Le mouvement néo-nazi tchèque se professionnalise

Photo: Štěpánka Budková

Environ 4 000 militants néo-nazis opéreraient en République tchèque. C’est ce qui ressort d’une étude commandée par le ministère de l’Intérieur auprès de spécialistes de l’extrémisme. Le noyau dur d’activistes serait composé de quelque 400 éléments, parmi lesquels une quinzaine de personnes qualifiées de leaders de ce mouvement. Toujours selon ce document, le nombre d’agressions dont sont victimes les membres de la minorité rom du pays devrait augmenter dans les prochaines années.

L’étude qui vient d’être publiée par le ministère de l’Intérieur a été élaborée à la fin de 2011, en réaction aux tensions ethniques contre la population rom qui ont éclaté l’été dernier en Bohême du Nord. L’un des objectifs des spécialistes était de décrire les nouvelles tendances du mouvement néo-nazi en République tchèque. L’auteur de l’étude et politologue à l’Université Masaryk de Brno, Miroslav Mareš, explique :

« Les néo-nazis ont surtout tendance à s’adresser au grand public. Il y a toujours des personnes qui émergent sur la scène néo-nazie et qui veulent être, dans ce sens, meilleurs que leurs prédécesseurs. Je ne pense pas que l’extrémisme constitue une menace plus importante que dans les années 1990 par exemple, car à cette époque-là, le nombre d’actes de violence était beaucoup plus élevé qu’à présent. Je dirais plutôt que la scène néo-nazie se professionnalise et qu’elle se prépare à une éventuelle crise en Europe. »

Photo: Štěpánka Budková
Depuis les années 1990, à l’époque des premières attaques contre les Roms et les anarchistes notamment, les néo-nazis tchèques se sont peu à peu détachés du mouvement skinhead pour infiltrer les milieux politiques via des formations nationalistes et extrémistes. Après la dissolution, en 2010, par la justice tchèque, du principal parti extrémiste dans le pays, le Parti ouvrier, les sympathisants de l’idéologie nazie se sont tournés vers des partis nationalistes tels que le Parti ouvrier de la justice sociale (DSSS) ou La Jeunesse ouvrière.

Ces formations, qui se prennent pour les défenseurs de la justice et de l’ordre, développent alors un discours axé sur les inégalités sociales et nourri par une certaine ambiance xénophobe et anti-rom au sein de la société tchèque. Miroslav Mareš précise :

« Les néo-nazis profitent de la montée générale des tensions ethniques dans la société tchèque pour obtenir un soutien politique et pour conquérir de nouveaux sympathisants. Ils sont aussi de plus en plus forts du fait de la collaboration internationale. Nous voyons bien que dans certains pays, même les mouvements radicaux d’extrême droite peuvent accéder au pouvoir et avoir le soutien de l’opinion publique. C’est par exemple le cas de la Hongrie qui inspire non seulement les néo-nazis, mais aussi les nationalistes tchèques. »

Le rapport sur le mouvement néo-nazi évoque également d’éventuelles attaques terroristes auxquelles pourraient avoir recours certains militants. Miroslav Mareš :

« Je ne pense pas qu’il existe, en République tchèque, une menace terroriste comparable au terrorisme islamiste. On peut difficilement imaginer les néo-nazis tchèques placer une bombe dans un endroit public. C’est plutôt le terrorisme sélectif, donc qui vise des personnes concrètes, qui pourrait les attirer. »

Les spécialistes tchèques de l’extrémisme incitent les autorités à lancer des programmes de sensibilisation dans les écoles (certains ont déjà été mis en place par l’ONG People In Need) et à traduire en justice les auteurs d’attaques motivées par la haine raciale ou homophobe. La police enregistre environ 300 attaques de ce genre par an.