Le gouvernement est-il à contre-courant de la conjoncture économique ?
Face au ralentissement économique, le gouvernement tchèque ne tire pas encore la sonnette d’alarme. Certes, les chiffres pour 2009 le disent, la République tchèque maintiendra la croissance. Mais celle-ci connaît une baisse sensible et personne ne peut prévoir son évolution à l’heure actuelle. Dans ce contexte, l’attentisme officiel est-il encore de mise ?
Le ministre des Finances, Miroslav Kalousek, l’a récemment confirmé : aucune intervention budgétaire de l’Etat n’est prévue pour l’instant face à la crise. Il n’exclue pas une « impulsion fiscale ciblée et vraiment opportune » si la situation devait empirer mais il ne faut pas s’attendre, à court terme, à des mesures comparables à celles employées par les économies européennes et américaines. Pour Jaroslav Hubata-Vacek, directeur de la Chambre de Commerce Franco-Tchèque, cette orientation correspond autant à la réalité économique tchèque qu’à une posture officielle.
« Le gouvernement comme le président ont, jusqu’à présent, fait comme si la crise actuelle ne nous concernait pas et qu’elle ne toucherait pas le pays de manière significative. C’est une certaine fierté de la part de Klaus. Nous maintenions des chiffres très louables de croissance, de l’ordre de 4,6 % mais ce ne sera pas le cas pour le 4e semestre et encore moins pour l’année 2009 ».
Dans ce contexte, l’annonce, par le gouvernement, de son projet de réduire les frais administratifs des entreprises, devrait réjouir ces dernières. Mais pour de nombreux analystes, cette mesure n’est pas à la hauteur des enjeux à venir, à savoir une conjoncture économique plus serrée. Certes, avec un taux de croissance d’environ 3,6 % prévu pour 2009, la République tchèque fait figure de bon élève dans l’UE mais le ralentissement est bien là. Pour comprendre la frilosité du gouvernement tchèque face à tout plan de relance, il faut, pour Jaroslav Hubata-Vacek, remonter à l’après Révolution de Velours.
« Si le gouvernement n’annonce pas de mesures telles que l’on voit en Europe ou aux Etats-Unis, c’est que la situation n’est pas encore aussi difficile, mais aussi parce qu’on ne veut pas créer d’engrenage de l’aide. Tous les Tchèques de souviennent de la transition dans les années 90, quand les banques tchèques ont été confrontées à des problèmes sérieux et se sont retrouvées avec des créances irrécouvrables. Finalement, c’est le contribuable tchèque qui a dû payer la facture. Le gouvernement ne veut pas annoncer de subvention pour tel ou tel secteur car cela créérait un précédent et d’autres s’en inspireraient pout demander des aides ».
Face à la crise, les Tchèques seraient-ils demandeurs de social ? Des sondages récents ont montré que l’ODS perdait des partisans au sein des personnes à revenu moyen, qui forment le socle traditionnel de son électorat. Une défaveur qui expliquerait les défaites du parti gouvernemental aux élections régionales et sénatoriales. Les professions les plus concernées par ce revirement sont les professeurs et les personnels de soin. La population reviendrait-elle lentement du rêve consumériste et du crédo ultra-libéral ? Jaroslav Hubata-Vacek :
« La société ne se réveille pas vraiment mais on ressent, parfois et de plus en plus, des réactions de la population ou des journalistes qui désapprouvent les positions de Klaus, qui sont marginales et radicales. La transition a été relativement dure, les gens se sont adaptés et il est vrai que comparé à d’autres pays de l’UE, les Tchèques ne sont pas dans une vision économique d’assistanat » .
Et c’est sans doute ce qui permet au Premier ministre, Mirek Topolanek, d’argumenter très pragmatiquement l’augmentation des prix de l’énergie de 10 % : ce sont les marchés qui définissement les prix et on n’y peut donc rien. Ce qu’il ne dit pas, c’est que les profits de la CEZ, la compagnie nationale d’électricité, reviennent à l’Etat sous forme de dividendes… Aujourd’hui, de Pavel Bém à Václav Klaus, l’utra-libéralisme à la Milton Friedman semble faire l’unanimité. Pour Jaroslav Hubata-Vacek, les divergences sont nombreuses au sein de l’ODS.« Je ne pense pas que les personnes que vous mentionnez fassent l’unanimité au sein de l’ODS. C’est un courant. Mirek Topolanek et une grande partie de son équipe gouvernementale représenteraient le deuxième courant s’il n’y en a pas d’autres. Vaclav Klaus constitue un héritage de plus en plus lourd à porter pour l’ODS, qui n’arrive pas à s’en émanciper ».
Et cet héritage apparaît d’autant plus gênant à la veille de la présidence tchèque de l’UE. Malgré la posture anti-européenne du président tchèque, les bénéfices de l’appartenance à l’Union Européenne sont clairement ressentis dans le pays.« Tout l’ODS n’est pas anti-européen. D’ailleurs, dans les régions tchèques, on ressent au quotidien les bienfaits de notre adhésion à l’UE. Et il ne s’agit pas seulement des fonds et des subventions, il y a aujourd’hui de nombreux liens au niveau régional entre la République tchèque et différents pays européens ».
Pour finir, nous avons voulu connaître l’opinion de Mr Jaroslav Hubata-Vacek sur les risques éventuels de délocalisation des entreprises étrangères basées en République tchèque, pourquoi pas dans les derniers venus dans l’UE, la Roumanie et la Bulgarie. L’heure est à la réduction des coûts et ces entreprises sont, par ailleurs, de grosses pourvoyeuses d’emploi dans le pays. L’enjeu est donc de taille:
« C’est vrai, nous sommes dans un pays où le niveau de vie augmente rapidement. Pour une sous-traitance basique ou des assemblages simples, la République tchèque devient effectivement un pays cher. Mais je ne m’attends pas, à court terme, à des délocalisations rapides. Les entreprises étrangères installées ici doivent d’abord amortir leurs investissements, mais la question se posera au moment où il faudra réinvestir sur le site. Les acteurs économiques réagiront alors sûrement de manière pragmatique. Du côté positif, on mettra dans la balance les avantages que représente, du point de vue logistique, la position géographique privilégiée de la République tchèque en Europe centrale ou la qualité de main d’oeuvre. Mais on regardera aussi les chiffres et les coûts salariaux. Aujourd’hui, certains décident déjà de partir, même s’ils restent des cas isolés. Il y aura néanmoins sans doute un certain flux de départ des investissements à l’est dans les années à venir ».