Le 17 novembre, Journée de lutte pour la liberté et la démocratie en République tchèque

Le 20 novembre 1989 sur la place Venceslas
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Par deux fois, le 17 novembre s'est inscrit dans l'histoire moderne tchécoslovaque. En 1939, neuf leaders estudiantins furent exécutés et 1200 autres envoyés en camps de concentration en représailles des manifestations qui s'étaient tenues deux jours plus tôt, le 15, lors des funérailles de Jan Opletal. Ce dernier, qui devint le symbole de la résistance, avait été mortellement blessé le 28 octobre lors d'une manifestation estudiantine qui, tout à la fois, commémorait le 20e anniversaire de la naissance de la Tchécoslovaquie et exprimait l'opposition à l'occupation du pays par les troupes nazies. Cinquante ans plus tard, le 17 novembre 1989 au soir, environ 15 000 étudiants se réunissaient dans le quartier universitaire d'Albertov, à Prague, pour une marche en mémoire de la mort de Jan Opletal. Très vite, le rassemblement se transforma en mouvement de protestation contre le régime communiste et les manifestants prirent la direction du centre-ville et de la place Venceslas. Mais à proximité de l'artère principale de la capitale, sur l'Avenue nationale, la marche pacifique pour la liberté fut stoppée puis dispersée violemment par un important cordon policier. L'information qui courut sur la mort de l'un des participants à la manifestation se répandit comme une traînée de poudre au sein de la population et constitua le point de départ des protestations toujours plus importantes qui s'ensuivirent et contribuèrent à la chute du régime puis au passage à la liberté. Aujourd'hui, le 17 novembre est célébré en République tchèque comme Journée de lutte pour la liberté et la démocratie. A cette occasion, nous vous proposons donc une émission spéciale...

Le 17 novembre 1989 sur l'Avenue nationale à Prague
La Révolution de velours... Qu'est-ce que cela évoque pour un jeune Français ?... Réponse avec Clément Duclos, qui se trouve actuellement à Prague dans le cadre du programme européen d'études ERASMUS.

« La Révolution de velours évoque en moi-même pas des souvenirs, car à l'époque, j'avais quatre ans, mais si je porte un regard rétrospectif sur cette révolution, je dirais que c'est tout d'abord un espoir qui a enfin surgi en République tchèque, en Tchécoslovaquie à l'époque, qui a surgi par les étudiants, c'était le début d'une longue série d'épreuves et je pense qu'il faut porter sur cet événement un regard assez objectif et critique, car il ne s'agit pas seulement d'une fin en soi, mais plutôt d'un long processus de démocratisation du pays... Je pense que les acteurs de cette révolution savaient bien ce qu'ils faisaient mais ne savaient pas exactement où ils allaient, pour eux, c'était un saut dans l'inconnu... C'était un processus de changement profond qui s'est opéré en Tchécoslovaquie, plus qu'une véritable révolution qui aurait changé d'un jour à l'autre toutes les structures, en dépit d'un raz-le-bol généralisé depuis cinquante ans dans le pays. Les étudiants ont été l'étincelle pour faire exploser une situation qui avait déjà une odeur de souffre, finalement. »

Le 19 novembre 1989 à Ujezd,  Prague
Auriez-vous aimé participer aux événements ?

« C'est une question difficile, car je ne sais pas si j'aurais pu être à ce point courageux pour descendre dans la rue et affronter les policiers. Je pense que j'aurais aimé voir ces événements, j'aurais aimé participer, mais je ne sais pas si je serais descendu dans la rue scander moi aussi ces slogans contre le régime et pour la liberté d'expression. »

Vous êtes à Prague dans le cadre du programme Erasmus...

« Si j'ai décidé d'être à Prague c'est d'abord parce que mes études se portaient sur l'Europe centrale et orientale et que Prague constituait une des possibilités du programme Erasmus. Si j'ai choisi la République tchèque et Prague, c'est aussi parce que j'avais appris le tchèque, que je continue d'apprendr,e et par un intérêt personnel notamment en matière de culture pour la ville de Prague... Je pense que la chute du Mur de Berlin et l'intégration européenne ont facilité la mobilité des étudiants. »

Le 20 novembre 1989 sur la place Venceslas,  Prague
Interdire ou ne pas interdire le parti communiste... Quel regard portez-vous sur cette question tellement discutée en Tchéquie ?

« Je pense que c'est difficile à dire, y compris pour un acteur étranger à la politique tchèque, comme c'est mon cas. En ce qui me concerne, en tant que Français, je ne pense pas que ce soit une très bonne chose du point de vue de la liberté d'expression... Mais d'un autre point de vue, il faut voir que ce n'est pas un parti comme les autres, car il est l'héritier de ce parti qui a fait souffrir la République tchèque pendant plus de cinquante ans et qui n'a même pas changé de nom. »

Ce jeudi 17 novembre, allez-vous participer aux manifestations organisées à l'occasion du 16e anniversaire de la Révolution de velours ?

« J'aimerais bien y participer. Je ne sais pas encore de quelle façon ce sera possible, s'il s'agira d'une simple marche, s'il y aura des activités culturelles ou commémoratives, mais de quelque façon que ce soit, j'aimerais participer ».

