Le cinéma tchèque en manque de moyens

Les studios de Barrandov à Prague

Malgré le succès de certains films tchèques à l'étranger, notamment ceux écrits et réalisés par Zdenek Sverak et son fils Jan, "oscarisés" il y a 8 ans avec Kolya, le cinéma tchèque a du mal à trouver sa place sur le marché mondial. La cinématographie tchèque manque de moyens. Ce manque est ressenti à tous les niveaux, et aussi bien pour les longs-métrages que pour les courts.

Les studios de Barrandov à Prague
Arnaud Gourmelen est venu à Prague pour sélectionner des films qui seront programmés cette année du 6 au 14 novembre au festival de courts-métrages de Brest, où la République tchèque sera à l'honneur. Il fait, lui, la distinction entre les films d'animation et le reste de la production nationale:

"Je pense qu'ici, il y a pas mal de moyens donnés aux animateurs. L'animation reste la carte de visite du cinéma tchèque. En ce qui concerne la production de court-métrage en revanche, hormis la FAMU qui dispose de moyens importants, je vois surtout par rapport aux chiffres: en France on atteint presque 400 court-métrages produits par an, alors qu'au marché de Clermont-Ferrand cette année par exemple, il n'y avait pas plus de 15 films tchèques. Mais on espère qu'ils vont à nouveau donner plus de moyens à leur cinématographie."

Redonner des moyens au cinéma tchèque, c'est justement le but du nouveau projet de loi soutenu par le ministre de la Culture. Un projet qui a entre autres pour objet de modifier le financement du Fonds d'Etat de la cinématographie. Tereza Brdeckova est scénariste, ancienne directrice de programme de festival prestigieux comme celui de Karlovy Vary ou le Febio Fest. Elle milite, comme nombre de professionnels du cinéma tchèque, en faveur de cette nouvelle loi. Je lui ai demandé si, selon elle, le cinéma tchèque était en crise:

"Il n'est absolument pas en crise, mais il risque d'y tomber très vite si cette loi n'est pas adoptée."

En quoi consiste ce projet de loi?

"C'est une très longue histoire. Jusqu'à 1991, la cinématographie tchèque appartenait à l'Etat. Le système établi après 1945 fonctionnait avec l'argent de la distribution et de la production. Bien évidemment, tout cela a été privatisé. Après 1992, le film tchèque vivait d'institutions privées et du Fonds de l'Etat pour la cinématographie, qui était renfloué principalement par les recettes tirées des droits des vieux films tchèques, qui appartenaient encore à l'Etat. Le problème, c'est que tout est déjà vendu, l'argent n'arrive plus au Fonds et les dotations sont très faibles. Avec la nouvelle génération de cinéastes, nous avons formulé notre proposition de loi sur le Fonds de la cinématographie, qui pourraient apporter 300 millions de couronnes par an. Pour le moment, le Fonds fonctionne avec seulement 40 millions de couronnes par an. Vu la qualité du cinéma tchèque qui est incontestable, c'est quand même un miracle que ça fonctionne quand même."

Qui devrait financer le Fonds?

"On s'est inspiré de toutes les lois concernant la cinématographie en Europe. Les distributeurs vont financer, ainsi que les producteurs de cassettes et de DVD, et surtout, ce qui provoque le plus de débat, ce sont les 3% prélevés sur la publicité télévisuelle, même sur les chaînes commerciales."

Les principaux adversaires de cette loi sont donc ces chaînes commerciales, et surtout la plus grande, Nova?

"Aussi, oui, et vous pouvez imaginez que c'est un puissant lobbying, même si 3%, ce n'est pas beaucoup."

Vu la composition actuelle de la Chambre des députés, quelle chance donnez-vous à ce projet de loi?

"Je crois au miracle, à l'instar de ce qui s'est passé récemment avec la nouvelle loi sur la redevance audiovisuelle. C'est le gouvernement social-démocrate, en plus on ne demande pas l'argent de l'Etat, mais l'argent de ceux qui gagnent beaucoup sur le cinéma tchèque."