Le ministre de la Santé sommé de démissionner
Photos à l'appui, le tabloïd Blesk révèle ce vendredi que le ministre de la Santé Roman Prymula s'est retrouvé tard mercredi soir dans un restaurant pragois - et sans masque, en dépit des mesures sanitaires qu'il a lui-même imposées. Les appels à la démission se sont multipliés depuis, et le Premier ministre lui-même a fait savoir qu'il lui cherchait d'ores et déjà un remplaçant. Le principal intéressé a rejeté toute faute et a fait savoir qu'il ne démissionnerait pas.
Mercredi soir, Roman Prymula était en compagnie de Jaroslav Faltýnek, président du groupe parlementaire du parti ANO et bras droit du Premier ministre Andrej Babiš, ainsi que du directeur de l'Hôpital universitaire d'Ostrava Jiří Havrlant. Propriété du groupe du milliardaire Daniel Křetínský, le tabloïd Blesk note également que le ministre de la Santé ne portait pas de masque en entrant et en sortant du restaurant qui, selon les mesures sanitaires en vigueur, devrait être fermé.
Loué pour sa gestion de la crise sanitaire au printemps dernier, l’épidémiologiste Roman Prymula a été rappelé à la rescousse en septembre, suite à la démission de son prédécesseur Adam Vojtěch, et alors que la République tchèque faisait face à une croissance exponentielle des cas de Covid-19.
Ces derniers jours, Roman Prymula a appelé les Tchèques à rester chez eux au maximum. Le ministre est l'artisan du reconfinement de la population face à la recrudescence du virus et au risque d'effondrement du système de santé. Parmi les mesures déjà en vigueur avant le rétablissement de ce confinement, la fermeture des restaurants qui ne peuvent officiellement que proposer de la vente à emporter.
Les appels à la démission se sont multipliés depuis ce vendredi matin dans les rangs de l'opposition qui a notamment émis l'idée d'un vote de confiance au Parlement, à la fin de l'état d'urgence.
Au sein même du gouvernement, le comportement du ministre de la Santé a également suscité la désapprobation. Le Premier ministre Andrej Babiš s'est exprimé sur l'incident dans le cadre d'une conférence de presse express organisée en fin de matinée ce vendredi. « Un choc », c'est ainsi qu'il a qualifié les révélations concernant la réunion de son ministre de la Santé, estimant que ce qui s'était produit était « impardonnable » et que les membres du gouvernement devaient « donner l'exemple ».
Le Premier ministre a fait savoir qu'il allait demander au ministre de la Santé de démissionner – sinon qu'il le révoquerait – et qu'il allait en discuter avec le chef de l'Etat. De même, il a dit attendre une décision similaire de Jaroslav Faltýnek quant à sa vice-présidence du parti ANO. Plus tôt, ce dernier s'était excusé publiquement devant les députés pour cette réunion contrevenant aux mesures sanitaires en vigueur.
Andrej Babiš a également déclaré qu'il cherchait actuellement un remplaçant à Roman Prymula, avec pour objectif que le « nouveau ministre soit présent dès lundi au Conseil des ministres ».
Alors que dans un entretien pour l'hebdomadaire Respekt, ce vendredi matin, Roman Prymula avait affirmé qu'il était prêt à démissionner « si le public le veut », il a rejeté cette éventualité en début d'après-midi, à l'occasion d'une conférence de presse où les journalistes n'ont pas eu la possibilité de lui poser des questions.
« Je n'ai pas l'intention de démissionner. Evidemment, le Premier ministre peut décider de ma révocation, » a déclaré à cette occasion le ministre de la Santé. « Je n'ai enfreint aucune règle, » a-t-il estimé, soulignant que la rencontre incriminée s'était déroulée dans les « espaces privés » du bâtiment capitulaire de Vyšehrad, et non dans un restaurant, comme il l'avait pourtant reconnu dans l'entretien accordé plus tôt dans la journée à Respekt. Roman Prymula a également précisé que les faits qui lui sont reprochés se sont déroulés la veille de l'entrée en vigueur des principales mesures de reconfinement.
Le Premier ministre Andrej Babiš doit se rendre ce vendredi à 16 heures au Château de Lány afin de discuter avec le président tchèque du scandale qui agite la scène politique tchèque.
Si le Premier ministre tchèque choisit effectivement de révoquer son ministre de la Santé, comme il l'a laissé entendre ce vendredi, le dernier mot en reviendra au chef de l'Etat Miloš Zeman dont les décisions ont, par le passé, pesé dans la balance lors de la nomination ou de la révocation d'un ministre.
Membre de la coalition gouvernementale, le vice-Premier ministre et ministre de l'Intérieur Jan Hamáček (ČSSD) avait estimé plus tôt que le ministre de la Santé avait perdu toute crédibilité en ne respectant pas ses propres décisions en matière de mesures sanitaires et ne pouvait donc plus exercer ses fonctions. Pour Jan Hamáček, cette attitude est méprisante vis-à-vis des milliers de personnes qui, en première ligne, luttent contre la pandémie et sauvent des vies. « Les règles sont valables pour tout le monde sans exception, (…) il est impossible que le gouvernement et la coalition gouvernementale soit représentés par des personnes qui ne respectent pas les mesures de ce même gouvernement, » a-t-il réagi dès les premières heures pour l'agence de presse tchèque ČTK.