La Maison des PECO, un pont entre l'Europe orientale et occidentale

Photo: Commission européenne
Le 10 novembre dernier, à la Chapelle Bethléem, avait lieu, pour la quatrième année consécutive, le salon « Etudier en France » organisé par l'ambassade de France en collaboration avec l'Ecole supérieure des hautes études techniques de Prague. Pour l'occasion, pas moins d'une trentaine d'écoles et d'universités françaises avaient répondu présentes à l'invitation afin de présenter aux étudiants tchèques les différents cursus qui leur sont accessibles, ainsi que les possibilités de financement de séjour et les opportunités professionnelles. Parmi les stands ayant recueilli le plus grand succès auprès des jeunes candidats tchèques figurait celui de la Maison des Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO). Affectée au pôle universitaire de Lorraine Nancy-Metz, la vocation de la Maison des PECO est de contribuer au développement des échanges et des coopérations tant universitaires que scientifiques, économiques, culturels ou linguistiques entre la France et les pays d'Europe centrale et orientale. Pour en savoir un peu plus sur ce projet unique en France, Radio Prague a interrogé Christelle Dorget, chef de projet au pôle universitaire de Lorraine.

« La Maison des Pays d'Europe Centrale et Orientale est une structure qui est en train de se développer et de se construire à Nancy, ville qui a été, de longue date, très sensible aux coopérations en tous genres, mais particulièrement universitaires avec l'Europe centrale et donc aussi évidemment avec la République tchèque. Et dans ce cadre-là, nous essayons de favoriser les échanges. Echanges universitaires au sens large, bien sûr d'enseignants et de chercheurs, mais surtout nous nous efforçons de favoriser la mobilité des jeunes. Dans ce contexte-là, nous avons, par exemple, développé un projet financé par la Commission européenne dans le cadre du programme Leonardo qui s'appelle Euromost pour Europe, mobilité, stage (le mot « most » signifie également « pont » en tchèque et dans les autres langues slaves, ndlr). Ce programme s'adresse aux jeunes qui veulent effectuer un stage en Europe de l'ouest, en particulier en France, ou inversement pour les jeunes Français qui voudraient venir faire un stage dans un pays d'Europe centrale et orientale. Nous avons donc développé beaucoup d'outils d'aide et de conseil très pratiques et concrets à la mobilité stagiaire et professionnelle. Nous avons développé des banques de stages, des banques d'emploi... Tout cela dans les langues des pays pour que ce soit très accessible aux jeunes avec beaucoup de recommandations et des conseils de choses qui sont complètement vécues. »

Quand et dans quelles conditions la Maison des PECO a-t-elle vu le jour ?

« C'est une initiative du ministère français de l'Education nationale qui remonte au début des années 2000. C'est un organisme qui a vocation à rayonner sur l'ensemble du territoire français et qui vaut pour tous les types de coopérations. Evidemment, on travaille beaucoup avec les représentations diplomatiques et consulaires des pays d'Europe centrale en France et, bien sûr, avec la diplomatie française installée en Europe centrale. »

Avez-vous ressenti un intérêt grandissant pour les séjours d'études en France et, inversement, dans les pays d'Europe centrale et orientale suite à l'entrée de la République tchèque et d'autres pays d'Europe centrale dans l'Union européenne ?

« Effectivement, il y a une recrudescence manifeste de l'apprentissage du français, et je suis toujours très surprise quand je vais sur les salons d'étudiants de voir à quel point les étudiants parlent bien français. Ils sont tout à fait capables d'intégrer des écoles ou des facultés en France sans aucun problème. Je suis moi-même enseignante à la faculté de droit à Nancy, et cette année, j'ai trois étudiants tchèques dans mon groupe qui ont parfois une culture de l'histoire constitutionnelle française plus importante que mes étudiants français. C'est vraiment très, très encouragenat et on voit des jeunes gens vraiment très intéressés pour venir passer un ou deux semestres d'études en France. Ils sont vraiment prêts à bouger, sont capables de se prendre en charge, de trouver les facultés ou écoles partenaires et également capables de faire toutes les démarches nécessaires pour le financement et les formalités. Ce sont donc des jeunes extrêmement motivés, très brillants et qui sont passionnés et passionnants. »

On peut supposer que la proximité géographique de Strasbourg, du Luxembourg et de Bruxelles est un point fort pour votre université...

« Oui. Tout le monde se dit au centre de l'Europe, mais nous le sommes effectivement. Par ailleurs, Nancy a la particularité d'avoir au sein de l'université un Centre d'études européennes qui est unique en France. C'est un institut automnone qui travaille au niveau du master et du doctorat. Les deux tiers de ses étudiants sont étrangers et parmi eux, l'essentiel provienennt d'Europe centrale et orientale, et ce depuis toujours, pas seulement depuis le début des années 1990. C'est un institut qui a maintenant plus de cinquante ans et qui a formé une grande partie des « élites » des pays d'Europe centrale et orientale qui travaillent désormais à Bruxelles et ont préparé l'intégration de ces pays, et notamment l'ahésion de la République tchèque à l'Union européenne. Parmi le réseau des anciens étudiants, on en retrouve un grand nombre qui sont aujourd'hui, par exemple, ministres. Ce sont souvent des jeunes gens brillants qui ont fait un passage à Nancy. »