Le cardinal Vlk : « Les politiques tchèques font tout pour éviter que l’Eglise soit trop puissante »

Le cardinal Miloslav Vlk et Benoît XVI, photo: CTK

Attendue avec une certaine appréhension, la visite du pape en République tchèque a finalement été considérée comme une réussite, tant à Prague qu’au Vatican. Reste que si ce voyage a sans doute contribué à donner une meilleure image de l’Eglise catholique et de son chef, Benoît XVI, auprès des Tchèques, elle n’a pas permis de faire avancer les relations difficiles entre l’Etat et l’Eglise tchèques. Le week-end dernier, le cardinal Miloslav Vlk, archevêque de Prague, qui entend prendre sa retraite dans quelques mois, a d’ailleurs déclaré qu’il considérait que son action à la tête de l’Eglise tchèque avait été un échec.

Le cardinal Miloslav Vlk et Benoît XVI,  photo: CTK
Quelques jours encore avant l’arrivée à Prague, le Vatican avait bien précisé que le voyage du pape était avant tout un voyage apostolique et non pas un voyage politique. Elle-même plus désireuse de voir cette visite redonner un nouvel élan à la foi catholique dans le pays, l’Eglise tchèque avait d’ailleurs prévenu qu’elle ne chercherait pas à profiter du contexte exceptionnel pour exercer une quelconque forme de pression sur les responsables politiques et tenter ainsi de relancer les négociations relatives à des dossiers compliqués, objets d’importantes discordes. Ces dossiers, que sont la restitution des biens de l’Eglise supprimés sous le régime communiste, les droits de propriété de la cathédrale Saint-Guy au Château de Prague, la loi sur les Eglises et la non-ratification du concordat avec le Vatican minent les relations entre l’Eglise et l’Etat pratiquement depuis la chute du régime communiste. Ils minent aussi la conscience du cardinal Miloslav Vlk, comme celui-ci l’a confié à la télévision tchèque, dimanche, juste après la messe célébrée par Benoît XVI à Brno :

« C’est en effet le point noir de ma conscience parce que, de facto, je n’ai obtenu aucun résultat au niveau des rapports entre l’Eglise et les politiques. La restitution des biens a été remise à plus tard. La loi sur les Eglises n’a pas été amendée. La cathédrale Saint-Guy reste pour l’instant entre les mains de l’Etat. Quant au traité avec le Vatican, il n’a pas été signé. »

Photo: CTK
Après cette autocritique étonnante, le cardinal Vlk n’a pas été tendre non plus avec la classe politique et tous les gouvernements qui se sont succédés depuis le début des années 1990 :

« L’Eglise a toujours fait preuve de bonne volonté, du moins j’en suis convaincu et je peux en témoigner puisque j’ai participé aux négociations. Mais les politiques n’ont pas fait preuve de la même volonté. Même si ce week-end ils font tout ce qu’ils peuvent pour être pris en photo avec le pape, ce n’est pas un comportement qui témoigne de leur bonne volonté. Au contraire, les politiques ont toujours dit qu’il fallait tout faire pour éviter que l’Eglise soit trop puissante politiquement ou économiquement. Leur but était de nous mettre à l’écart. »

Jan Fischer et Tarcisio Bertone,  photo: CTK
Dans le cadre de la visite du pape, le Premier ministre Jan Fischer, à la tête d’un gouvernement provisoire d’experts, a toutefois rencontré le secrétaire d’Etat de la Curie romaine, le cardinal Tarcisio Bertone. Un tête-à-tête dont il est ressorti que la restitution des biens, dont le montant total est estimé à plusieurs centaines de milliards de couronnes, n’était pas une priorité pour l’Eglise catholique tchèque en ces temps de crise économique. Le cardinal Vlk a en effet indiqué que l’Eglise attendrait une relance économique avant de revenir à la charge.

La cathédrale Saint-Guy
Concernant les autres dossiers, si le concordat avec le Vatican a déjà été signé il y a plusieurs années, il n’a toujours pas été ratifié par le Parlement tchèque. Quant à la cathédrale Saint-Guy, objet d’un interminable différent politique depuis plus de quinze ans, l’Eglise a déposé une nouvelle plainte auprès de la Cour constitutionnelle en mai dernier. Enfin, la loi sur les Eglises, qui doit réguler les rapports entre celles-ci et l’Etat, ne constitue pas une urgence non plus pour les responsables politiques. Un point important pourtant, puisque selon une loi sur le soutien financier aux Eglises publiée par le régime communiste en 1949 au moment de la confiscation des biens, les différentes Eglises tchèques, tout en restant indépendantes de l’Etat, ne sont pas séparées financièrement de celui-ci. Une situation très complexe et paradoxale, comme l’explique le provincial des Dominicains, frère Dominik Mohelník, par ailleurs pessimiste sur la résolution des différents dossiers qui compliquent les rapports entre l’Eglise et l’Etat tchèques :

« Il faut tenir compte du fait que le clergé est payé par l’Etat. Chaque prêtre est donc employé du département religion du ministère de la Culture. C’est une situation qui n’est pas normale. D’un autre côté, l’Eglise doit vivre de quelque chose. Il faut avoir des moyens pour entretenir les monuments historiques, les écoles ou soutenir les œuvres caritatives. Mais c’est une question qui est très sensible au niveau politique. Aucun parti n’a jamais réellement voulu la résoudre. C’est pourquoi tout cela traîne. Et à vrai dire, je ne crois pas qu’elle sera un jour résolu. Je pense plutôt qu’elle va progressivement tomber dans l’oubli. »