Le 28 septembre est la Journée de l'Etat tchèque dédiée à la mémoire de saint Venceslas

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Le 28 septembre est la fête nationale commémorant le patron des Tchèques, saint Venceslas. Codifié en 2001 en tant que Journée de l'Etat tchèque, cette fête témoigne de la place qu'occupe, dans la conscience nationale, ce prince premyslide assassiné et canonisé. Même 1070 ans après sa mort, Venceslas reste un repère constant pour les Tchèques.

Le personnage de Venceslas est entouré de légendes, tout un culte s'est créé autour de lui, mais il est un fait historique que Venceslas a ancré le pays dans la civilisation occidentale et jeté les fondements de l'Etat tchèque. C'est à Venceslas que la nation s'adressait lors des moments les plus difficiles de son histoire. Sur la place Venceslas, au centre de Prague, la statue équestre du patron veille sur la vie de tous les jours. Venceslas, représenté ici comme cavalier en armure lourde sur cheval pour symboliser toute la détermination des Tchèques à défendre leur pays, était le témoin tacite de la proclamation de l'Etat tchécoslovaque, en 1918, de la résistance contre les accords de Munich, en 1938, des protestations contre l'occupation soviétique du pays en 1968. Le 16 janvier 1969, l'étudiant Jan Palach s'est immolé par le feu au pied de la statue de Saint-Venceslas. En 1989, la révolution de Velours a culminé sur cette place.

Vénéré comme martyre et protecteur, plus de 300 églises lui sont consacrées, la couronne royale est appelée couronne de Saint-Venceslas, son portrait figurait sur les pièces de monnaie et les sceaux de l'Etat tchèque. Le chant de Saint-Venceslas, créé il y a près de 700 ans, était, au moyen-âge, l'hymne national. Les premiers mots du chant sont gravés sur le socle sur lequel repose le monument: « Saint Venceslas, duc du pays tchèque, ne nous laisse pas périr, nous et nos descendants. »

Qui était Venceslas? Neuvième prince de la dynastie des Premyslides né autour de l'an 907, il a consacré sa vie à la promotion de la nouvelle foi chrétienne introduite dans le pays en 863 par les évangélisateurs Constantine et Méthode. Homme très pieux, Venceslas a cependant détourné le pays des rites byzantins, en l'ancrant dans la chrétienté occidentale. Les pays de la couronne de Bohême sont passés sous la juridiction de l'évêque de Ratisbonne, en Bavière. Plus tard, le pays était convoité par la Bavière et la Saxe. Après avoir désigné Venceslav à la tête du duché premyslide, le duc Arnulf de Bavière a tenté de dominer le pays. Or, de l'autre côté, le roi de Saxe Henri 1er l'Oiseleur a aussi voulu renforcer ses pouvoirs et menaçait d'envahir la Bohême. C'est alors que Venceslas s'est présenté comme souverain éclairé préférant la paix à la guerre : il a conclu un pacte de non-agression en s'engageant à payer 500 talents d'argent et 129 boeufs par an. Pour récompenser sa sagesse, Henri a offert au pieux Venceslas l'épaule de Saint-Guy, une précieuse relique pour la quelle Venceslas allait fonder une rotonde, noyau de la future cathédrale qui portera le nom de Saint-Guy. Au moyen âge où les conflits se résolvaient par la guerre, la position pacifique de Venceslas est restée incomprise, notamment aux yeux de son frère, Boleslav.

Le 28 septembre 935, au moment où Venceslas allait à la messe, son frère l'a fait assassiner à Stara Boleslav près de Prague. Le fratricide a ouvert à Boleslav surnommé le Cruel la voie vers l'extension du pouvoir des Premyslides jusqu'à la Pologne et la Russie actuelles. Or, le peuple, souffrant sous Boleslav, était nostalgique de l'âge d'or du règne de Venceslas. Boleslav, en signe de repentir, a fait transférer les reliques de Venceslas à Prague, où celles-ci ont été déposées dans la rotonde Saint-Guy fondée par Venceslas, cet acte ayant eu valeur de canonisation. Venceslas est ainsi devenu le premier patron des Tchèques.

