Le refus du président Zeman de nommer Martin Putna professeur d’université suscite la controverse
C’est l’affaire du week-end, et sans doute va-t-elle avoir encore quelques suites. Le président Miloš Zeman a fait savoir qu’il refusait de nommer au poste de professeur d’université, Martin C. Putna, un enseignant et chercheur en littérature de l’Université Charles de Prague. Si la nomination des professeurs d’université est une prérogative présidentielle, les chefs de l’Etat tchèque ont toutefois jusqu’à présent toujours simplement approuvé les noms qui leur étaient présentés.
« La Constitution ne dit rien sur ce sujet, car ce pouvoir de nommer les professeurs d’université est en réalité issue de la loi universitaire, ce qui est d’ailleurs un changement par rapport aux précédentes constitutions tchécoslovaques. Tant que ce droit sera reconnu au président par la loi universitaire, il l’aura. Dans la pratique toutefois, le président respecte les limites de son rôle : celui-ci est plutôt d’ordre formel. »
Si le président de la République n’a pas souhaité donné les raisons exactes de son refus, il a toutefois déclaré n’avoir guère apprécié la participation de Martin Putna à la Gay Pride 2012 et le fait que celui-ci ait défilé avec une banderole déclarant : « les pédés catholiques saluent Bátora », en référence à l’homme politique d’extrême-droite. De même, Martin C. Putna est connu pour ses critiques virulentes de Miloš Zeman dont il a soutenu l’opposant, Karel Schwarzenberg, lors de la récente élection présidentielle.
Si les critiques ont fusé de parts et d’autres du spectre médiatico-politique, certaines personnalités ont néanmoins apporté leur soutien au président de la République, tel que son prédécesseur Václav Klaus ou de nombreux représentants de l’Eglise catholique comme l’abbé de Strahov. Ce dernier soutien a d’ailleurs renforcé les critiques qui estiment que la décision présidentielle a plus à voir avec de l’homophobie qu’autre chose. Dans le monde universitaire, on s’indigne de cette ingérence toute nouvelle de la présidence tchèque. Jan Sokol, professeur et président de la commission chargée du dossier de Martin C. Putna :« J’ai toujours du mal à y croire, à penser que ce n’est pas une erreur. Parce que dans le cas contraire, c’est une atteinte à l’autonomie des universités. Il est tout à fait possible de ne pas être d’accord avec Martin C. Putna, moi-même il m’arrive de ne pas l’être. Mais ses compétences scientifiques sont absolument incontestables. Je ne connais personne de son âge ayant autant de publications à son actif et de telle qualité. Ses opinions peuvent faire l’objet de divergences, mais ses compétences sont indubitables. »
Le principal intéressé, lui, s’est interdit tout commentaire, ne souhaitant pas rajouter de l’huile sur le feu et se contente de rappeler que le choix de nommer un nouveau professeur d’université n’a rien d’un coup de tête du monde académique, mais relève d’une procédure codifiée et scrupuleuse :« La nomination d’un professeur est liée aux compétences de la personne. Celles-ci font l’objet d’une évaluation par une commission professorale, par trois professeurs de l’étranger qui doivent donner leur point de vue, puis par deux commissions scientifiques. On n’est donc pas du tout dans un cas de figure où trois types vont décider de me nommer professeur parce que je suis sympa ou non. Non, il s’agit de procédures très précises de nomination. »
En attendant, l’administration du Château de Prague a tenu à calmer le jeu, rappelant que, pour l’heure, aucune décision officielle n’avait été rendue par le président de la République et que la cérémonie de nomination de professeurs d’université n’aurait lieu que le 11 juin prochain. Une pétition a cependant été lancée en soutien à Martin C. Putna et une manifestation devant le Château de Prague devrait également se tenir jeudi.