Le crépuscule du parti de l’Aube

Robert Fiala et Tomio Okamura, photo: ČTK
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Les temps sont durs pour l’Aube de la démocratie directe (Úsvit přímé demokracie), la plus petite formation, avec les chrétiens-démocrates, représentée à la Chambre des députés. Alors que certains de ses membres menacent de fonder un nouveau mouvement, son groupe parlementaire vient d’exclure deux députés, dont Tomio Okamura, le fondateur et leader charismatique de ce parti, sur fond de malversations financières.

Robert Fiala et Tomio Okamura,  photo: ČTK
« Jusqu’à présent, ce parti ou ce mouvement n’a que neuf membres et il a un fonctionnement très obscur, manifestement centré autour de Tomio Okamura. Du point de vue de la science politique, c’est moins un parti qu’une sorte d’entreprise politique. »

Grâce à son relatif succès électoral lors des législatives de l’automne 2013, cette « sorte d’entreprise politique », ainsi que le définit le politologue Michel Perottino, va bénéficier de 122 millions de couronnes, environ 4,5 millions d’euros, d’ici au prochain scrutin. Un pactole qui suscite des convoitises et qui expliquent en partie les tourments que connaît le mouvement de l’Aube, lequel accuse pourtant actuellement une dette de 10 millions de couronnes, tandis que son compte en banque n’est garni que d’une douzaine de milliers de couronnes.

C’est dans ce contexte qu’une commission du groupe parlementaire du parti de l’Aube, lequel ne compte sur ses quatorze membres initiaux que trois députés issus réellement de cette formation, a réalisé un audit sur ses finances aboutissant à l’exclusion de Radim Fiala et de Tomio Okamura. Ce dernier se voit reprocher des dépenses exagérées pour sa communication et une utilisation détournée de l’argent du mouvement, dont il est d’ailleurs sommé de rendre une partie. Président du groupe parlementaire, Marek Černoch explique :

Marek Černoch et Tomio Okamura,  photo: Site officiel du parti de l’Aube
« Quand on regarde les sommes qui sont dépensées, on a le sentiment que cela ne correspond pas seulement au paiement d’une société privée de conseil en relations publiques mais que cet argent a aussi été utilisé à d’autres fins. »

Créateur du parti en 2013 après son échec à l’élection présidentielle, Tomio Okamura nie ces accusations en bloc. L’entrepreneur d’origine tchéco-japonaise y voit une manœuvre politique d’anciens membres du parti Affaires publiques (Věci veřejné), dont Vít Bárta :

« Les résultats de cette commission, que je nommerais commission du parti Affaires publiques, me choquent profondément. La semaine dernière, un audit d’une société spécialisée nous a indiqué que toute la comptabilité du mouvement de l’Aube était en règle. Donc, je ne comprends pas que des experts certifiés par l’Etat disent que tout est en règle et qu’une commission du parti Affaires publiques émette quant à elles des réserves. »

Outre ces querelles d’ordre financier, la question de la ligne politique à adopter tiraille également les membres de ce mouvements, dont les sorties racistes et notamment islamophobes n’ont pas été rares ces derniers temps. Michel Perottino :

« A l’origine, l’Aube de la démocratie directe était un parti qui appelait à plus de démocratie directe dans le système politique tchèque. Dans le discours de Tomio Okamura, il y avait souvent certains dérapages, notamment sur la question rom. Dès le début, certains éléments montraient assez clairement que le mouvement de l’Aube était plutôt de tendance populiste. Ces tendances se sont renforcées depuis quelques mois et ce parti a assez nettement dérivé vers une rhétorique beaucoup plus extrême-droite, notamment en utilisant par exemple certaines affiches du parti populiste suisse, qui sont très clairement xénophobes. »

Michel Perottino estime que les lignes de fracture entre les deux camps qui semblent s’affronter au parti de l’Aube restent largement floues. Aussi l’avenir de ce mouvement, porté jusqu’ici essentiellement par la figure de son chef, est incertain :

« Le groupe principalement constitué de députés, qui vient d’essayer d’éjecter Tomio Okamura, s’est manifesté ces dernières semaines comme une plate-forme qui vise à créer un nouveau parti politique, un parti politique qui serait amené à collaborer avec le Front national et avec Marine le Pen en particulier. »

La tête de file de l’extrême-droite française est d’ailleurs annoncée en visite à Prague fin avril à l’invitation de politiciens tchèques, dont Radim Fiala, une occasion de légitimer le mouvement de l’Aube, s’il n’implose pas d’ici là.