Venceslas est l'un des personnages de l'histoire tchèque les plus souvent représentés dans les arts. Nous avons demandé des précisions à Marcela Vondrackova, historienne d'art, de la Galerie nationale de Prague :

« La plus ancienne représentation de saint Venceslas, on la trouve dans le manuscrit « Les Légendes de Saint-Venceslas », oeuvre de l'évêque Gumpold de Mantou. La princesse de Bohême, Emma, décédée en 1006, a fait orner le manuscrit de trois scènes de la vie de Saint-Venceslas : la première montre le couronnement de saint Venceslas par le Christ et les deux autres le dernier repas à Stara Boleslav et l'assassinat de Venceslas. C'est ici qu'on rencontre pour la première fois la représentation de saint Venceslas en tant que militaire, combattant de Dieu, et on y voit le Christ placer la mitre sur sa tête. Les représentations de Venceslas apparaissent depuis déjà le XIe siècle, ce qui a un lien direct avec la dynastie des Premyslides qui a accentué ce culte, puisque Venceslas était un saint de leur famille. Bientôt, Venceslas commence à être représenté en compagnie d'autres saints : Adalbert et Guy, auxquels allait être consacrée la basilique au Château de Prague érigée à l'emplacement de la rotonde Saint-Guy fondée par Venceslas. La construction de la basilique, commencé en 1060, reflète l'idée de l'élever sur son tombeau. Trois ans après son assassinat à Stara Boleslav, Venceslas a été transféré à Prague et inhumé près de l'abside de la rotonde romane Saint-Guy. C'est ici qu'il a trouvé le lieu de dernier repos et la position de son tombeau allait prédéterminer celle de la future chapelle Saint-Venceslas, devenue partie intégrante de la cathédrale Saint-Guy. »

Une autre question à laquelle nous nous sommes intéressés était de savoir dans quelques endroits à Prague, peut-on trouver des monuments consacrés à saint Venceslas ?

« Ces endroits, il y en a plusieurs. Parmi eux, le plus important est la chapelle Saint-Venceslas dans la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague. Il convient de dire qu'une église Saint-Venceslas, aujourd'hui disparue, se trouvait dans le quartier de Mala Strana. L'église Saint-Venceslas avec le couvent des Augustins déchaussés à Zderaz, dans la Nouvelle-Ville pragoise, était l'un des centres les plus forts de son culte au XVIIe siècle. C'était ici que le père prieur Egidus a fait créer un vaste cycle des scènes de la vie de saint Venceslas - au total 32 lunettes peintes par Karel Skreta, dont 8 ont été sauvegardées. En 1680, le sculpteur Jan Jiri Bendl a érigé sur la place des Chevaux, l'actuelle place Venceslas, la statue baroque de Venceslas, déplacée plus tard à Vysehrad et remplacée par le monument actuel : le prince Venceslas à cheval, que son auteur, Josef Vaclav Myslbek, a terminé en 1912. L'idée de départ était de placer la statue sur la rampe du Musée national. Le projet de Myslbek ne le permettait pas : la statue équestre repose sur un socle et elle est entourée de quatre autres patrons de Bohême : sainte-Ludmila, la grand-mère de Venceslas, Procop, Adalbert et Agnès qui a remplacé Ivan. La statue constitue une dominante typique de la place du même nom, au coeur de Prague. Beaucoup ignorent qu'une statue de Venceslav, entouré de deux anges, se trouvait également sur le pont Charles. Or les inondations au XIXe siècle l'ont gravement endommagées et les fragments sont déposés au musée lapidaire. »

L'endroit le plus étroitement lié à saint Venceslas est cependant la chapelle Saint-Venceslas au Château de Prague dont on sait qu'elle abrite son tombeau. Quelle est l'histoire de cette chapelle, comment pourrait-on la décrire ?

