Le philosophe Jan Sokol reçoit le prix Vize 97
Philosophe, professeur d’université, ancien ministre et candidat à la présidence du pays en 2003, Jan Sokol a reçu le prestigieux prix Vize 97 (Vision 97), décerné par la fondation de Dagmar et Václav Havel. Cette récompense prestigieuse a pour but de présenter au grand public les grands penseurs et scientifiques de notre siècle. Jan Sokol qui en est le 18e lauréat succède au palmarès à Umberto Eco, Julia Kristeva, Zygmunt Baumann ou Andrew Lass.
Jan Sokol travaille d’abord comme orfèvre et technicien, il étudie ensuite les mathématiques pour se consacrer enfin à la philosophie chrétienne, à l’étude des religions et à l’anthropologie philosophique. Il traduit en tchèque les œuvres de Teilhard de Chardin et participe à la traduction œcuménique de la Bible. Influencé par son beau-père, le philosophe Jan Patočka, Jan Sokol se familiarise avec le milieu dissident formé autour de Vaclav Havel, participe à des séminaires organisés secrètement dans des appartements et devient un des premiers signataires de la Charte 77. Au micro de Radio Prague, il se souvient :
« On ne peut pas comparer ma position au sein de la dissidence tchèque avec celle de Vaclav Havel. Je ne faisais pas partie du cercle étroit de ses amis et collaborateurs, mais je me souviens de nos nombreuses rencontres et ce sont de beaux souvenirs. Havel était un homme calme, ouvert et très amical. J’ai gardé un souvenir particulier d’une de nos rencontres qui date du début des années 1990. Par un concours de circonstances, nous étions tous étions tous deux aux Etats-Unis, Václav Havel était alors invité au Congrès américain, à Washington. Nous nous sommes croisés en ville. Mes amis qui m’ont accompagné étaient fascinés par le fait de voir Havel marcher seul dans la rue ! Ensuite, nous avons eu une très belle conversation avec lui sur les Etats-Unis, sur les sociétés tchèque et américaine. »Après la chute du communisme en 1989, Jan Sokol co-fonde la Faculté des études humanitaires de l’Université Charles, dont il est le vice-doyen et où il continue à enseigner. En 2008, il est invité à donner des conférences à l’Université de Harvard. La fondation des époux Havel a distingué Jan Sokol entre autres pour sa contribution à la liberté de la parole dans son pays. C’est justement la notion de liberté qui a été au cœur de son discours prononcé à l’occasion de la remise du prix. On écoute Jan Sokol :
« La question de liberté, même si elle peut paraître triviale, est très importante et actuelle. Son côté moins connu, c’est, pour ainsi dire, son rebours : la liberté des autres. Celle-ci représente un risque, même un danger pour l’individu. Il faut veiller à ce qu’il y est un équilibre au sein d’une société, en équilibre entre la liberté de l’individu et le sentiment du risque du côté des autres. »Une autre question qui a fait, quant à elle, la une de l’actualité tchèque cette semaine, marquée par le 80e anniversaire de la naissance de Václav Havel : le message de l’ancien président, est-il encore présent en République tchèque ? Jan Sokol :
« Je ne suis ni sociologue, ni prophète, je ne sais pas ce que pense la société tchèque. Je pense que ce que Havel a voulu transmettre aux Tchèques reste valable. Peut-être que son message est encore plus actuel aujourd’hui. La situation dans le monde évolue et il y a quelques années encore, le danger de la propagande russe par exemple n’était pas si évident. Dans ce contexte, il me semble important de rappeler et répéter les propos de Havel. »
Terminons sur un ton un peu moins grave : brillant intellectuel qu’il est, Jan Sokol passe, depuis un certain temps, ses soirées à écrire des articles de la fameuse encyclopédie en ligne, la Wikipedia. Il a même initié un projet qui encourage les autres séniors tchèques à transmettre, de cette manière, leur culture à la jeune génération. Jan Sokol :« Le soir, quand je suis trop fatigué pour rédiger des articles philosophiques, j’écris des articles pour la Wikipedia qui est toujours sous-estimée en tant que source d’information de la jeune génération. Pourtant, elle est utilisée massivement, tant pas les étudiants que par mes collègues enseignants. La moitié de mes collègues l’utilisent, mais ne veulent pas en parler, car, évidemment, il existe une certaine réticence dans le milieu académique envers cette encyclopédie en ligne. Or je crois qu’il vaut mieux corriger les fautes qui existent sur la Wikipédia qu’interdire aux étudiants de l’utiliser. En fin de compte, c’est une source d’information légitime. »