Le grand blond avec un rouge pif
L’acteur comique français Pierre Richard était à Prague pendant deux jours cette semaine. Cependant il n’était pas là pour un événement en rapport avec le cinéma ou le théâtre, comme on aurait pu s’y attendre, mais pour présenter ‘son’ vin. En effet, l’acteur, célèbre en France comme en Europe pour ses rôles dans de nombreux films humoristiques français, est également vigneron. Depuis 1986 il possède un domaine dans l’Aude, le Château Bel Evêque. C’est donc au restaurant ‘Mon Rouge Pif’ (du nom d’un de ses vins), à Žižkov, qui distribue les productions de son domaine, que nous avons pu le rencontrer. Retour sur une longue carrière avec cet acteur qui a de la bouteille et qui reste très aimé par les Tchèques.
« Ce qui est sûr c’est que le vin finalement représente personnalité de celui qui le fait, comme le film ou la pièce de théâtre qu’il joue reflète en partie la personnalité d’un acteur. Faire du vin, comme c’est moi qui choisit les assemblages avec mon œnologue, les proportions, on peut dire que c’est quelque chose de moi, qui vient de mon goût personnel. Donc il peut y avoir effectivement une ressemblance avec le métier d’acteur où on me bien sûr de soi-même dans un rôle. Deuxièmement l’objectif peut être assez ressemblant dans la mesure où, en jouant au théâtre ou au cinéma, on rassemble des gens qui viennent regarder votre film et vous leur donnez soi du rire soi de l’émotion. Au fond le vin ça se partage comme le cinéma, vous donnez la possibilité aux gens, avec du vin, de sourire, de rire, d’avoir un état d’euphorie qu’on partage avec des amis, et même peut-être d’émotion. Bref, les objectifs peuvent être assez semblables. »
Avec des films tels que ‘La Chèvre’, ou encore ‘Le Grand blond avec une chaussure noire’, l’acteur s’est fait connaître dans des films parmi les plus connu du cinéma comique hexagonal. Mais d’où lui est venue cette envie de faire rire le spectateur ?
« Je crois que c’est inné. On se dit pas qu’est ce que je vais faire, être tragique ou être comique ? On est fait pour, naturellement, on naît comme ça comme on naît avec les yeux bleus ou noirs. Il y en a qui se dirigent spontanément vers le comique, ce qui ne veut pas dire qu’on ne peut pas faire le contraire d’ailleurs. Moi, maintenant, je vais beaucoup plus de films dramatiques, avec beaucoup plus d’émotions. D’ailleurs je trouve ça plus facile. Le comique c’est angoissant finalement, il n’y a rien de pire que de raconter une histoire qui ne fait pas rire quand elle veut faire rire. Alors ce n’est pas franchement un choix, ou alors c’est un choix subconscient. Après je me suis rendu compte que j’aimais bien aussi émouvoir. »Pierre Richard est un des ‘monstres sacrés’ du cinéma comique français, s’exportant bien à l’étranger, à l’instar de Louis de Funès. Son humour repose avant tout sur la gestuelle, sur le rire qui, comme l’explique Bergson, naît d’une soudaine inadaptation du corps à la réalité. Il l’explique lui-même en citant ses influences :
« Oui et non. J’ai été plus proche dans ma sensibilité, quand j’étais jeune acteur, mes goûts allaient faire Charlie Chaplin, Buster Keaton, Jerry Lewis, les Marx Brothers, et en France Jacques Tati. Donc, à part Jacques Tati, j’étais plus proche de ce cinéma qui s’exprime corporellement et dans des situations ou le corps est en action. Et le corps, ce n’est pas gratuit, traduit les sentiments, beaucoup plus avec la gestuelle qu’avec le texte. »Pendant longtemps, il jouera deux personnages, très semblables, et qui apparaissent dans de nombreux films : François Pignon et François Perrin. Archétypes du cinéma français, ils représentent un personnage malchanceux, drôle malgré lui, mais pas forcément naïf selon l’acteur :
« Pas naïf, innocent. Mais l’innocence je l’assume et la revendique jusqu’à l’âge de ma mort. La naïveté c’est mignon jusqu’à douze ans, après ça devient bête. Je souhaite à tout le monde de rester innocent jusqu’à être septuagénaire, c’est une belle qualité. C’est encore la capacité de s’émerveiller. »François Pignon, ou Perrin, serait-il donc une facette du vrai Pierre Richard ?
« Oui, je me suis servi de moi-même pour faire des films. Mon premier producteur m’avait dit ‘tu n’es pas un acteur mais un personnage, cherche au fond de toi-même ton cinéma’. Au fond comme Tati, comme Chaplin, comme Keaton… Je me suis servi longtemps de mon personnage, maintenant de temps en temps je fais l’acteur, je suis les autres. Mais pendant longtemps c’était mon personnage. Et bien sûr mes sources d’inspiration c’était moi-même : ma timidité, mon inadaptation au monde. J’ai toujours été un peu inadapté finalement dans le monde dans lequel je vis, j’ai toujours été un peu à la bordure. Même quand j’étais petit, je n’étais pas complètement installé dans ma famille, j’étais en pension, je n’étais pas installé, et ça c’était plus simple, dans mon rôle d’élève pensionnaire, et même dans le théâtre ou dans le cinéma j’étais en marge, j’ai eu du mal à rentrer dans le contexte. Je me suis servi de tout ça dans mes films. »
Pierre Richard a souvent tenu le rôle titre à côté du très célèbre acteur Gérard Depardieu, qui est, par ailleurs, lui aussi propriétaire d’un vignoble. Richard incarnait donc l’élément comique face à Depardieu qui jouait toujours le rôle de l’homme sérieux, viril et donc moins drôle. Cependant les personnages étaient dépendants l’un de l’autre tant ils se complétaient :« Je n’étais pas plus drôle que Gérard. J’étais drôle grâce à Gérard. Souvent ce qui est drôle ce n’est pas ce que vous faites, c’est le regard des autres qui dit ‘mais qu’est-ce que c’est que ce type ?’. Et Gérard faisait ça très bien. Il me mettait en valeur parce que je dès que je faisais quelque chose, il faisait ‘pffff’, et il fait ça merveilleusement bien. Et moi en regardant le film j’ai passé mon temps à me dire que Gérard m’avait merveilleusement mis en valeur. Et vice-versa probablement d’ailleurs. Et je ne me suis jamais senti plus drôle que Gérard, encore une fois, parce que c’était écrit comme ça. J’ai toujours eu besoin d’un mur dans mes personnages, j’ai eu Bernard Blier, qui était un acteur conséquent, si vous faites tomber un verre de vin par mégarde sur quelqu’un de drôle, ce n’est pas drôle mais si vous faites tomber un verre de vin sur quelqu’un de sérieux, de grave ou de dangereux ça c’est drôle. »
Un acteur qui a donc toujours donné une partie de lui-même dans ses rôles et qui, à l’âge de 77 ans, poursuit toujours une carrière de vigneron. Après ses films, ce sont donc ses vins qui peut-être sauront conquérir les amateurs tchèques qui souhaitent partager un moment de convivialité sous son patronage.