L’amnistie de Václav Klaus et la première élection présidentielle au suffrage universel se disputent la vedette dans les médias

Photo: Filip Jandourek, ČRo

L’amnistie partielle, annoncée le 1er janvier par le président sortant Václav Klaus, a suscité la désapprobation de la population et des critiques d’une partie de la scène politique. Nous avons retenu dans la presse quelques réflexions qui sont apparues au sujet de cette affaire qui ne cesse de faire couler beaucoup d’encre. Les différents aspects de la première élection présidentielle au suffrage universel direct y sont, aussi, largement discutés et examinés.

Photo: Filip Jandourek,  ČRo
Les avis exprimés dans la presse prouvent que le principe de l’amnistie en tant que tel, quand il ne s’agit que de délits légers, est généralement accepté. D’un autre côté, les éditorialistes, journalistes, politologues, juristes, dénoncent le fait que l’amnistie déclarée par Václav Klaus se rapporte également à nombre de cas de corruption, de fraudes et de grandes escroqueries économiques. Dans la dernière édition de l’hebddomadaire Respekt, nous avons pu lire :

« On est censé considérer qu’il s’agit-là d’un plan minutieusement préparé dont les buts peuvent être multiples. Aider les gens qui, sous le gouvernement de Klaus, ‘édifiaient le capitalisme’. Ne pas admettre la criminalisation des années 1990, durant lesquelles Klaus était au pouvoir. Ou encore éloigner la Tchéquie de l’Europe en la poussant plus encore vers l’Est, des efforts dont Klaus fait d’ailleurs preuve depuis longtemps. Il s’agit peut-être, aussi, de sa volonté d’humilier la justice. »

« Klaus renoue avec Mečiar. L’amnistie de ce dernier hante les Slovaques encore aujourd’hui ». C’est le titre d’un papier publié sur le serveur idnes.cz. Son auteur Luboš Palata écrit :

« Dans une certaine mesure, l’amnistie déclarée par Václav Klaus ressemble effectivement à celle déclarée en 1998 par l’ex-premier ministre slovaque Vladimír Mečiar, qui lui a permis d’éliminer les traces des plus graves crimes commis durant son mandat. Les Slovaques en ressentent les effets encore aujourd’hui. »

Václav Klaus et Vladimír Mečiar,  photo: ČT24
Le commentaire rappelle que Mečiar et Klaus, architectes de la partition de la République tchécoslovaque en 1992, se sont toujours bien entendus, et qu’ils ont encore aujourd’hui de l’estime l’un pour l’autre. L’auteur poursuit :

« Il semble que Václav Klaus a puisé de l’inspiration chez Mečiar en accordant une amnistie qui stoppe, entre autres, les procédures judiciaires concernant des délits criminels graves, dont certains ont été commis à l’époque où il était Premier ministre, de 1992 à 1997. »

Luboš Palata souligne que les amnisties de Mečiar sont aujourd’hui considérées comme une des plus grandes « erreurs » de son mandat autoritaire. Pour cette raison, les pouvoirs du président slovaque ont été réduits afin de lui empêcher d’intervenir dans des procédures en cours. Il conclut :

Václav Klaus,  photo: Khalil Baalbaki,  ČRo
« Les dernières démarches de Václav Klaus semblent être une réponse aux efforts de la justice, du parquet et de la police, de mener à bien, grâce à une meilleure atmosphère politique dans la société, les cas les plus graves. La Tchéquie elle aussi devrait envisager une réduction d’octroi du droit 200d’amnistie. »

Dans une des dernières éditions du quotidien Lidové noviny, l’économiste Tomáš Prouza cherche difficilement des sources d’optimisme pour l’année 2013 qui vient de commencer. Il en trouve quand même une en écrivant :

« Je puise mon optimisme dans le fait que les gens d’opinions contradictoires arrivent à se mettre d’accord et à critiquer à l’unisson l’amnistie déclarée par Václav Klaus. Ceci dit, je constate que peu de gens ont réalisé que cette amnistie, la pire amnistie dans l’histoire tchèque, aurait pu être stoppée. Il aurait suffi pour cela que le premier ministre Petr Nečas ne la contresigne pas. »

Le journal a publié aussi un article du juriste et universitaire Jiří Pribáň qui conclut son aperçu sur le rôle des amnisties dans le passé et aujourd’hui :

« Cette dernière amnistie de 2013 s’inscrira dans l’histoire constitutionnelle du pays comme une manifestation d’hypocrisie, de cynisme et de force de ceux qui ne se sont jamais réconciliés avec l’idée d’une justice indépendante et de procédures juridiques régulières. Ceux qui n’ont jamais accepté l’égalité de tous face à la loi qui est le premier pilier d’un Etat de droit »


Photo: CTK
Le premier tour de l’élection présidentielle au suffrage universel direct en République tchèque, qui se déroule ces vendredi et samedi, s’est évidemment disputé dans la presse la vedette avec la toute récente amnistie du président Klaus. Petr Honzejk du quotidien Hospodářské noviny a commenté les résultats des dernières intentions de vote qui ont pu été publiés, conformément à la loi, lundi dernier en écrivant :

« L’expérience nous montre que les élections en Tchéquie n’ont jamais apporté les résultats correspondant aux intentions de vote prévues par les enquêtes. C’était vrai tant pour les élections législatives que pour les élections régionales ou sénatoriales. L’élection présidentielle au suffrage universel direct a lieu chez nous pour la première fois et de ce fait, toute comparaison paraît trompeuse. Comme chaque prévision électorale en Tchéquie a été un fiasco total, on peut toutefois se demander pourquoi il s’en serait autrement cette fois-ci. »

L’auteur de l’article signale que la fascination pour les enquêtes d’opinion est peu compréhensible, car la majorité des agences qui les effectuent ne sont guère dignes de confiance. Il explique :

« Il existe trois raisons pour lesquelles les agences prévoient mal les résultats électoraux. Outre leurs qualités professionnelles souvent faibles, il s’agit du fait qu’elles semblent adapter leurs résultats, en quelque sorte, aux voeux de leurs clients. Et le troisième aspect important, c’est que le comportement de l’électeur tchèque est dans une grande mesure imprévisible, car il aime changer radicalement d’avis au dernier moment. »

Un article de la plume du sociologue Ivan Fišera publié dans l’édition de ce jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes s’interroge sur les tâches qui attendent le prochain président tchèque dans le domaine international. Nous le citons :

« L’Etat tchèque devra très probablement faire front face aux intérêts politiques et économiques imposés par le régime autoritaire russe. Le président devra donc chercher des moyens afin de renforcer la conscience nationale et la volonté des citoyens et des responsables politiques de défendre notre souveraineté. En même temps, il devra encourager la stabilité de l’Union européenne, au lieu de l’affaiblir par un nationalisme exacerbé... »

« La première élection présidentielle directe offre beaucoup voire trop de candidats intéressants », signale l’éditorial de l’hebdomadaire Respekt. Et de décrire les qualités de celui ou de celle que les Tchèques devraient choisir :

« L’histoire nous enseigne qu’il faut chercher une personne qui respectera la séparation des pouvoirs, qui tiendra compte de sa position au sein du système constitutionnel et qui ne voudra pas se présenter aux yeux du public comme un sauveur de la scène politique. Une personne qui, grâce à ses expériences et à son approche, servira de médiateur du débat politique dans les moments de crise et qui contribuera à créer d’excellentes relations au niveau international ».

« Il serait dommage de manquer cette occasion unique qui permet de donner une nouvelle orientation à la politique locale », conclut l’auteur de l’article.