Le groupe chinois CITIC devient actionnaire majoritaire du plus gros groupe de presse tchèque

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En pleine crise de coronavirus et alors que la Chine est actuellement critiquée pour son opacité sur la gestion de la crise sanitaire, la nouvelle du rachat d'une majorité des parts du groupe de presse tchèque Médea par le groupe d'investissement de l'Etat chinois CITIC aurait pu passer inaperçue. Elle a été révélée par le site de surveillance des médias Hlídací Pes et réveille à nouveau les craintes de tentatives de Pékin d'influencer le discours médiatique le concernant et de faire valoir ses intérêts.

Jusqu'alors actionnaire minoritaire du groupe de presse Médea (30%), le groupe d'investissement chinois CITIC, une société d'Etat, vient donc de racheter 57% des parts, via sa société Rainbow Wisdom Investment, créée pour les investissements de la Chine en République tchèque. CITIC est donc désormais actionnaire majoritaire du groupe, le deuxième actionnaire minoritaire étant l'entrepreneur tchèque Jaromír Soukup. Ce dernier reste toutefois actionnaire majoritaire d'Empresa Media, une des sociétés du groupe de presse, qui possède la chaîne de télévision TV Barrandov ainsi que le magazine Týden.

Selon le site Hlídací Pes, ce rachat ouvre à la société d'Etat chinoise une voie royale d'influence sur le marché des médias tchèques : ceux-ci sont en effet largement dépendants des revenus de la publicité, or le groupe Médea est le principal acteur du pays dans le domaine, intermédiaire incontournable entre les entreprises et les médias. D'après le site Hlídací Pes, ce sont quelque 3 milliards de couronnes de budget publicitaire qui sont gérés chaque année par Médea, rachetée au début des années 1990 par Jaromír Soukup et qui est à l'origine de sa place de choix sur le marché. Ainsi l'attribution des publicités en fonction de la position des médias sur la Chine est une des principales choses à craindre, selon le site.

Deux personnages d'influence sont, d'après Hlídací Pes, les principales chevilles ouvrières de ce rachat : l'ancien ministre de la Défense (parti social-démocrate ČSSD) et actuel président du club de foot Slavia (propriété d'un investisseur chinois) Jaroslav Tvrdík et le lobbyiste et proche conseiller du président Miloš Zeman (aux opinions pro-chinoises affichées), Martin Nejedlý.

Les deux hommes, ainsi que le chancelier du président tchèque, Vratislav Mynář, s'étaient rendus en Chine en mars dernier, alors que toutes les liaisons aériennes directes avec le pays avaient été suspendues pour cause de coronavirus. Le but officiel du voyage était notamment de proposer une aide à la Chine dans la lutte contre l'épidémie. Un voyage qui avait créé la polémique, le gouvernement tchèque affirmant n'avoir pas été mis au courant de ce déplacement.

Selon l'économiste Lukáš Kovanda c'est la première fois depuis 1993 qu'une entité étatique acquiert une telle position majoritaire sur le marchés tchèque des médias : « Le groupe CITIC dépend du ministère des Finances chinois. Des médias tels que la Télévision tchèque ou la Radio tchèque ont un statut d'entité publique et non étatique. Il s'agit donc là d'une situation totalement nouvelle. On peut supposer que l'influence de la Chine sur la scène médiatique tchèque va augmenter de manière significative. »

La nouvelle s'inscrit dans un contexte où les services de contre-espionnage tchèque mettent en garde contre l'intensification des activités des services de renseignement chinois en République tchèque et contre les stratégies mises en œuvres par Pékin pour influencer le discours concernant la Chine.