Le pragmatisme économique contre le respect des droits de l’homme ?
Si la République tchèque possède une bonne réputation quant à la protection des droits de l’homme, cette réputation pourrait se trouver entachée suite aux déclarations du chef de l’Etat, Miloš Zeman, ce jeudi. En effet, celui-ci a fait savoir que la République tchèque ne devrait pas entraver les exportations croissantes et les investissements des entreprises tchèques par une politique excessive de la protection des droits de l’homme. Ce à quoi, le ministre en charge des droits de l’homme et de l’égalité des chances, Jiří Dienstbier, a aussitôt réagi.
« Je suis quelque peu inquiet par le fait que des investissements à destination de l’Ouzbékistan ainsi qu’à destination d’autres pays soient menacés par une politique, qui se dit ‘politique de protection des droits de l’homme’. A cause de cela, nous perdons d’éventuels contrats tout à fait inutilement. »
Par cette déclaration, le chef de l’Etat a fait allusion aux événements qui ont entouré la visite prévue du président ouzbek Islam Karimov à la fin du mois de février, une visite qui avait été boycottée par de nombreuses organisations non gouvernementales tchèques. Le président ouzbek avait de ce fait annulé lui-même sa visite officielle, au grand regret du chef de l’Etat tchèque, pour lequel cette visite aurait pu faire signer des contrats d’un montant total de 15 milliards de couronnes, soit 560 millions d’euros. Mais face à la situation dramatique en Ukraine, envahie par des forces militaires russes, et face aux discussions proliférant au sein de l’UE, liées aux éventuelles sanctions économiques à l’égard de la Russie, il paraît évident que ces paroles se révèlent être une épine dans l’œil. Le président de l’Etat prône clairement un pragmatisme économique au détriment de la protection des droits de l’homme, un des domaines fondamentaux de la politique extérieure tchèque. Suite à ces déclarations le ministre en charge des droits de l’homme, le social-démocrate Jiří Dienstbier, a réagi sur-le-champ :
« Avant tout, je ne crois pas qu’il s’agisse d’une bonne chose que de mettre en contradiction le commerce et la protection des droits de l’homme. Je considère les droits de l’homme comme faisant partie d’une valeur universelle et il serait quelque peu égoïste si nous souhaiterions faire du commerce à leur détriment. Car si nous sommes indifférents au fait que dans certains pays, des personnes soient torturées, que des opposants politiques soient exécutés, ou que des personnes vivent dans des conditions absolument misérables, alors je ne pense vraiment pas que ce soit une attitude acceptable d’un point de vue moral. »Si une contradiction évidente surgit entre la prise de position du chef de l’Etat et celle du ministre Jiří Dienstbier, toutefois ce dernier ne considère pas que les paroles de Miloš Zeman puissent nuire à la République tchèque. Jiří Dienstbier a également souligné le fait que si l’opinion du chef de l’Etat était quelque peu égoïste, la République tchèque, de fait de sa tradition et de son expérience, ne peut ignorer les valeurs que sont les droits de l’homme. Jiří Dienstbier :
« Je crois qu’il n’est pas possible de mépriser la dignité humaine seulement à des fins commerciales. Et comme je l’ai déjà dit je ne vois aucune contradiction entre ces deux domaines. La politique du nouveau gouvernement est très consistante à l’égard de la protection des droits de l’homme, et ce, que ce soit dans la politique intérieure ou dans la politique étrangère. »
Le Premier ministre Bohuslav Sobotka a, quant à lui, tenu à assurer que la République tchèque était en mesure de soutenir l’exportation et de respecter les droits de l’homme en même temps. Par ailleurs, l’ancien ministre des Affaires étrangères, Karel Schwarzenberg, a recommandé à Miloš Zeman de se rendre un mois en prison en Ouzbekistan ou en Iran, afin d’assumer pleinement ses propos.