Le président Klaus accusé, par le Sénat, de haute trahison
C’est un événement sans précédent dans l’histoire de la République tchèque et même de l’ancienne Tchécoslovaquie. Pour la première fois, la Chambre haute du Parlement a décidé de poursuivre le président de la République devant la Cour constitutionnelle pour haute trahison, et ceci trois jours avant la fin de son mandat. Lundi, 38 parlementaires, pour la plupart sociaux-démocrates, sur l’ensemble des 68 sénateurs présents, ont voté en faveur de la plainte déposée contre Václav Klaus.
Cette amnistie qui a permis de libérer plus de 6000 personnes, est surtout critiquée pour avoir arrêté certaines procédures judiciaires relatives à quelques-unes des grosses affaires de corruption de ces dernières années. De même, la motion adoptée par le Sénat reproche à Václav Klaus son refus de signer certains traités internationaux, par exemple un amendement au Traité de Lisbonne sur le nouveau fond de sauvetage de l’euro, ou encore des atermoiements autour de la nomination de nouveaux juges.
Le sénateur social-démocrate Jiří Dienstbier, l’un des candidats malheureux à la succession de Václav Klaus, est le chef de file des sénateurs révoltés contre le président sortant :
« En adoptant la motion, le Sénat a rempli son devoir qui consiste à protéger le système constitutionnel en République tchèque. Le non-respect des règles établies dans un pays mène au désordre. Le Sénat a été tout simplement obligé de faire face à ces tendances qui vont à l’encontre de la Constitution. »« Le but est d’ouvrir un débat public qui ne permettrait plus à un chef d’Etat d’outrepasser ou de négliger ses pouvoirs », a ajouté Bohuslav Sobotka, président du Parti social-démocrate, en tête de l’opposition.
Au sein du gouvernement, la plainte contre le président Klaus suscite une forte désapprobation. Celle-ci a été formulée tant par la présidente du parti LIDEM Karolína Peake, qui propose, en revanche, d’ôter aux futurs président le droit de déclarer une amnistie, que par le président de la formation TOP 09 et ministre des Affaires étrangères Karel Schwarzenberg, lui-même ayant critiqué à haute voix l’amnistie déclarée par Václav Klaus. On l’écoute :
« Ceci n’est pas un geste raisonnable, mais plutôt le moyen pour un parti politique de manifester sa force au sein du Sénat. »
Pour le Premier ministre est chef du Parti civique démocrate, Petr Nečas, il n’est pas question ici de trahison de la part du président, mais plutôt d’une trahison dont Václav Klaus serait la victime :« Cette plainte n’est rien d’autre qu’un acte de vengeance qui porte atteinte à l’image de notre pays. Il ne s’agit pas d’une attaque contre le chef de l’Etat, mais d’une démarche qui nuit à la réputation de la République tchèque à l’étranger, d’une démarche motivée avant tout par une animosité personnelle. »
Cette théorie de la vengeance est évidemment réfutée par les sénateurs à l’origine de la plainte, par exemple par l’ancienne juge constitutionnelle Eliška Wagnerová. Ils justifient leur geste par des cas concrets où le président Klaus aurait agi selon ses convictions personnelles, mais contre les intérêts de la République tchèque.
Parallèlement, certains médias s’interrogent sur la pertinence même du terme « haute trahison » dans ce contexte, en comparant les démarches de Václav Klaus à celles de ses prédécesseurs Emil Hácha et Ludvík Svoboda, démarches tout aussi controversées puisque liées aux événements de 1939 et 1968.
Une chose est certaine : dans cette affaire sans précédent et sur laquelle les juristes, eux non plus, ne sont pas unanimes, la Cour constitutionnelle sera désormais confrontée à de nombreuses difficultés procédurières et techniques. Il n’empêche que fin mars, elle pourrait rendre son verdict. Si elle valide cette motion de haute trahison, Václav Klaus, qui quitte le Château de Prague le 7 mars prochain, ne pourrait plus poser sa candidature à la présidence de la République et ne recevrait pas le salaire accordé aux anciens chefs d’Etat. « Ce qui me rend triste, c’est de voir la bassesse dans laquelle sont tombés nos politiciens », a déclaré ce même Václav Klaus, critiqué ces dernières semaines, entre autres, pour ses propos peu respectueux envers le président défunt Václav Havel.