Le départ du coordinateur national anti-drogue suscite la polémique
Coordinateur national chargé de la lutte anti-drogue, Jindřich Vobořil quitte son poste à la fin du mois d’août. Spécialiste reconnu en matière de drogue, il a expliqué avoir été confronté à une pression politique et à celle du monde des affaires.
Quatre-vingts experts étrangers en matière de drogues et autres dépendances ont récemment adressé une lettre ouverte au gouvernement tchèque. Ils l’ont appelé à maintenir le cap fixé par le coordinateur sortant de la lutte anti-drogue. Des experts et des représentants d’organisations et d’institutions de 27 pays ont écrit que la Tchéquie était devenue un modèle de politique sensible en matière de drogues ces dernières années, principalement grâce aux démarches de Jindřich Vobořil.
Psychologue et psychothérapeute formé en République tchèque et à l’Université de Liverpool, en Grande-Bretagne, Jindřich Vobořil, 58 ans, se consacre à la problématique des addictions depuis la fin des années 1980. Il a occupé le poste de coordinateur national de la lutte contre la drogue entre 2010 et 2018, et à nouveau à partir de 2022.
Jindřich Vobořil préconise depuis longtemps l’introduction d'un marché réglementé du cannabis en Tchéquie et soutient la possibilité d’utiliser les substances psychédéliques dans le traitement des maladies mentales, sur la base de recherches scientifiques.
Dans leur lettre ouverte, les experts internationaux rappellent que Jindřich Vobořil a défendu « une approche inhabituelle mais rationnelle » dans ce domaine. Ils soulignent que le coordinateur tchèque avait réussi à faire adopter dans son pays certaines « mesures révolutionnaires », comme par exemple son plan d’action pour lutter contre la dépendance aux jeux de hasard, ses efforts visant à décriminaliser les usagers et à règlementer les substances psycho-modulatrices.
« La disponibilité réglementée de substances moins nocives est plus efficace en termes de prévention qu’une interdiction totale », estiment les signataires de la lettre adressée au gouvernement de Prague.
Partisan d’une politique sensible en matière de drogues, basée sur la prévention, la réglementation et le traitement des dépendances, Jindřich Vobořil a également souligné le danger de la consommation excessive d’alcool dans le pays. En juin dernier, il a présenté une nouvelle série de mesures prévues par le gouvernement pour lutter contre ce fléau :
« C’est assez ambitieux, mais nous voulons surtout faire baisser de moitié le volume d’alcool et de tabac vendus aux mineurs. C’est le problème majeur qui existe actuellement en Tchéquie. Le nombre de mineurs qui consomment de l’alcool est ici l’un des plus élevés dans l’UE. (…) Les pays occidentaux ont été très actifs dans ce domaine dès les années 1990. L’Allemagne, par exemple, qui a été confrontée, elle aussi, à ce problème, a réussi à faire passer de 13 à 16 ans l’âge de la première expérience de l’alcool. Ce n’est pas le cas chez nous. En Tchéquie, 95 % des enfants de 13 ans ont déjà consommé de l’alcool, notamment dans le milieu familial. L’Europe centrale a généralement une grande tolérance vis-à-vis de l'alcool, mais le problème est qu’en Tchéquie, aucun programme de prévention n’a réellement été mis en place au cours des 30 dernières années, malgré certains documents approuvés par les différents gouvernements. Lorsque j’y fais référence, cela suscite toujours beaucoup de réactions. Je reçois des messages et courriels agressifs, voire menaçants, même de la part de représentants politiques. »
La taxation des vins tranquilles, la réglementation de la publicité pour l’alcool, omniprésente en Tchéquie, l’application stricte de l’interdiction de vente d’alcool aux mineurs, ou encore le marché contrôlé du cannabis déjà cité : autant de mesures prônées par le coordinateur anti-drogue qui ne trouvent pas de large soutien politique en Tchéquie. La critique de Jindřich Vobořil, formulée au sein même du gouvernement, s’est encore accentuée après la découverte de cocaïne dans les toilettes pour hommes de la Chambre des députés. Le coordinateur national a déclaré qu’il n’en était « pas surpris », ajoutant que les députés qui consomment de la drogue « soutiennent, entre autres, des organisations criminelles russophones et russes ».
Après son départ du Bureau du gouvernement, Jindřich Vobořil restera le conseiller du Premier ministre Petr Fiala. Son agenda sera désormais traité par les employés du département de la politique anti-drogue.