« La chapelle a été conçue comme une partie intégrante du complexe de la cathédrale Saint-Guy, édifiée depuis 1344 par Charles IV et son père, Jean de Luxembourg. Le deuxième architecte de la cathédrale, Pierre Parler, est le bâtisseur de la chapelle. Comme on peut s'en apercevoir sur les plans, la chapelle sort quelque peu du collier des autres chapelles, étant incorporée, partiellement, dans le transept de la cathédrale. L'explication est simple : il a fallu l'ériger au-dessus du tombeau de saint Venceslas ce qui a déterminé sa position. La chapelle est un véritable bijou en ce qui concerne l'ornement qui renoue avec l'idée de la ville céleste de Jérusalem dont les murailles sont ornées de pierres précieuses. C'est ainsi que les pierres précieuses et fines ont été utilisées également lors de l'ornement de la chapelle. Le même type d'ornement, on peut le rencontrer encore dans certaines autres constructions entreprises par Charles IV, dont surtout la chapelle de la Saint-Croix au château de Karlstejn conçue pour abriter les joyaux de la couronne impériale. Mais revenons à la chapelle Saint-Venceslas, au château de Prague. Ses murs sont incrustés de pierres précieuses - jaspe, chrysoprase et améthyste, encadrées de stucs d'or et très souvent, les pierres sont disposées en forme de croix. En plus de cela, la chapelle est ornée de fresques, probablement une oeuvre du maître Osvald, l'un des peintres à la cour de Charles IV. Dans la partie inférieure, il a choisi des motifs de la Passion : le Christ qui marche seul sur le mont des Oliviers, le supplice de la croix et la résurrection du Christ. Au-dessus de l'autel de Saint-Jean-Népomucène, il y a la représentation de Jésus crucifié avec la Vierge Marie et Jean l'Evangéliste complétée de personnages des donateurs, Charles IV et Venceslas. Parlant de l'ornement de cette chapelle, on ne peut pas omettre la statue de Saint-Venceslas de 1373 dont on juge qu'elle est une oeuvre de Henri Parler, neveu du bâtisseur de la cathédrale, Pierre Parler. Au-dessus de la corniche, il y a le cycle de Saint-Venceslas du maître anonyme de Litomerice, fort influencé par l'art italien : il s'agit de 30 scènes de la vie de Venceslas datant d'avant l'an 1509. »

Lorsqu'on parle du culte de saint Venceslas, on ne peut pas omettre le tombeau de ce dernier, souligne Marcela Vondrackova, et de préciser :

Photo: CTK
« Le monument funéraire de Venceslas, créé par Charles IV qui l'a fait richement décorer, ne s'est hélas pas sauvegardé. Car déjà au XVe siècle, une partie des décorations a été volée... Pour ce qui est du tombeau actuel, il est le résultat d'une rénovation réalisée au début du XXe siècle, simultanément avec l'achèvement de la construction de la cathédrale. La pierre tombale terminée en 1913 est à la fois un autel. Pour la décoration, on a utilisé des pierres datant de l'ère de Charles IV. Kamil Hilbert, qui a réalisé les fouilles, est l'auteur du projet du tombeau ainsi que des projets de restauration de la chapelle. Les reliques de saint Venceslas reposent donc, en partie, au fond de ce tombeau, en partie dans la chasse reliquaire qui se trouve au-dessus de ce dernier. Une autre partie est déposée encore à l'intérieur du buste reliquaire de Saint-Venceslas créé autour de l'an 1485. Pour ce qui est de la relique la plus précieuse du tombeau de saint Venceslas, le crâne, il est orné d'un diadème créé à l'occasion des célébrations du millénaire de Venceslas, et déposé au même endroit que le trésor de la cathédrale, donc à part des autres reliques. »

Le personnage de saint Venceslas se trouvait également à l'origine des joyaux de la couronne de Bohême appelés par son nom. Quelle est leur histoire ?

