L’addiction au jeu, l’angle mort du traitement médical des dépendances en Tchéquie

Photo: Barbora Kmentová

L’addiction au jeu de hasard est une maladie qui concernerait entre 80 et 100 000 personnes en République tchèque. Le pays ne manque pas d’établissements de jeu mais plutôt de structures de soins puisque seuls un millier de patients environ sont suivis du fait de leur dépendance. C’est le constat du premier rapport annuel sur le sujet présenté ce jeudi et réalisé pour l’année 2014 par le Centre de contrôle national des drogues et des addictions.

Photo: Barbora Kmentová
440 000 personnes ont des problèmes avec le jeu, des joueurs qui, en 2014, ont perdu plus de 31,4 milliards de couronnes, environ 1,16 milliard d’euros, argent qui dans une certaine mesure a fait le bonheur de l’Etat qui a récupéré 7,9 milliards de couronnes, 290 millions d’euros, en taxes diverses. Ce sont quelques-uns des chiffres mis en évidence par ce rapport, établi sur la base de différentes statistiques et de sondages auprès de professionnels de la santé, qui sera désormais publié chaque année.

Et ce document dresse le sombre tableau d’une montée en puissance de la dépendance aux jeux de hasard en République tchèque, un pays où l’on trouve près de 6000 « herny », ces débits de boisson ouverts jour et nuit où des machines à sous sont mises à disposition du public, et plus de 560 casinos. Surtout, le coordinateur de la lutte anti-drogue Jindřich Vobořil, qui salue le gouvernement, son supérieur, pour sa volonté de se pencher sur ce problème longtemps occulté, pointe du doigt la quasi inexistence d’un système de prise en charge médical des joueurs pathologiques :

Jindřich Vobořil,  photo: ČT24
« Ce sur quoi j’insiste de façon répétée dans ce domaine des addictions non liées à des stupéfiants, des additions aux jeux de hasard donc, c’est le manque désespérant de programmes de prévention ou de soins. Et la situation n’évolue pas. Le nombre de joueurs pathologiques est de l’ordre de 80 à 100 000, mais un millier d’entre eux seulement suivent un traitement. Par comparaison, le nombre d’utilisateurs problématiques de drogues est d’environ 45 000, mais ils sont près de 32 000 à avoir reçu une aide médicale durant l’année écoulée. »

L’addiction aux jeux de hasard, qu’il s’agisse des jeux en ligne, des paris ou des machines à sous, touche avant tout des hommes et des personnes en difficulté sociale. Elle est souvent couplée avec d’autres dépendances, à l’alcool ou à des drogues par exemple. Si toutes les catégories d’âge sont concernées, le groupe qui représenterait le plus de risque est celui des 35-44 ans. Les auteurs du rapport disent également avoir été surpris par la proportion de jeunes à disposer d’une expérience de joueur. Directeur du Centre de contrôle national des drogues et des addictions, Viktor Mravčík explique :

Viktor Mravčík,  photo: Archives du gouvernement
« Selon les données à notre disposition, jusqu’à un tiers des jeunes âgés de 15 à 17 ans a une expérience avec le jeu de hasard. Cela concerne principalement les jeux de pronostics chez les garçons, ensuite les loteries et encore le jeu en ligne. A ce propos, le jeu en ligne est un phénomène récent. C’est d’ailleurs celui qui croît le plus significativement. »

Pour Viktor Mravčík, l’encadrement des jeux de hasard sur Internet est possible, notamment via un système de licences, un dispositif que prévoit justement l’actuel projet de loi sur les jeux de hasard. Un texte qui se voulait initialement ambitieux mais qui a récemment suscité la colère des organisations non-gouvernementales, qui ont accusé le ministère des Finances d’avoir fait trop de concessions aux lobbys du secteur. Interdiction des machines à sous dans certains établissements tels que les restaurants ou les stations-service, imposition accrue, mise en place d’un registre des joueurs, possibilité de supprimer les aides sociales chez les joueurs compulsifs, la nouvelle législation prévoit tout de même un large éventail répressif, qui devrait se coupler de mesures préventives avec l’implantation de centres d’aide liés aux dépendances dans chacune des régions tchèques.

Photo: Kristýna Maková
Et les municipalités tchèques elles-mêmes sont de plus en plus nombreuses à prendre des mesures visant à l’interdiction pure et simple des « herny ». Cependant, la fermeture d’environ un millier de ces établissements sur le territoire tchèque entre 2013 et 2014 a en partie été compensée par la multiplication des casinos, dont certains proposent en réalité et illégalement des machines à sous.