Le centenaire d’Henri-Cartier Bresson, l’homme qui a su capter l’importance du moment éphémère
Le père du photojournalisme Henri Cartier-Bresson est né, il y a juste un siècle, le 22 août 1908. Fidèle à l’appareil Leica, l’artiste légendaire a su saisir dans ses photos en noir et blanc d’innombrables drames humaines dans le monde entier et a marqué par sa griffe plusieurs générations de photographes. Parmi eux il y avait aussi l’historienne d’art tchèque Anna Fárová, qui a eu le privilège d’écrire, dans les années 1950, la première monographie de cet artiste.
Henri Cartier-Bresson cherchait à débarrasser sa vision du monde de tout artifice et chacune de ses photos peut être considérée comme un témoignage naturel et profond sur un moment de la vie. C’est en feuilletant la revue d’art Verve qu’Anna Fárová découvre ce photographe et c’est un coup de foudre. Elle l’évoquera beaucoup plus tard au micro de Magdalena Hrozínková :
«Dans cette revue, j'ai vu aussi pour la première fois une photo d'Henri Cartier-Bresson, 'La visite du cardinal Pacelli à Paris'. Elle m'a impressionnée. C'est une photo spontanée, de reportage, mais pour moi, elle ressemblait à une ancienne fresque monumentale. J'ai eu très envie de rencontrer l'auteur. Ce qui s'est fait en 1956, trois ans après la mort de Staline, quand on m'a rendu mon passeport et quand j'ai pu aller voir ma mère en France. Par l'intermédiaire de mes amis, j'ai donc pu rencontrer H. Cartier-Bresson. Je voulais juste lui dire mon admiration, parler un peu avec lui. Il était impressionné par le fait que je vienne d'un pays lointain, que je parle français, que je connaisse un peu la photographie... Il m'a offert quelques-unes de ses photos, des catalogues, il m'a expliqué toute sorte de choses...»
Anna Fárová apprécie non seulement le contenu ‘expressif, sensible et fort’ des photos de Cartier-Bresson, elle lui trouve encore une autre qualité qui le distingue des autres photographes. Il est, pour elle, aussi un compositeur accompli, artiste qui sait créer d’une façon magistrale, et avec rapidité, la composition parfaite de l’image. Elle réussit à éveiller la confiance de ce photographe qui n’aime pas être photographié et donner des interviews. Il met à la disposition de la jeune femme ses photos et lui permet d’écrire sur lui. Anna Fárová est donc autorisée à écrire la première monographie du célèbre capteur d’images. Le livre rédigé en tchèque paraît en 1958 aux éditions Odeon à Prague et retrace l’œuvre et la vie du photographe dans leur continuité :
«Il était fasciné par cette nouvelle formule – la monographie. On oublie qu'à ce moment-là, il était déjà célèbre, connu. Il avait publié des livres énormes, superbement imprimés. Mais jamais une monographie. C'était mon objectif - montrer l'évolution des photographes à travers des monographies jusqu'ici réservées aux peintres, sculpteurs, architectes... Décrire toutes les étapes de leur création, du début jusqu'à la maturité. Dans une monographie, toute la carrière de l'artiste est documentée, on y mentionne ses expositions, ses livres.»
Henri Cartier-Bresson aime beaucoup le livre d’Anna Fárová qui traduit pour lui le texte tchèque en français. Et c’est aussi un succès personnel pour son amie tchèque qui recevra des commandes pour écrire des monographies d’autres grands maîtres de la photo.