Le 18 octobre 1968, une date de triste mémoire

Août 1968

Il y a de cela 36 ans, le 18 octobre 1968, l'Assemblée nationale a adopté le traité sur les conditions et le séjour temporaire des troupes soviétiques sur le territoire de la République socialiste tchécoslovaque. Des 228 députés présents, 10 se sont abstenus et 4 ont voté contre. Qui ont été ces courageux, quelles ont été les destinées du pays, jusqu'à quand le séjour dit temporaire a-t-il duré ? Un retour sur ces événements dans cette page d'histoire.

Août 1968
Selon le traité concernant le séjour temporaire des soldats soviétiques sur le territoire tchécoslovaque, entré en vigueur le jour même de son adoption, le 18 octobre 1968, 75 000 soldats soviétiques ont été stationnés dans le pays. Le traité prévoyait de mettre à leur disposition un nombre adéquat de locaux d'hébergement et de dépôts de munitions, plus quatre aéroports et trois hôpitaux militaires. Ce en quoi le traité est de toute gravité pour l'histoire du pays, c'est qu'il a légalisé l'envahissement de la Tchécoslovaquie par les armées du pacte de Varsovie, un acte contraire à tous les documents internationaux. La nuit fatidique du 21 août 1968, une force d'un demi-million de soldats soviétiques, allemands, polonais, hongrois et bulgares, franchissent la frontière, à l'insu du président de la République, de l'Assemblée nationale, et du premier secrétaire du parti.

Une autre raison pour laquelle le traité du 18 octobre 1968 sur le séjour temporaire des soldats soviétiques est de toute gravité est qu'il a marqué une rupture définitive entre la direction du pays et la volonté des citoyens qui, pendant tout le processus du Printemps de Prague visant l'édification du « socialisme à visage humain » croyaient et soutenaient leurs dirigeants communistes. Une preuve de la confiance en la direction d'Alexandre Dubcek est le fond d'or de la république. Enthousiasmés à l'idée d'une détente et d'une monnaie convertible, les Tchèques apportaient de plein gré leurs bijoux en or. Le 19 août 1968, la collecte nationale a réuni un total de 61 kilogrammes d'or, d'une valeur de 270 millions de couronnes. Après l'adoption du traité, les chemins de la direction du parti et de la population se sont divisés définitivement. Depuis cette date-là, une opposition à la direction politique du pays a commencé à se créer.

Moscou justifiait l'invasion comme un acte qui se fait sur invitation de Prague, par les fameuses lettres dites d'invitation. Ces lettres longuement recherchées ont été retrouvées dans les archives d'Etat russe le 15 juillet 1992. N'empêche que personne n'a été jugé pour cet acte qualifié de haute trahison, à l'exception de Karel Hoffman, condamné pour avoir ordonné d'arrêter les émissions radiophoniques et télévisées. Personne n'a été jugé en dépit du fait que les 21 ans de l'occupation ont fait parmi les citoyens tchécoslovaques 82 morts, 266 blessés graves et 436 blessés légers. Le premier jour de l'occupation a coûté la vie à 58 personnes, dont 7 femmes et une petite fille. Aucun des soldats étrangers n'a été condamné pour ces actes.

Lors des entretiens de Moscou, les 23 - 26 août, les dirigeants tchécoslovaques ont été contraints de signer le protocole annulant le processus réformateur entamé en avril 1968. Le programme dit d'action adopté le 5 avril 1968 stipulait, entre autres, la liberté de parole et de rassemblement. Il garantissait les principaux droits civiques et admettait même une pluralité des partis politiques. Les entretiens finissent par la capitulation des dirigeants tchécoslovaques, à une exception près: Frantisek Kriegel, médecin de profession, qui a refusé de signer le honteux protocole. Frantisek Kriegel a aussi été, le 18 octobre 1968, l'un des quatre députés courageux qui n'ont pas voté le traité sur le séjour des soldats soviétiques en Tchécoslovaquie, avec le général Prchlik, Frantisek Vodslon et une femme, Gertruda Sekaninova. Rappelons les propos par lesquels Frantisek Kriegel a alors justifié son refus.

En effet, le texte du traité a été rédigé, les 3 et 4 octobre, à Moscou. Son importance est documentée par le fait que le 17 octobre, les hauts dirigeants soviétiques, dont Kossyguine et Gromyko se déplacent, en personne, à Prague pour signer le traité. L'assemblée nationale l'adopte le lendemain. C'était le vendredi, 18 octobre. Ainsi s'est crée ce que les Tchèques ont appelé la tradition des décisions de vendredi. Les dirigeants annonceront vendredi soir toutes leurs décisions impopulaires, pour que la réaction immédiate se déroule dans le privé, non pas au travail.

La défaite du Printemps de Prague est achevée le 17 novembre par l'adoption de la résolution sur les tâches principales du parti pour la période à venir. Gustav Husak est installé par Moscou à la direction du pays. C'est le début de la dite « normalisation » de la société, une période d'amertume, de déception et de frustration. La période de la plus grande vague d'émigration, des purges ayant frappé un demi-million de membres du PCT, et des milliers de sans-parti.

Le général Eduard Vorobjov et Michael Kocab,  photo: CTK
Ce n'est que le 25 juin 1991 qu'est mis un point définitif à l'occupation de 1968. C'est la fin de la présence des troupes soviétiques sur le territoire tchécoslovaque, présence dite temporaire qui a duré 23 ans. A s'en référer aux paroles de Michael Kocab, président de la commission parlementaire chargée de leur retrait, c'est effectivement pour la première fois depuis 50 ans que la Tchécoslovaquie est vraiment libre et souveraine et pleinement responsable à elle-seule du sort de son pays. Le retrait des troupes militaires en une période relativement courte d'un an et demi a été un succès marquant de la nouvelle représentation politique. Le tout dernier soldat soviétique est parti le 30 juin 1991 de Milovice, le lieu du plus grand stationnement de soldats étrangers. La zone militaire de Milovice, devenue synonyme de l'occupation, a été supprimée en 1995.