Stéphane Robelin : « J’ai vu Pierre Richard, l’icône de mon enfance, avoir peur de jouer avec Jane Fonda »

'Et si on vivait tous ensemble', photo: Festival du film français

Retour sur les Festival du film français, avec le film « Et si on vivait tous ensemble » de Stéphane Robelin. Réunissant une palette de grands acteurs, tels que Pierre Richard, Guy Bedos, Claude Rich, Geraldine Chaplin, Jane Fonda ou Daniel Brühl, ce film s’intéresse au problème de la vieillesse chez la génération des baby-boomers, de la solitude, de la maladie aussi, mais aussi à la solidarité, à la façon de vivre au mieux les dernières années de sa vie. Radio Prague a demandé au réalisateur Stéphane Robelin la genèse du film.

Stéphane Robelin,  photo: CTK
« J’ai voulu faire un film sur ce thème-là parce qu’il n’était pas du tout traité au cinéma, alors que le vieillissement des populations est un thème de société majeure aujourd’hui. Je trouvais que c’était un sujet intéressant qui touchait beaucoup de gens. Je me disais que si j’arrivais à faire un film plutôt gai, les gens auraient davantage envie d’en parler, de chercher des solutions plus humaines à la fin de vie parce que jusque là ça reste sans évolution. Les problèmes de financement, c’est une chose, mais il y a beaucoup de problèmes de solitude : tout est très déshumanisé pour cette période de la vie, ce qui est dommage car si les gens anticipaient, ils pourraient créer des choses qui leur correspondent. »

Il y a plusieurs personnages dans le film. Est-ce que vous d’abord pensé les personnages et choisi ensuite les acteurs, ou inversement ?

'Et si on vivait tous ensemble',  photo: Festival du film français
« En fait j’ai écrit le rôle de Claude pour Claude Rich. Et les autres sont venus après. Je les ai cherchés en fonction du caractère des personnages que j’avais créés. »

Il y a une sacrée palette d’acteurs…

« Oui, ça faisait partie du projet. Ce n’était pas facile de trouver des financements pour un film qui traite de la vieillesse. On avait peur que les gens n’aillent pas au cinéma voir un film de vieux. Donc c’était important pour moi d’avoir dès le début un beau casting de personnes de cette génération-là, et de faire un film un peu drôle pour que les gens aient envie d’aller le voir. »

Pierre Richard, Guy Bedos, Claude Rich, Geraldine Chaplin, Jane Fonda, c’est incroyable de voir dans votre film toutes ces personnalités du cinéma. C’est des personnes que beaucoup de générations connaissent, qui ont grandi avec ces acteurs. Par exemple Pierre Richard est très apprécié ici en République tchèque. Et puis il y a des icônes, comme Jane Fonda, Geraldine Chaplin. Quelle a été leur réaction lorsque vous leur avez proposé de jouer dans le film ? N’ont-ils pas été effrayés d’être confrontés à leur propre vieillissement, leur propre mortalité ?

« Non, parce que le scénario était plutôt gai, qu’il tournait autour de l’amitié, de la solidarité, qu’il ne racontait pas seulement les difficultés de cet âge-là. Il racontait comment on pouvait encore avoir une vie sexuelle, s’amuser, etc. Ils ont donc trouvé le scénario intéressant pour cela. Et puis, les comédiens ont encore une vie très active, ils sont passionnés par leur métier, le font jusqu’à la fin de leur vie en général. Ils n’ont pas la même vie que les gens qui ne sont pas sur scène à 75 ans. »

'Et si on vivait tous ensemble',  photo: Festival du film français
Vos personnages décident, non pas de créer une communauté hippie, mais par sens pratique et pragmatisme, de vivre ensemble. Au début certains ne le veulent pas. C’est vrai que cela peut paraître effrayant, on a aussi envie de rester chez soi, même si on aime bien ses copains…Ils finissent quand même par habiter dans la même maison. Est-ce que vous vous êtes inspiré de faits réels ? Est-ce une solution envisageable pour éviter la maison de retraite ?

