Le gouvernement d’Andrej Babiš ne tombera pas vendredi
Sauf coup de théâtre, la coalition gouvernementale dirigée par Andrej Babiš, le président du mouvement ANO, survivra vendredi au vote d’une motion de censure déposée par six formations de l’opposition suite aux nouveaux développements de l’affaire dite du nid de cigognes. Le parti social-démocrate, partenaire mineur au sein du gouvernement et dont les voix seraient nécessaires pour adopter cette motion, a en effet décidé de ne pas participer au scrutin.
Mais, et ce n’est pas nouveau, il y a de l’eau dans le gaz entre la social-démocratie et le mouvement ANO. C’est le moins qu’on puisse dire quand les quinze députés sociaux-démocrates se refusent à voter en faveur de la coalition à laquelle leur propre formation participe. Leur leader, le ministre de l’Intérieur Jan Hamáček estime même que le Premier ministre Andrej Babiš devrait renoncer à ses fonctions :
« Je veux dire que je crois dans le projet de ce gouvernement. Mais aujourd’hui, on ne peut nier le fait que les problèmes d’Andrej Babiš pèsent sur le cabinet. Aussi, la meilleure solution serait que le mouvement ANO se prononce pour ce qu’on pourrait appeler ‘le modèle slovaque’*, c’est-à-dire qu’il nomme un autre Premier ministre. »
La demande n’est pas nouvelle puisque, durant les longs mois de négociations pour former ce gouvernement, au premier semestre de cette année, les sociaux-démocrates ont un temps refusé d’entrer dans une coalition que dirigerait M. Babiš. Cette requête est motivée par les poursuites judiciaires dont le milliardaire et des personnalités liées à son entreprise Agrofert font l’objet dans l’affaire du nid de cigognes, une affaire de détournement présumé de fonds européens pour la construction d’un complexe de récréation en Bohême centrale.
Ce qui est nouveau en revanche, c’est que les sociaux-démocrates se disent prêts à voter la dissolution de la Chambre des députés pour que soient organisées des élections législatives anticipées. L’éventualité est surprenante de la part d’un parti en nette perte de vitesse lors des derniers scrutins et très improbable puisqu’il faudrait pouvoir rassembler les voix de 120 parlementaires. Elle est un non-sens pour le Premier ministre Andrej Babiš :« Je pense que les gens ne veulent pas d’élections anticipées. Pourquoi aurions-nous des élections anticipées ? Notre gouvernement réussit, nous allons bien, la République tchèque va bien. Donc pourquoi irions-nous embêter les gens avec de nouvelles élections ? »
La réponse à la question soulevée par le leader du mouvement ANO n’est pas à chercher dans les résultats bons ou mauvais du gouvernement mais du côté de ses tracas judiciaires. Andrej Babiš est particulièrement mis en cause depuis les déclarations de son fils, il y a deux semaines, qui a affirmé avoir fait l’objet d’un enlèvement vers la Crimée, avec l’idée, pour ses prétendus ravisseurs, qu’il ne puisse pas être interrogé par la police dans l’affaire du nid de cigognes dans laquelle il est également poursuivi. Le Premier ministre, de son côté, parle d’une nouvelle attaque politico-médiatique destinée à l’écarter de la politique et explique que le témoignage de son fils ne serait pas crédible puisqu’il souffrirait de troubles mentaux.
Pour l’opposition en tout cas, l’attitude des sociaux-démocrates serait tout simplement indéfendable. Martin Kupka est le vice-président du parti civique-démocrate ODS :
« Si d’un côté ils disent que le Premier ministre ne devrait pas diriger le gouvernement et que, d’un autre côté, ils sauvent ce gouvernement, c’est vraiment une position étrange, mi-figue, mi-raisin. C’est à l’évidence une décision qui s’apparente à un alibi et qui montre que la social-démocratie est incapable de se positionner clairement. »Toutefois, même si, par un incroyable retournement de situation, l’opposition parvenait à faire tomber la coalition gouvernementale vendredi, le chef de l’Etat Miloš Zeman a déjà fait savoir qu’il chargerait une nouvelle fois M. Babiš de former un nouveau gouvernement. Malgré ses déboires, le milliardaire semble accroché à son poste comme une moule à son rocher.
*Quand il parle de « modèle slovaque », Jan Hamáček fait référence à la démission du Premier ministre slovaque Robert Fico en mars dernier, en lien avec la crise politique provoquée par l’assassinat du journaliste Ján Kuciak. Un autre social-démocrate, Peter Pellegrini, lui avait alors succédé.