Pierre Richard dans un nouveau conte de Noël tchèque
« Vánoční příběh » - « Un Conte de Noël » est le titre d’une comédie romantique projetée actuellement dans les salles tchèques. Un long-métrage dont la distribution réunit une pléiade d’acteurs bien connus du grand public tchèque et dans lequel apparaît aussi, ô surprise ! - Pierre Richard. Cette participation en qualité de « guest-star », la société productrice du film, Europeana Production, la doit non seulement au lien très fort qui unit le comédien français à la République tchèque, mais aussi au responsable de son antenne française et de ses relations internationales Alexandre Pajon, qui a répondu aux questions de Radio Prague.
« C’est un film qui s’apparente à la famille traditonnelle des histoires de Noël produites pour un public tchèque et slovaque, et qui joue avec le genre dans le sens où on a une réalisatrice, Irena Pavlásková, qui n’est pas connue pour se prêter à ce type de films. Elle profite d’un casting incroyable avec Jiřina Bohdalová et tous les grands acteurs tchèques de ces dernières années qui font le show dans un film à la construction somme toute assez classique avec un happy end, mais aussi plein de clins d’œil à l’attention des Pragois. »
« Voilà donc ce qu’il est : un film facilement compréhensible pour un large public avec des acteurs qu’il apprécie, une sorte de gâteau de Noël un peu sucré, avec aussi quelques moments de dérision dans l’idée de renouveler le genre et de surprendre : il y a là un curé défroqué, un homme politique qui dit des insanités à la radio... Bref, un film léger qui fait sourire. Et puis, la cerise sur le gâteau, c’est bien évidemment la participation de Pierre Richard. »
Un film choral avec une succession de petites histoires comme dans la célèbre comédie britannique Love Actually que les chaînes de télé se plaisent à repasser à chaque Noël depuis quelques années...
« Tout à fait, c’est ‘short stories’ aussi si l’on veut. L’histoire, c’est comment quatre familles parviennent à s’entremêler les fils pour finalement toutes se retrouver pour un presque happy end dans une église, parce que c’est un peu le lieu du ‘show final’ de Noël. C’est donc une construction assez rigolote avec une mise en place comme au théâtre qui s’accélère au fil du film. »
« Mais au-delà, ce qui me semble intéressant, c’est de voir comment un film avec une thématique grand public peut renouveler le genre. Le public acceptera-t-il ce côté dérision et jeu ? Un premier élément de réponse est que le public, ce soir, a ri. »
Pour cette avant-pemière, vous avez proposé ce film avec des sous-titres français. Pourquoi donc, alors qu’il s’agit d’un film très ancré dans les traditions tchèques de Noël et donc, a priori, destiné essentiellement à un public tchèque ?
« Je suis persuadé que c’est un film très européen. Déjà, il sera compris dans toute l’Europe centrale, de l’Allemagne à la Pologne en passant par la Slovaquie. Aux yeux du public français, le film, entre la carpe pour le dîner du réveillon ou le Petit Jésus qui amène les cadeaux, sera probablement plus exotique. »
« Néanmoins, nous l’avons traduit en français non seulement parce que nous entendons le proposer à des distributeurs, mais aussi pour que Pierre Richard puisse le voir et l’apprécier. Le cadeau de Noël que nous faisons, c’est que nous organisons une soirée à l’ambassade tchèque à Paris en son honneur (ce samedi 3 décembre) lors de laquelle le film sera projeté. »
« Faire retrouver au cinéma tchèque sa place dans le concert international »
Pierre Richard fait effectivement une courte apparition vers la fin du film. Comment cette participation a-t-elle été possible ?
« On entend parler d’un Patrick dès le début du film sans que l’on sache jamais de qui il s’agit et il apparaît finalement en deus ex machina. En fait, la production, qui avait déjà un casting tchèque d’enfer, souhaitait faire jouer Pierre Richard, qui est une idole en République tchèque. C’est comme ça qu'il fait une apparition de trois à quatre minutes. Le seul problème est qu’il n’a pas pu venir à Prague, car le film a été tourné en plein confinement en raison du Covid. »
« Pierre Richard a donc accepté de tourner dans son propre bureau à Paris, le 4 janvier 2021, et deux équipes tchèques dûment vaccinées se sont rendues à Paris. Cette journée de tournage a été un délice de rigolade, Pierre nous a fait goûter son vin... Le fait que je le connaisse nous a facilité la tâche, mais je pense qu’il était très heureux de pouvoir participer. Pierre Richard adore la République tchèque. »
« Dans le film, son apparition est comme un cadeau de Noël inattendu. C’est l’amour de Jiřina Bohdalová. Ils forment un couple improbable qui se serait rencontré à Cannes en 1968 et va se retrouver un 25 décembre à Prague à l’aéroport Václav Havel. Donc, cette histoire d’amour de 60 ans est un peu un clin d’œil. »
Au-delà de sa grande popularité, d’où vient ce lien très fort entre Pierre Richard et la République tchèque ?
« Pierre Richard a découvert le cinéma tchèque dans les années 1960 et il l’a beaucoup aimé. Avec l’italien, c’était son cinéma préféré et il est capable de vous parler de tous les grands réalisateurs de cette nouvelle vague tchèque de l’époque. Puis il est tombé amoureux de Prague en venant y tourner. Il a découvert la ville et les Tchèques à l’occasion du tournage de la mini-série Sans famille (à la fin des années 1990). Puis il est revenu pour d’autres films et le Festival de Karlovy Vary lui a remis un Globe de cristal pour l’ensemble de sa carrière, un honneur qu’il n’a pas connu ailleurs à l’international. Il se sait donc aimé, et lui aussi rend bien cet amour aux Tchèques. Preuve en est, il leur vend ses vins. Une chose est sûre : il adore venir à Prague et il y a toutes ses habitudes. Il dit même qu’après Paris, Prague est sa ville préférée. »
Le film a été produit par la société tchèque Europeana Production, dont vous êtes chargé de l’antenne française. Quels sont les objectifs de cette boîte ?