« En fait, ça ne se fait pas vraiment. Il y a peu d’expériences. Par contre, c’est un fantasme collectif très fort. Par contre tout le monde a l’impression d’avoir eu l’idée un jour : sur les trottoirs, à la sortie du film, en France, je voyais que les gens parlaient de cela. C’est une sorte de fantasme qu’il est difficile à mettre en place car c’est assez radical. Là, pour les besoins de l’histoire, il fallait qu’ils aillent jusqu’au bout. Mais on peut trouver d’autres solutions sans aller jusqu’à la communauté totale : se rapprocher, partager des services. Par contre, ce qui existe, ce sont des expériences dans des résidences, où l’on mélange étudiants et personnes âgées, où l’on brasse les générations. Mais sinon, il n’existe pas grand-chose, c’est assez lent comme évolution. Les pays nordiques par contre ont de vraies innovations à ce niveau-là. »

'Et si on vivait tous ensemble',  photo: Festival du film français
C’était une manière de secouer les gens ? De leur dire que le temps file, qu’on va se retrouver à 70 ans et à ce moment-là, que faire ?

« Exactement. Mais c’est aussi une façon de parler à la génération nombreuse des baby-boomers, qui se prennent pour des révolutionnaires parce qu’ils ont fait Mai 68, parce qu’ils pensent avoir changé beaucoup de choses dans la société, ce qui est en partie vrai. Ils arrivent maintenant à la retraite à un âge où ils sont en général encore très en forme. C’est peut-être le moment d’inventer de nouvelles choses. C’est à eux qu’est destiné le message du film en priorité et d’ailleurs, c’était le public en France. »

Il y a évidemment beaucoup de situations cocasses dans le film. Il y a Claude Rich, en éternel séducteur qui continue à aimer les femmes et à vouloir croquer la vie à pleines dents, même s’il n’y parvient plus toujours. Mais le plus drôle, c’est que ce sont les jeunes du film qui semblent les plus vieux, les plus sérieux…

'Et si on vivait tous ensemble',  photo: Festival du film français
« C’est vrai que mes personnages sont plutôt gais, parce que justement ils n’ont plus rien à perdre, qu’ils ont la chance d’avoir une bande d’amis fidèles depuis 50 ans et qu’ils ont envie de profiter de ce qui leur reste. Ils n’ont plus de vie professionnelle, ni d’enfants à charge. Finalement, c’est un bon moment pour s’amuser. D’un autre côté, les enfants héritent du problème : qu’est-ce que leurs parents vont devenir ? Ils se retrouvent à gérer leur vie professionnelle, familiale et les problèmes des parents. Ce film s’adresse à eux aussi… »

Et la génération des baby-boomers est encore optimiste, qui a grandi pendant les Trente Glorieuses. On a l’impression que les jeunes, eux, sont plombés…

« Ils ont grandi avec la crise et toutes les générations d’après ont grandi avec la crise. Les baby-boomers ont connu une sorte de moment utopique, avec une révolution culturelle, des mœurs, et en même temps, le plein emploi. Ce sont eux qui étaient au pouvoir ces dernières années aussi. C’est une génération particulière qui n’a pas connu la crise, car la génération d’avant eux, par contre, a connu la guerre. »

Quels ont été les moments forts du tournage ?

'Et si on vivait tous ensemble',  photo: Festival du film français
« Le moment le plus fort était avant le tournage en fait. Je croise par hasard Pierre Richard près de chez moi, parce qu’il allait chez son oculiste. Je revenais d’une répétition avec Claude Rich et la jeune prostituée. Je lui dis que je venais de faire la répétition avec Claude. Il me dit : ‘Quoi ? Tu répètes avec Claude ? Mais moi, je vais jouer avec Jane Fonda, et tu ne me fais même pas répéter ?’ J’ai donc promis une répétition. J’ai alors vu Pierre Richard, l’icône de mon enfance, avoir peur de jouer avec Jane Fonda. C’était un grand moment d’émotion de les voir jouer pour la première fois ensemble. C’était dans un grand appartement et j’étais seul avec eux. Je les voyais jouer des scènes que j’avais écrites, pour un film que j’essayais de faire depuis des années ! Ces deux comédiens qui se rencontrent de manière improbable grâce à moi, c’est pour le plus grand moment. »

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