Couronne de saint-Venceslas,  photo: CTK
« La couronne de saint-Venceslas, telle qu'on la connaît aujourd'hui, a été créée par Charles IV pour son couronnement le 2 septembre 1347. Plus tard, elle a subi quelques modifications. Déjà l'année d'avant, en 1346, une bulle du pape parle de cette couronne et dit qu'elle doit être posée sur le crâne de saint Venceslas et n'être prêtée aux rois de Bohême que le jour de leur couronnement ou pour des occasions exceptionnelles et qu'elle ne doit pas quitter la ville de Prague. La personne qui oserait dérober la couronne de Saint-Venceslas serait excommuniée. A l'intérieur de la couronne, il y a un objet reliquaire précieux, à savoir une épine de la couronne de Christ ce qui est explicitement indiqué par une inscription en latin. La couronne est richement ornée de 96 pierres précieuses - rubis, saphirs, émeraudes - et de 20 perles. Le globe et le sceptre en argent doré sont plus récents, ils datent du XVIe siècles. A l'origine, c'était des insignes personnels des souverains habsbourgeois et n'ont été intégrés à l'ensemble des joyaux de la couronne que dans le courant du XVIIe siècle. Aujourd'hui, ils font partie du trésor de Vienne. »

Les joyaux ont une histoire mouvementée, plusieurs fois ils ont dû changer d'abris. Ecoutons Marcela Vondrackova:

Joyaux de la couronne,  photo: CTK
« Dès le début, le seul endroit appelé à abriter les joyaux de la couronne était la chambre dite de couronnement, juste au-dessus de la chapelle de Saint-Venceslas, avec un droit d'exception : dans des situations dangereuses, il était permis de les déplacer dans des endroits plus sûrs. Ainsi, par ex., on sait qu'au XVe siècle, ils étaient tenus au château de Karlstejn et on les cachait également, pendant un certain temps, à Velhartice et à Ceske Budejovice. Ils ont également été déplacés à la cour de Vienne, mais depuis 1867, ils n'ont pratiquement pas quitté la chapelle. En 1938, avant l'occupation du pays par Hitler, ils ont été transférés à Zilina, à l'est de la Slovaquie, mais pour un mois seulement. Juste à la fin de la guerre, par crainte de les voir endommagés par les raids des Alliés, ils ont été mis dans un abri aménagé au sous-sol de l'Ancien palais royal au Château de Prague. Il n'empêche que, pendant la guerre, le protecteur du Reich, Heydrich, a demandé l'accès à la chambre et qu'il s'est fait faire des copies des clés. »

De nos jours, les joyaux de la couronne ne sont exposés au public qu'à des occasions rares. Ils sont fermés par 7 clés qui sont partagés entre les représentants de l'Etat, de la ville de Prague et de l'Eglise. Il faut que tous les trois se réunissent pour que la chambre abritant les joyaux de la couronne puisse être ouverte.

A la question de savoir pourquoi autant d'artistes et de légendes se réfèrent au legs de Venceslas Marcela Vondrackova explique :

« Cela est sans doute lié à l'idée de l'Etat, l'idée de la dynastie. En fait, Venceslas est resté le souverain de la Bohême même après sa mort - cette idée s'est cristallisée dans les esprits depuis le Moyen-Age. Il est le souverain spirituel qui passe le pouvoir au souverain séculier. Voilà son legs moral qui a survécu au temps. On peut dire aussi que saint Venceslas a dépassé le cadre de son pays. On peut rencontrer le prince mythique à la basilique Saint-Pierre de Rome pour laquelle Charles IV a fait créer un autel de Saint-Venceslas et son culte est aussi présent dans l'espace autrichien et allemand.»