« La société s’appelle Europeana parce que c’est un hommage rendu à Patrik Ouředník et à son livre éponyme. L’objectif de cette société qui se veut donc européenne est de sortir de la malédiction qui ferait des producteurs tchèques des gens qui ne font que de la production exécutive. Ma mission consiste à accompagner des projets à l’international de manière à ouvrir certaines portes, tout en portant aussi la casquette de conseiller artistique. »
« Dans le cas présent, il s’agit d’un projet purement tchèque, mais nous travaillons actuellement sur deux autres projets de longs-métrages avec des producteurs et co-producteurs français, belges, slovaques ou allemands. »
« L’idée est ainsi de monter une boîte de production tchèque capable de gagner en légitimité de manière à pouvoir être présent sur le marché international. De proposer des films certes pas art et essai, mais grand public avec une exigence de qualité, qui seraient tournés en République tchèque avec des castings et des réalisateurs internationaux. C’est un coup de pouce à une industrie du cinéma tchèque qui est trop souvent dans une position de sous-traitance par rapport à la production ; un peu comme les voitures Škoda avec Volkswagen. Voilà, c’est ça l’objectif en somme : retrouver une place dans le concert du cinéma européen. »
« Les films tchèques ne se projettent pas suffisamment à l’international »
Vous avez vécu et travaillé en République tchèque pendant plusieurs années. Y a-t-il des films tchèques qui vous ont marqué et qui, selon vous, auraient mérité d’être davantage distribués à l’étranger, en France notamment ?
« C’est effectivement une très bonne question. Personnellement, ce qui m’a le plus surpris, c’est que le cinéma tchèque réussisse à absorber plus de 45 % du box-office en République tchèque. Ensuite, pour 54 %, ce sont les super-productions américaines, et il ne reste que 1 % pour le reste, dont la France, qui est la mieux placée dans ce 1 %... »
« Dans ces 45 % évoqués, il y a beaucoup de films qui sont produits exclusivement pour un public tchèque et qui ne sortent donc pas des frontières. Ce sont généralement des films qui coûtent entre un et deux millions d’euros (jamais plus) et qui se rentabilisent avec les entrées en République tchèque. »
« Honnêtement, parmi ces films, même une production comme Opération Anthropoid n’a pas dépassé cette limite. C’était trop proche d’un remake de film américain. Après, si, un film comme Havel est un très beau film, mais on est sur du politique avec une autre dimension et on ne peut pas prétendre toucher le grand public avec. Et là, dernièrement, je suis allé voir Il Bomeo de Petr Václav, mais c’est un film d’art et d’essai qui, certes, a le potentiel pour sortir des frontières, mais, encore une fois, n’y trouvera probablement pas un grand public. »
« Tout ça pour dire que de très bons films sont tournés en République tchèque, mais ce que j’y ai vu de mieux en termes de talent et de recherche, c’est dans le documentaire, le court et le moyen-métrage. Je vois un talent fou quand je vais au Festival de Jihlava. Mais dès qu’on entre dans une production plus lourde, il y a une sorte d’étouffement. Je pense que c’est lié au fait que ces films ne se projettent pas à l’international. Leur seul but est d’atteindre le public tchèque. »
« C’est donc l’enjeu avec Europeana : ne pas se contenter de 500 à 700 000 entrées sur un marché de 15 millions d’habitants en comptant la Slovaquie. À nos yeux, ce n’est pas satisfaisant et c’est pourquoi il faut sortir de ces films certes bien faits mais trop historiques ou trop politiques, trop narratifs et trop didactiques, si on veut trouver preneur à l’étranger. »
Chaque année à l’approche de Noël, au moins un nouveau conte tchèque sort dans les salles, très souvent avec le même succès. Certains de ces films vous ont-ils tapé dans l’œil ?
« Ce qui m’impressionne en regardant les télés tchèques et slovaques, c’est de voir que le public ne se lasse pas des films des années 1960 et 1970 avec des histoires de princes et de princesses. Je me souviens d’un conte de Noël il y a quatre ou cinq ans qui était tellement enfantin et puéril... En France, cela ne passerait pas, tandis qu’ici j’ai vu les gens retomber en enfance avec bonheur. Il y a donc une attente pour ce type de productions qui est nourrie par ce que repassent les télés et aussi par de grandes figures. »
« Je suis en train d’explorer tout le patrimoine cinématographique d’avant 1980 et je vois des films tchèques et slovaques incroyables. Je prépare d’ailleurs un festival à Tanger pour pouvoir les montrer. En revanche, mener un tel travail sur les productions plus récentes me semble plus difficile. »
« Pour répondre plus concrètement à votre question, je suis fasciné par la manière dont les pays d’Europe centrale et orientale, pendant et après le communisme, ont pu garder une relation aussi forte avec la féérie. Cela provient de leur relation avec la nature, mais aussi de leur relation avec l'héroïque et le fantastique anglo-saxons. Les figures des ondines dans les marais et autres personnages fantastiques dans les forêts n’ont jamais disparu. C’est une relation dont nous avons assez peu conscience en dehors des pays d’Europe centrale, mais je trouve cela touchant. »