Le mouvement ultraconservateur D.O.S.T. contre la deuxième édition de la Prague Pride

Prague Pride 2011

De lundi à dimanche prochain aura lieu dans la capitale tchèque la deuxième édition de la Prague Pride, un évènement déjà majeur pour les militants ou sympathisants LGBT (Lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres), puisque près de 25 000 personnes y avaient participé l’année dernière. Les organisateurs espèrent en réunir au moins autant cette année et faire découvrir des populations souvent méconnues telles que les Roms LGBT. Cependant, comme en 2011, des mouvements ultraconservateurs font également parler d’eux, à l’image de l’initiative D.O.S.T. qui souhaite organiser une contre-manifestation pour, prétend-elle, « défendre la fierté des gens normaux »…

Prague Pride 2011 | Photo: Anne-Claire Veluire,  Radio Prague Int.
La première édition de la Prague Pride, qui se voulait être « un festival de la tolérance » et avait mobilisé de nombreux manifestants dans une ambiance festive et détendue, avait été une vraie réussite. Fort de ce succès, les organisateurs espèrent réunir encore plus de monde et informer sur les problématiques et parfois les discriminations qui touchent les personnes LGBT en République tchèque. Le festival se déroule du 13 au 19 août et propose un riche programme : des expositions, du théâtre, des projections de films, des conférences, et le clou du spectacle, le samedi 18, la fameuse parade qui partira de la place Venceslas pour rejoindre l’île Střelecký sur laquelle se tiendra une série de concerts. L’ambition affichée cette année est de porter l’accent sur des thématiques peu connues, parfois même au sein des mouvements LGBT. Programmatrice en chef du festival, Hana Kulhánková apporte quelques détails sur les sujets développés :

Hana Kulhánková
« Nous aurons des soirées à thème sur tous les éléments qui composent notre mouvement, tels que l’homosexualité rom. Il y aura de nombreux débats et nous aurons des projections de films sur les personnes qui sont lesbiennes et handicapées. »

En tout, une trentaine de manifestations sont organisées. L’association PROUD, plate-forme pour l’égalité des droits, la reconnaissance et la diversité, a attribué son prix bePROUD 2012 à la Prague Pride. Selon Lukáš Sapík, l’un des organisateurs de l’évènement, seule une forte médiatisation permet à certaines personnes LGBT de combattre leur sentiment d’exclusion et force le monde politique à accepter la réalité d’une société aux identités sexuelles multiples :

Lukáš Sapík
« La Prague Pride a vraiment eu un accès aux médias unique. Cela a fait réagir beaucoup de politiques, et grâce à cela, de nombreuses personnes sont tout simplement venues. »

De nombreux politiques avaient en effet réagi, mais certains pour s’élever contre la tenue du festival. Le président Václav Klaus lui-même s’était exprimé. S’il n’a« rien contre les homosexuels », il dénonçait tout de même un évènement qui ferait l’apologie de l’« homosexualisme », un néologisme désignant « la promotion de l’homosexualité contre l’hétérosexualité ». Ce à quoi le journaliste, écrivain et dramaturge Karel Hvížďala répondait sur les ondes de Radio Wave : « Ne nous inquiétons pas de Klaus, mais du klausisme ». A nouveau des voix s’élèvent contre la deuxième édition de la Prague Pride, souvent les mêmes. Le mouvement D.O.S.T. est à la pointe de ce combat réactionnaire. D.O.S.T., ce sont les initiales de foi, objectivité, liberté et tradition ; un vaste programme, le tout signifiant « assez ». En 2011, l’ancien président de ce mouvement, le très controversé Ladislav Bátora, qui a un temps été candidat pour un parti d’extrême-droite, mais aussi fonctionnaire du ministère de l’Education et soutenu par Václav Klaus, expliquait son opposition à la Prague Pride :

Václav Klaus et Ladislav Bátora
« Je suis d’avis que dans une société conservatrice, la question de la lutte pour les droits des homosexuels, que nous appelons « homosexualisme », ne devrait pas être soutenue. De plus, ce qui nous déconcerte, c’est que le maire de Prague patronne une telle manifestation, alors qu’il appartient au parti ODS, qui se déclare conservateur. »

D.O.S.T. - défendre la fierté des gens normaux
Cette année à nouveau, ce mouvement, proche de l’extrême-droite et des catholiques intégristes, qui défend « la famille traditionnelle » et s’oppose au droit à l’avortement et à la liberté de définir son orientation sexuelle, souhaite organiser une contre-manifestation à la Prague Pride. Sans doute par provocation, ses responsables ont demandé au maire de Prague, Bohuslav Svoboda, de patronner cette marche. Celui-ci a refusé. Il avait d’ailleurs déjà précisé qu’un évènement promouvant la tolérance à Prague était une bonne chose. Les militants de D.O.S.T. ont fait la même demande auprès du Premier ministre, Petr Nečas. L’enjeu du mouvement est sans doute d’acquérir une certaine légitimité en se positionnant dans le sillage d’une droite conservatrice modérée. Les organisateurs de la Prague Pride ont déclaré ne pas être surpris et qu’ils s’attendaient à ces expressions de haine et d’intolérance. Mais si le festival rencontre le même succès que l’année dernière, celles-ci passeront inaperçues.