Le Jacobin ou l’école de la vie

Jacobin, photo: CTK
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Le Jacobin, opéra qui est une des plus grandes réussites scéniques d’Antonín Dvořák, revient au répertoire du Théâtre national de Prague. La première de cette nouvelle production, le 8 octobre dernier, a été très applaudie par le public. Les critiques, eux, lui ont réservé un accueil mitigé.

Jiří Heřman,  photo: Théâtre national
Pour le metteur en scène de cette production du Théâtre national Jiří Heřman monter cet opéra était un retour dans sa jeunesse :

« Je suis originaire d’un bourg appelé Chlum près de la ville de Třeboň en Bohême du Sud. Et le milieu dans lequel j’ai vécu, évoquait pour moi exactement le sujet de cet opéra. C’est un bourg où il y a une vieille école, une église dédiée à la Vierge et un château. C’était donc mes premiers rêves de metteur en scène. »

Jacobin,  photo: CTK
L’histoire du Jacobin est située dans une petite bourgade tchèque à la fin du XVIIIe siècle. Ce petit monde avec une église, une école et un château est bouleversé par l’arrivée d’un étranger suspect. Il s’avère bientôt qu’il s’agit de Bohuš, fils déshérité du seigneur du château, qui revient incognito de France avec sa famille pour demander pardon à son père. Il n’a pas été complice des Jacobins, comme on aimerait le faire croire, mais leur victime et a échappé de justesse à la guillotine. Il se heurte cependant aux intrigues de son cousin Adolf qui est en passe de devenir héritier universel du vieux comte et cherche à se débarrasser par tous les moyens de son rival. Après une série de péripéties dramatiques, de coups de théâtre et de situations comiques le drame aboutit à un heureux dénouement.

Jacobin,  photo: CTK
Le compositeur et sa librettiste Marie Červinková-Riegrová ont réussi à créer dans cet opéra toute une série de personnages hauts en couleurs et pleins de vie dominés par le maître d’école Benda. Cet homme agile est une incarnation de générations de maîtres d’école et de chœur qui ont jeté les fondements de la gloire de la musique tchèque. Il prépare et répète avec ses élèves une cantate qu’il a composée pour le comte. Antonín Dvořák a saisi cette occasion pour faire de la scène de la répétition une des pages les plus irrésistibles et les plus aimées de l’art lyrique tchèque. Pour Jiří Heřman, le maître Benda est le personnage clé de la conception scénique de cet opéra :

« Avec le scénographe Pavel Svoboda nous avons basé notre conception sur l’espace d’une école, d’une classe. La classe se prolonge jusqu’à la salle du Théâtre national. Les spectateurs entrent donc dans une classe et partagent la vie des écoliers. Nous regardons tout par les yeux d’un écolier, les yeux d’un maître d’école. (…) Nous apprenons pendant toute notre vie. Pour moi c’est donc l’école de la vie. Le regard que le maître d’école jette sur toute cette histoire est, je pense, décisif pour notre conception. »

Jacobin,  photo: CTK
Pour réaliser cette vision originale de l’opéra, le scénographe a imaginé une classe pleine de chaises de toutes tailles, des minuscules aux gigantesques, qui suppléent aux décors, illustrent l’action et même les caractères et la situation sociale des personnages. Sous cet angle de vue, l’opéra devient un grand jeu, un divertissement plein de trouvailles et de surprises qui éclipse parfois l’intrigue principale, source de la force et de la tension dramatique de l’œuvre. C’est d’ailleurs ce qu’une partie de la critique reproche à cette dernière production du Théâtre national. Le public associé au spectacle jubile sans chercher dans cet opéra comique le drame que le compositeur et sa librettiste y ont pourtant déployé. Certes, nous sommes tous élèves éternels de la vie, mais Le Jacobin reflète aussi les grands thèmes du monde adulte – la faute, le pardon et la trahison.