Le premier ministre Petr Nečas invité à sauver sa face

Pavel Drobil et Petr Nečas, photo: CTK

Comme il fallait s’y attendre, la démission du ministre de l’Environnement, Pavel Drobil, n’a pas mis fin à l’affaire qui s’étale depuis deux jours à la une des journaux tchèques et dans laquelle le ministre a joué un rôle non négligeable. Après la publication des documents existant sur cette affaire par le journal Mladá fronta Dnes, un soupçon de corruption plane sur certains fonctionnaires du ministère de l’Environnement (voir notre article du 16 décembre). La presse s’interroge notamment sur la réaction incompréhensible du Premier ministre, Petr Nečas, qui a été informé, il y a déjà deux mois, de ce qui se passait au ministère et n’a pourtant rien fait.

Libor Michálek
C’est une série d’enregistrements réalisés par le président du Fonds national pour l’environnement, Libor Michálek, qui a fait éclater l’affaire la plus grave de l’existence du cabinet Petr Nečas. Ces enregistrements démontrent que deux fonctionnaires du ministère de l’Environnement auraient tenté de convaincre Libor Michálek de manipuler certains appels d’offre, et que le ministre et même le Premier ministre étaient au courant de ces pratiques. Petr Nečas a encore aggravé sa position en exprimant son soutien au ministre sortant et en rejetant sur Libor Michálek la responsabilité de cette affaire. Le parti Affaires publiques (VV), une des trois formations de la coalition gouvernementale ayant basé sa campagne électorale sur la lutte contre la corruption, s'est montré plus sensible à la gravité de la situation. Petr Nečas se trouvant au sommet de l’Union européenne à Bruxelles, les représentants de ce parti l’ont appelé à Prague pour qu’il s’explique sur son rôle dans cette affaire devant les autres membres de la coalition gouvernementale. Et le Premier ministre a promis de venir :

Pavel Drobil et Petr Nečas,  photo: CTK
« Je veux faire connaître aux partenaires de la coalition mon attitude dans cette affaire et leur expliquer certaines questions posées par les médias. Je comprends leur inquiétude. Néanmoins, j’espère fort que les réponses convaincantes seront données à ces questions, ce qui calmera le climat exacerbé de ces derniers jours. »

Selon la politologue Vladimíra Dvořáková il ne sera cependant pas facile pour Petr Nečas d’expliquer de façon convaincante pourquoi il s’est limité seulement à conseiller à Libor Michálek de s’adresser à la police malgré les informations inquiétantes dont il disposait :

« Je ne comprends pas surtout le comportement du Premier ministre. Si le chef de gouvernement a reçu dès octobre un mail dans lequel quelqu’un lui demandait une rencontre en présence d’un représentant du Service de renseignement (BIS), cela devait être pour le Premier ministre, qui est aussi le chef du BIS, un signe évident que l’affaire de corruption dont il est question devait toucher jusqu’au ministre. »

Et Vladimíra Dvořáková de constater que Petr Nečas devait se rendre compte que l’affaire touchait la sécurité de l’Etat et que sa réaction ne correspondait pas à l’importance du problème.

L’opposition, selon laquelle l’affaire révèle les pratiques frauduleuses dans l’appareil de l’Etat, a déjà déposé une motion de censure contre le gouvernement. Le vote à la Chambre des députés aura lieu mardi prochain. L’ancien leader du Parti social-démocrate, Jiří Paroubek, approuve cette initiative :

Jiří Paroubek
« Je pense que c’est un pas logique qui a été approuvé par le groupe social-démocrate à la Chambre des députés. Il s’avère que cette affaire a non seulement une dimension morale mais aussi très probablement juridique et pénale. Le ministre Drobil aurait dû agir et, selon les analyses des juristes, même le Premier ministre aurait dû prendre des mesures appropriées après avoir appris qu’il y avait un danger d’agissements illégaux. Il aurait dû s’adresser lui-même à la police. »

La police a déjà longuement interrogé Libor Michálek, mais la presse se montre assez sceptique et rappelle que de telles enquêtes n’aboutissent que rarement aux résultats escomptés car il est difficile d’élucider les affaires qui touchent jusqu’au sommet de la politique tchèque.