du mouvement libéral ANO, Petr Stuchlík avait donné son point de vue sur l’état actuel du marché à Prague :
« La principale raison pour laquelle les appartements sont devenus si chers à Prague, est qu’il ne s’en construit pas assez. Je cite souvent en exemple Bratislava : il y a trois ou quatre ans de cela, 14 000 appartements y étaient en construction, alors qu’il n’y en avait que 6 000 tout au plus à Prague, alors que la ville est au moins deux fois plus grande que Bratislava. Mais leur situation est comparable : Prague et Bratislava sont les centres économiques de leur pays, il y a de l’emploi, les salaires augmentent et la classe moyenne veut s’installer. Mais la différence est que l’inflation du logement est moindre à Bratislava. On peut adopter toutes les mesures que l’on veut pour favoriser l’accès au logement, mais le plus important reste de construire de nouveaux appartements. »Toujours à Prague, le mètre carré d’un appartement neuf à la fin de l’année 2018 était 82 % plus cher qu’il ne l’était en juin 2015. Actuellement, le revenu annuel brut moyen d’un Pragois suffit à l’achat de 6 m2, l’équivalent donc en somme d’une salle de bain. Plus généralement, environ 60 % des Pragois dépensent jusqu’à 30 % de leurs revenus pour se loger, factures d’énergie comprises.
Malgré cette inflation, les prix demandés en République tchèque n’atteignent pas encore ceux constatés en Europe de l’Ouest. Si, toujours selon les données disponibles pour 2018, le montant moyen du mètre carré s’est élevé à près de 3 950 euros à Prague, il n’était plus que de 2 500 euros pour l’ensemble du pays. Membre du parti social-démocrate, l’économiste Michal Pícl, lui aussi interrogé par la Radio tchèque, entrevoit diverses solutions :
« Nous devons d’abord construire des appartements qui, financièrement, sont accessibles à un plus grand nombre, et pas des appartements luxueux et hors de prix, comme cela est le cas actuellement notamment dans les grandes villes et à Prague plus particulièrement. Mais nous pouvons aussi réguler la demande par exemple en limitant l’achat de plusieurs appartements à des fins spéculatives. La Banque nationale s’y efforce en jouant avec les taux des prêts immobiliers (taux moyen de 2,76 % en juin). Mais cette mesure pénalise essentiellement les jeunes familles avec des enfants qui ne disposent pas d’un capital suffisant pour pouvoir acheter. La deuxième solution serait de taxer la propriété de plusieurs appartements à des fins spéculatives. On pourrait alors envisager un impôt progressif par exemple à partir du troisième ou du troisième appartement de façon à limiter cette pratique. »Chiffres toujours : près d’un Pragois sur deux est propriétaire de son logement, tandis que 37 % en sont locataires et 8 % vivent dans des appartements appartenant à des coopératives d’habitation.
Pour ce qui est des loyers, le montant moyen au mètre carré s’élève à 13,4 euros à Prague, contre 9,6 à Brno et 6,6 à Ostrava. C’est moins que dans beaucoup de grandes villes d’Europe de l’Ouest, mais ces chiffres doivent être considérés en tenant compte d’un niveau des revenus toujours nettement moindre en République tchèque (1 270 euros était le montant du salaire moyen brut mensuel et 1 080 euros celui du salaire médian au premier trimestre 2019).